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DIS-MOI TON NOM PUISQUE JE T'AIME

Désirer un homme, aimer une femme... Une femme rencontre un homme, elle lui demande son nom, quoi de plus normal ? Une affaire de trafic d'armes et de femmes esclaves. Le désir foudroyant pour un personnage sulfureux beau comme un dieu. Une rencontre nouvelle... L'amour change la vie de la Commandante Lesure en plein doute. Rien de ce qu'elle espérait n'arrive... Tout est fou !!!

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Texte original complet exclusif.
Tous droits réservés. Reproduction interdite

Annick Lesure est commandante de la police nationale dans une ville moyenne d'une province française moyenne en densité criminelle. A 42 ans, toutes ses molaires et quelques rebouchages très bien finis parce qu'elle y a mis le prix, Madame Lesure a une vie de femme divorcée tout à fait ennuyeuse. Elle se dresse comme elle s'allonge, seule et sans souci apparent tant qu'on ne lui visite pas l'intérieur de la tête qui est une conserve à regrets. Elle regrette sa vie sans nécessairement avoir envie de se jeter d'un pont surtout qu'actuellement avec la chaleur, le niveau de l'eau est au plus bas, à peine 20 centimètres, les rares truites sont proches de la déshydratation, il est donc difficile d'exécuter un plongeon d'une profondeur abyssale. Non question noyade, Annick aux seins qui tombent d'inactivité chronique est plutôt accablée par les questions existentielles. Par exemple : comment fait-on pour être heureuse quand on est une femme seule ? Navrante question pour une femme qui est persuadée d'être romantique, comme toutes les femmes seules peuvent l'être jusqu'au célibat pathétique par crainte de côtoyer l'imperfection masculine...

Une porte qui claque, une engueulade, un type s'acharne à dégueuler dans le couloir en braillant sur la nuisance du fascisme international. Un perturbé direction cellule de dégrisement. C'est lundi, il fait beau depuis huit jours. Pas de quoi bronzer la joie de vivre. La surabondance d'UV ne fascine pas les hormones du bonheur. Le bureau en faux acajou se met à vibrer grâce au téléphone de la commandante aux longs pieds. 43 pour une femme d'1m71 ça commence à faire niveau péniches. Le téléphone continue à gigoter, elle s'en saisit, prend la conversation d'un supérieur hiérarchique issu d'une hiérarchie ministérielle. Une voix cassante du style « tais-toi quand je cause, je sais tout, tu ne sais rien et tu n'as rien à savoir de ce que je sais ». Mission dès demain matin mardi : accueillir un policier d'élite comme il se doit avec respect et tact. Cet officier doit être considéré comme un observateur sans qu'aucune tâche ne lui soit imposée par contre il doit être au courant de tout y compris du nombre de rouleaux de papier Q consommé par la brigade au jour le jour.

Ce genre d'intrusion malsaine dans une équipe sous pression est un facteur de tension. Agressivité, suspicion, comportements artificiels, crainte de la réprobation voire de la sanction disciplinaire. D'ailleurs pourquoi envoyer un missile dans une poudrière ? La commandante s'interroge, elle est douée pour cela. Aurait-elle fait une connerie – pas qu'elle sache, enfin rien qui ne soit dérangeant pour un ministère : entre les femmes battues, les enfants de bourgeois qui se défoncent et les dealers qui balancent des boules de pétanque... En ce moment c'est la pétanque – des centaines de boules sont tombées dans un quartier Nord et depuis les flics et les pompiers ont les boules... dans le parebrise. C'est arrivé, deux ou trois fois, pas plus, que la boule reparte vers sa zone de tir mais la commandante avait sèchement menacé le pétanquiste gradé. Ça s'était calmé. Par acquit de conscience, Annick téléphone à un supérieur qu'elle connaît bien, un vieux de la vieille. Le brave des braves promet de la rappeler car il n'est au courant de rien. Le rappel n'a pas tardé, une quinzaine de minutes plus tard, le vieux briscard s’époumone dans le haut-parleur du smartphone de la commandante en léger surpoids à cause des sushis de son horloge biologique.

— Fais gaffe ma fille, il paraît que c'est du copieux qu'on te sert. Personne n'a voulu me dire le nom du gars. Tu es sûre qu'il n'y a rien du côté de chez toi ?... Je ne comprends pas... Non non ce n'est pas l'IGS, j'aurais pu avoir des infos si cela avait été le cas... C'est plus haut... Tiens-moi au courant.
Poussée de stress cutané, le bouton de fièvre vient au monde sans gestation en bas à droite des lèvres... Pourquoi le ministère lui fait une telle vacherie... La commandante aurait voulu affirmer à son équipe que la venue du suppositoire administratif ne pouvait en aucun cas être consécutive à une combine louche et fusiller chaque trombine pour en extraire le substantifique trouble du fautif. Elle se décolle du velours de son fauteuil de service, sort du bureau, s'oriente vers le bruit de la pièce principale du commissariat et demande un bref silence qu'elle réceptionne aisément. Le staff est docile et bien armée contre les communications affligeantes de la hiérarchie. Quelle est donc la mauvaise nouvelle ? La photocopieuse sera remplacée dans deux ans, le néon du couloir restera clignotant à vie ?
— Demain nous avons la visite d'un représentant du ministère, il semblerait que ce soit un observateur de haut vol, j'ignore l'objet de son déplacement et quelles sont les intentions du ministère. Nous sommes priés de le recevoir avec la bonne humeur policière qui nous caractérise...

Journée pourrie, maux de ventre, nez qui gratte et bourdonnements de tympans.

La nuit d'Annick fut celle des paupières en warning. Elle sort du lit avec l'impression qu'un rouleau compresseur lui est passé dessus et à ce titre elle se tourne devant le miroir de son armoire sans style particulier... Son postérieur ne s'est pas aplati et la cellulite ne s'est pas dissolue, peut-être même s'est-elle incrustée. Chaude ambiance donc, petit-déjeuner de café pas plus, douche, séchage, brossage de la blondeur chimique, soutif frou-frou, chemisier blanc et sourire en concombre taciturne.

Clé de voiture... Rue de banlieue, centre-ville, commissariat. La commandante est arrivée à l'heure et a oublié d'être en retard de cinq minutes, un retard qui se répétait depuis 4 ans, depuis le jour de sa prise de fonction. Un chef prend le loisir de son retard mesuré, telle est la conviction de la commandante scintillante – le front se décrépit par le poids du maquillage. L'équipe de 18 policiers est à jour. Certains ont mis un polo chic, d'autres un tee-shirt choc à plis rectilignes. Dans l'ensemble, l'attifement est potable comme une eau traitée. La clique est prête à recevoir le costume nouée à sa cravate ; un petit entrainement de risettes cale la présentation suggestive. La jeune lieutenant Céline Richter demande quel fauteuil bancale sera attribué à... Le policier de l'accueil vient à vive allure vers sa supérieure hégémonique. Un homme souhaite rencontrer la responsable. Silence on tourne... Chacun trouve à simuler une activité indispensable tout en louchant grave vers le missionnaire. Bien sûr, la plus embarrassée est Annick : les administratifs poussiéreux lui tire la houppette. Sa joue gauche fait du trampoline, tic nerveux qu'elle déplore depuis son enfance contrariée. Voici le parfait moment pour paraître dépassée par les événements et être coupable de perdre les pédales sans être montée sur un vélo. En pleine fronde factice, elle exige qu'on lui ramène le fouineur sur place car elle n'a pas l'intention de bouger un orteil... Affirmation du moi stupide, mais le moi a ses fiertés déplorables incompressibles. L'ordre appuie sur la vessie compressée, le moindre mouvement livrera sa goutte.

Le policier de l'accueil accompagne un homme jeune, grand, beau comme un sou neuf, mince comme un solide tuteur à tomates, baraqué comme un GI Jo sans Red Bull, blousonné léger griffé certainement, jeané moulant sans trop, avec une chemise qui n'est pas une fripe... Une splendeur de sourcils d'yeux clairs dans un brun de pilosité du bel italien spécial photo de mode. Il pue le fric, il a le social des quartiers chics, la prétention et l'eau de toilette en versions business class. Il n'a rien d'un flic payé en heures irrécupérables.

L'équipe avait eu le droit à un nom sans un bonjour. Dupont... Ce type est un fantasme en mocassins pour femme coincée, un ravigoteur de libidos en détresse. Pourtant le nom, ne colle pas. Dupont, non, Ducon Je Me La Pète Fort ce n'est pas impossible voire même probable. Pas de bonjour ? La commandante ne voit pas l'utilité de faire remarquer que le poster en chair et en muscles avait été impoli et puis, elle a les seins qui débordent du soutien gorge tant ils ont gonflés. L'effet montgolfières dans des balconnets est impardonnables durant le service. Elle propose un entretien dans son bureau et se retrouve seule devant un homme sublime. Même le nez de cet Eros est fin, un trait grecque somptueux. Il est aussi debout que magique. Elle est assise et le contemple jusqu'à le lustrer grâce à des pupilles récurantes. Elle l'invite à s'asseoir. Il y met un savoir éduqué.

Monsieur Dupont et Madame Lesure n'ont rien à se dire. Madame patauge sur sa chaise devenue pour l'occasion la mare à cane en chaleur. Monsieur fixe sans relâche la lippe de Madame. Madame bave alors la lèvre inférieure s'amollit et se vautre comme une chaussette sans élastique. Agacée par son laisser-aller non professionnel, elle se déchaine tant bien que mal, plutôt mal que bien :
— Si je vous demande qu'elle est votre mission, vous allez me dire que je n'ai pas à le savoir, si je vous demande votre grade ou vos attributions, vous me répondrez que cela est sans importance...
Quand Annick panique, elle va toujours trop loin et se plante dans le décor avec le talent de l'ancienne actrice sur le retour qui en fait trop pour faire savoir qu'elle a survécu à ses bides magistraux. Le ridicule n'a pas eu le temps de s'abattre sur elle, le mâle et toute sa splendeur se mettent à roucouler :
— Ma présence est troublante, néanmoins je ne m'en désole pas...
Il signe d'un sourire à décoller la retenue.

La commandante pose sa main sur le troisième bouton en partant du haut de ce foutu chemisier qui avait rétréci soudainement. Annick est en programme long 100° sur du synthétique programme éco à 30° nécessairement il y a un impact climato-critique. Le fifrelin est glacial dehors, humain... sentimental en dedans ? Pas facile à dire, Annick a le cœur en vitrine. Trempée dingue, folle de rideau en l'espace de 4 minutes tout au plus. Pas la peine de se la jouer chaste et prude après l'exhibition de son attirance. Elle sait qu'elle est débusquée.

Inutile de tenter une conversation officielle, elle n'y arrivera pas. Il ne nargue pas, ne s'impatiente pas malgré tout.

Au terme de l'entrevue, il suit la lieutenante Céline Richter. Annick a fait exprès de choisir cette officier homosexuelle jusqu'au trognon et qui ne s'en cache pas. Une prouesse pour une femme policière dans un univers où les supposées différences sont traitées en particularismes rédhibitoires. Annick est convaincue qu'elle n'aura pas ce type, trop beau pour elle, trop jeune et peut-être est-il là pour nuire à sa carrière mais elle ne supporte l'idée pas qu'une autre dans le commissariat puisse se le pécho les jours de récup, fort heureusement rares. Il est à elle mais de loin. Elle a de quoi rêver durant des semaines, c'est presque suffisant après des mois sans image au cœur.

La nuit d'Annick Lesure avait eu l'insomnie tenace. Cette insomnie avait été escomptée.

Vers deux heures du matin, elle s'est levée pour boire de l'eau minérale pleine de calcium amaigrissant. Elle doit éliminer davantage le calcium que l'eau car elle ne perd pas de poids depuis ses 20 ans. Le fessier accroché au bord de l'évier en inox, elle se promet d'exprimer ce qu'elle ressent à cet homme en matinée, à la minute, à la seconde, à la demi-seconde où elle le reverra. Elle accepte l'évidence qu'une telle déclaration intempestive se transformera en débâcle épique façon retraite de Russie et repli sur la boîte à mouchoirs en papier.

Matin habituel si ce n'est ce poids dans la poitrine. La voiture est en biais sur la place réservée. Trois saluts. Une entrée. L'instant crucial est en présence de Madame Lesure engoncée dans son embarras et Monsieur Dupont aimable à croquer. Le lieu de déconfiture choisi par Annick est la machine à café pour sonner la charge dans les tons de la décontraction fabriquée.
— Monsieur, ce que j'ai à vous dire prête à rire. Je... Oh et puis flûte, je n'y arriverai pas avec des gants. Voilà, je suis amoureuse de vous... Bon, je m'en vais... Je ne veux pas voir le moindre rictus sur votre visage. Vous pouvez rejoindre les autres, si vous pouviez m'épargner des commérages...
— Madame, bonjour. Je reconnais qu'il y a un temps où j'aurais accueilli votre confidence avec une désinvolture malsaine. Maintenant, je la respecte avec une grande tendresse, ne m'en demandez pas davantage, à mon tour d'être troublé...
Il sourit au plus large comme un horizon maritime.

Annick a les iris à pleine voilure, elle n'est pas congédiée, répudiée, abîmée, même s'il n'y a rien de rien jamais, elle a tout pour tout en tout. La vie est formidable.
— Merci Monsieur... Votre nom et l'absence de pré...
Elle lui a donné un coup de sabre d'abordage. Il est fendu, accablé, il jette le gobelet sous tension. Il part très loin. Elle l'attrape par le coude, elle est magnifique de conviction :
— Votre présence parmi nous est relative à votre identité. Vous êtes en difficulté.
Il ne dit rien mais répond oui, oui dans tous les sens, les contre-sens et les sens cachés, il est acculé. Elle est certaine d'elle, il ne dit rien mais répond merci.

A peine entrée dans son bureau, Annick au-dessus des nuages, là où l'oxygène est rare, reçoit la visite curieuse de Céline :
— Qu'est-ce-qui se passe entre vous deux, ça m'a l'air de bien coller... Ça fait plaisir de te voir dans tous tes états.
— Ferme la porte !
Céline comprend que ce n'est pas l'heure de la taquinerie, Annick a des phases précises, la subalterne pousse l’entrebâillée. Annick prend son air vital :
— J'ai confiance en toi mais promets-moi de n'en parler à personne.

Céline ne fanfaronne plus. Céline est toujours un arc tendu, sans flèche, elle blague tout le temps pour faire taire son oppression. Sans Annick, elle n'aurait pas tenu dans ce milieu macho ultra hétéro. Elle s'en sent redevable alors si elle peut être utile c'est avec enthousiasme qu'elle s'engage à ne rien révéler. Annick n'en doute pas :
— Voilà, je lui ai dit que j'étais amoureuse.
— Carrément ?
— Oui, carrément et il ne s'est pas débiné mais ce n'est pas le problème. Il est ici à cause de son identité, je n'en sais pas plus. Je vais l'aider.
— Et s'il sort des clous, si ce n'est pas déjà fait ? On fait quoi ?
— Ecoute, Céline, je ne te demande pas de te compromettre, je te demande juste d'être discrète et de me surveiller car je sais que je peux déraper.
— C'est à ce point ?

Céline est émue, elle savait Annick fleur bleue parmi les fleurs bleues mais là la commandante est en bouquet. Annick ne larmoie pas, se cabre, ce n'est pas en un point, c'est viscéral. Céline bien qu'éparpillée dans ses comportements, rend hommage à cet état second qui accapare sa supérieure, elle sort de la pièce. Avant l'éclipse totale, elle se retourne avec complicité :
— On nous attend pour la réunion de l'OP.
— J'arrive dans deux minutes.
Annick a besoin de revenir sur la planète grabuge.

Dossier, briefing, sortie en voiture. Céline conduit un véhicule de service banalisé en compagnie de Mr Dupont. L'enquête concerne une usine désaffectée sous surveillance policière. De la racaille se fait livrer des parpaings, du sable et du ciment en grande quantité, factures payées en liquide, dans une friche industrielle qui ne leur appartient pas. Il y a du squatte dans l'air mais au vu du profil des ouvriers et de la présence occasionnelle de jeunes-filles noires pour l'essentiel, l'agitation envoie des signaux de réseau malfamé. Affaire pourrie à hauts risques, les coups de feu, les coups de couteaux tout peut arriver sans raison particulière. Aperçu de la planque, un gars avec un bonnet vert est en visuel. Le suspect est encombré d'un long coffret kaki qui peut très bien être celui d'une arme. Mr Dupont semble concerné, l’œil chamois de Céline ne le lâche pas.

Le lendemain la journée de travail fut concentrée. La préparation de l'intervention était remontée jusqu'au préfet. Plusieurs services furent immédiatement impliqués, de ceux qu'Annick connaissaient et de ceux dont elle ignorait les capacités. Elle avait glissé malicieusement à l'oreille préfectorale qu'un observateur du ministère de l'Intérieur était de la partie. Le Préfet qui avait la jugeote de l'administratif au taquet a vu en cette opération aux relents parisiens, un moyen de sortir de sa préfecture par le haut ou du moins d'éviter de finir comme préfet de la Lozère inférieure. A ce titre , il s'était couvert jusqu'à ce que des hommes en gris de la face jusqu'au costume viennent changer la donne. Ils avaient déboulés dans la salle de réunion du commissariat à 14h17. Ils étaient chefs des chefs et responsables de la sécurité de la France continentale. La commandante et ses rejetons furent dès lors classés parmi les éléments périphériques non indispensables. Dans des cercles concentriques, Annick commandera la gestion des fuites d'individus suspects avec derrière elle, en tamis, les bouseux de la gendarmerie locale. Les grisons se faisaient dessus tant ils jouissaient à rabattre les prérogatives de la commandante. La commandante la joua finement devant la grisaille impétueuse. Elle renâcla pour la forme et se satisfit des velléités guerrières de ceux-ci. Un des gris eut une sorte de trouble de l'intelligence hormonale, il imagina que la commandante était déconfite. Le gaillard redoutable avait eu le complexe du mâle protecteur à l'égard de la femelle en désarroi :
— Nous sommes...
— Je ne me pose aucune question à votre sujet et ne souhaite aucune réponse aux questions que je ne vous ai pas posées.
Le ton était détaché, la réponse provoqua un rictus chez l'argousin plastronné. Annick pensait à Mr Dupont qui écoutait à distance – même à cette distance, il était beau comme un espoir. Elle perçut qu'il était plus facile de se passer d'interrogatoire envers des personnes qui l'indifféraient plutôt que de s'indifférer de quelqu'un qui suscitait un vigoureux sentiment d'intérêt. Le sentiment était bien un élément perturbateur. Si elle en avait eu la force, elle aurait préféré interroger les oiseaux de mauvaises augures et se soustraire de l'attirance indiscrète qu'elle vivait en présence de l'homme qu'elle aimait. Elle n'avait plus aucun doute, elle aimait autant qu'elle aimerait tout savoir de lui. Elle aimait davantage son besoin de savoir que son besoin d'aimer qu'elle déplora furtivement.

Finalement, place aux services habitués de la défonce des portes et des mitraillages en gilets pare-balle, cagoule réglementaire sur la tête. La tactique était simple, les durs à cuire armés jusqu'aux dents entraient en action par les issues secondaires et pacifiaient le plus discrètement possible. Les cow-boys intermédiaires faisaient de la protection des personnes qui coopéraient à l'intérieur du labyrinthe de parpaings. La commandante signala la possible présence de femmes noires non identifiées. Les flingueurs promirent le discernement et de ne pas dégommer les potiches. Il était invraisemblable qu'une arme réfléchissât, pourtant l'assemblée se contenta du principe déclaratif.

Les gris s'évanouirent à 16h42. Leurs véhicules étaient gris métallisés. Céline ne put s'empêcher :
— Ils ont le caleçon assorti ? Ils ont des têtes de nœuds congelés.
Les femmes de l'équipe avaient rigolé. Les mecs atteints dans leur superbe confraternelle n'avaient pas enregistré.

57 policiers affutés à l'action intensive, du jamais vu cantonal. L'intervention entame les 15h00 sonnantes, heure à laquelle il y avait habituellement du monde dans cette ancienne laiterie industrielle. Les casques noirs au Nord, les gilets brassards à l'Est et au Sud. Comme prévu, à l'intérieur, une multitude de cloisons en agglos de 15cm d'épaisseur dans un dédale de couloirs et de petites pièces. Une sorte de grappe de raisins à angles vifs. Un peu de drogue, quelques armes de poing incomplètes, inutilisables en l'état, trois filles peut-être mineures, sub-sahariennes sans-doute... des caisses de vêtements neufs. De l'informatique... des smartphones... Pas de mallette, pas de bonnet vert avec la tête d'un type blond dedans. 15h46 au finish. De l'emballé vite fait, chaque groupe commente les anecdotes de l'investigation. Un défonceur s'est aplati les naseaux sur la devanture d'une gamine qui pensait être étripée. Ça rigole et ricane entre pédoncules sexistes. Le préfet est deçu, trop vite, trop bien, trop facile et pas assez d'héroïsme médiatique. Il ne doit pas compter sur plus d'une minute trente de reportage au JT de 20h00. Il n'est pas certain qu'un journaliste lui tende un microphone promotionnel.

La commandante est invitée à faire le ménage dans les alvéoles. Les armes légères et la drogue ont été prélevées, les filles embarquées, reste le dépotoir à répertorier.

Mr Dupont n'est guère enchanté, Mlle Richter n'est guère tranquillisée, Mme Lesure gonfle la joue droite quand un lieutenant de gendarmerie s'adresse à elle :
– Qu'en pensez-vous ma commandante ?
– Trop visible... On ne joue pas les bâtisseurs pour si peu, une cave d'immeuble aurait suffi et puis personne pour garder le magot ?
Chacun est d'accord, il faut prendre le temps de la visite et analyser les indices. Le préfet est averti, il consent, il compte sur une conférence de presse défendant la méticulosité de la police à condition qu'il y ait autre chose à découvrir dans la laiterie.

La commandante part en avant toute fronde dehors. Elle s'avance en pointe, la lieutenante et Mr Dupont suivent. Le trio passe une porte d'entrée déglinguée et prend un couloir qui semble être la branche principale jusqu'au premier croisement. Annick sort son arme, la lieutenante l'a déjà fait. Elles vont sur la gauche tandis que des gendarmes s'étalent partout. On avance lentement, on s'égare franchement tout en évitant les objets abandonnés au sol. Bouteilles, tissus crasseux et déchirés, des plastiques, des résidus dont on ne sait quoi. Impressions urinaires, parfum de bières sèches. Tout prouve un intense passage et pourtant tout manque singulièrement de vie. La lumière du jour parvient mal dans les recoins. Le labyrinthe est dans une grande salle qui fait cathédrale. Les vitraux de verre blancs sont écœurants. Annick est assaillie par ses intuitions, ces dernières lui intiment l'ordre de briser les murs qui de toute évidence taisent la vérité.

Le trio croise deux gendarmes, ils n'ont rien vu d'important si ce n'est que du ciment frais au sol à quelques mètres. Les cinq policiers découvrent en effet du mortier récent et des bassines en allant vers l'Ouest.

– Vérifiez les joints des murs.
Annick est proche de la sincérité des lieux. Elle le sent. Mr Dupont se fait aussi tendre que participatif, il est porté dans un élan appliqué qui laisse supposer qu'il a bien l'intention de trouver ce qu'il cherche. Céline observe que des bas de mur sont humides. Mr Dupont constate mieux encore, un peu plus à droite, sur une paroi en forme de point d'interrogation, il manque des joints verticaux entre les parpaings.

Il éclaire une des fentes grâce à la lampe de son smartphone et repère un toit en tôle à cette alvéole. Sur une palette de bois, ce qui pourrait être un corps. Le grand bagage est là.

Mr Dupont se met à parler dans une langue intraduisible. Il est joyeux dans une réserve qui prouve son implication affective. Il se mue en homme le plus attentif qui soit quand une voix féminine chante un air étranger. Aucun empressement, aucune nervosité, une facilité de communication.

Annick ne peut s'empêcher d'être piquée au vif. Jalousie quand tu nous tiens. Mr Dupont demande des précautions pour abattre le mur. Le bonhomme au bonnet vert surgit. Il est mis en joue.
– Ce n'est pas utile.
Mr Dupont vient d'intercéder amicalement.

Le vers de terre remercie la baisse des pistolets de service. Il indique une cache pour démonter les parpaings récemment scellés. On y trouve des truelles, une massette, des burins, un pied de biche... La femme à l'intérieur est loquace et tape sur son versant, elle a de quoi s'évader, pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ? Elle a rendez-vous avec Mr Dupont qui est le plus heureux des inconnus. La commandante descend de son cocotier de rêverie et redevient une femme céli-abbatue par les sévices de son dépit. Céline fait le balancier, fin d'histoire ou rebondissement spectaculaire. Mr Dupont se charge de déplacer les parpaings bas du mur. Une main féminine passe par l'orifice. La main cherche l'autre main masculine. C'est cuit pour Annick dont les viscères virent au fiel. Quatre agglomérés désolidarisés suffisent à faire sortir la recluse. Céline s'applique à tout noter, elle veut savoir vite. Annick se réfugie auprès des deux gendarmes auxquels elle ordonne de garder un œil sur l’indic. Elle ne veut pas être la témoin de la moindre tendresse. Son être en serait fouetté, elle n'en peut plus de souffrir à cause de ses histoires d'amour sabordées. La jeune femme crie de bonheur, Mr Dupont fait l'ange de bienvenue. Ils s'étreignent. Céline se régale à surprendre Annick en quart de larmichettes... La lieutenante chuchote :
– Calme-toi, ce n'est pas des embrassades d'amoureux...

Annick aurait bien souhaité répondre « tu crois » mais rien n'est en capacité d'être formulé.

La jeune-femme regarde Céline avec de la lumière de pénombre, de celle qui transperce comme un rayon. Céline est foudroyée :
– Elle est de ma tribu, tu ne risques rien.

Annick est percutée par une libération intérieure, elle sort de son emmurement. Elle s'approche, ils se ressemblent, ils sont de la même famille. La jeune femme est faramineuse, elle a de la prestance sans être guindée comme Mr Dupont. Des yeux ciel d'Orient, une chevelure orientale aussi, elle n'est pas en état de choc, elle est aussi euphorique qu'Annick. Céline se shoote au désir fou. La grande et belle demoiselle est libérée aujourd'hui mais prisonnière de peurs anciennes. Elle a connu ce que ne connaissent pas les jeunes-filles des beaux quartiers, elle a de la terreur sous sa peau, en faillite intérieure, elle est dévastée, Annick le sent :
– Mr Dupont, cette jeune personne a besoin de protection, je me trompe ?
L'étrangère se met à rire en s'adressant à son compatriote :
– Mon frère en Mr Dupont...
Elle baisse ses aises devant son frère attristé. Sinistre farce, décidément le nom de monsieur Dupont est un élément Titanic prêt à faire sombrer l’insubmersible fierté de cet homme.

Au delà de la digression momentanée, Annick sait pertinemment qu'elle tient un fil qu'elle n'a pas l'intention de lâcher. Mr Dupont est dans le flou coincé entre préservation et divulgation. Admettre la nécessité d'une aide est le début d'une narration. Annick devine le dilemme, s'en offusque sournoisement tandis que la jeune femme prend la balle au bond. Elle est vive, aussi vive que vivante :
– Nous sommes en danger depuis des années.
Le frère n'apprécie pas la démarche.
– Ça suffit, joue avec ta mort mais ne m’entraîne pas dans ta folie. Nous ne sommes plus rien que des gens sans attache. Nous ne valons pas l'air que nous respirons et tu le sais très bien.
La colère monte tant que les yeux d'Annick ne viennent pas se poser sur le regard de la jeune-femme. C'est fait, le lien est tissé.
– J'ai confiance en toi, tu es une bonne âme, mon frère n'a plus de lumière, toi tu as du soleil en toi. Que mon frère fasse ce qu'il veut, moi je prends ton aide comme le cadeau de mon salut. Je n'ai rien à t'offrir, je n'ai que ma mémoire qui te célèbrera.
Le cœur d'Annick prend un espace céleste, un cœur atteint en plein cœur, si cela est possible. Un sentiment est né. Il n'est pas identifié, il est touffu, où est la tête, que devient la raison. Le délice est subtil.
– Mr Dupont,
Annick fermement,
– L'individu au bonnet vert doit-il apparaître dans le dossier ou doit-il disparaître dans la nature ?
– Ce serait préférable...
L'homme embarrassé jusqu'à l'humeur défaite n'a pas eu le temps de finir.
– Brigadier, conduisez le témoin où bon lui semble mais à 50 km à la ronde, faites en sorte qu'il y soit vu. Une fois déposé rejoignez la gendarmerie. Aucun rapport écrit à ce sujet. Prévenez votre officier et dites lui de nous rejoindre, s'il-vous-plaît.
Le bonhomme vert un peu cabotin fait la pantomime avant de partir.

Le second gendarme a mieux ouvert le passage et fait une inspection du local.
– Commandante, le coffre appartient à l'armée française !
Exclamation qui informe de l'ampleur de la circonstance.
– Mr Dupont, en connaissez-vous le contenu ?
Il veut éluder. La sœur répond :
– C'est une arme de l'armée française. Le gouvernement français a livré des armes pour soutenir ma famille au pouvoir. La livraison est tombée dans les mains d'opposants. Ton président ne veut pas que ça se sache. Il y a des documents secrets dedans...
Le lieutenant de gendarmerie arrive et vient d'entendre. Le jeune gendarme quant à lui ressort du local. Annick demande à rester seule avec l'étrangère, celle-ci sait doser les confidences.
– Lieutenant ramenez le préfet. Il va falloir agir vite.
L'officier est totalement d'accord, ce genre d'affaire peut amener les galons dans le caniveau.

Céline raccompagne Mr Dupont aussi dépité que libéré d'une certaine manière. Il est loin le fringant demi-dieu, il reste un beau jeune-homme fragile.

– Que vous-faut-il pour vivre mieux ?
– Tu sais dans mon pays j'avais tout ce qui brille et tous les mépris car ma famille est mauvaise et moi je ne suis pas dans la lignée surtout quand on aime les filles comme je les aime. Mon frère a été élevé dans l'orgueil de son nom, il devait succéder à notre père. Il avait tous les honneurs, toutes les femmes qu'il voulait... Maintenant il court après son orgueil et à chaque pas il entre dans le sable et étouffe. Il est perdu pour toi. Je vois bien que tu le regardes comme une femme. Il ne t'apportera que l'attente et ta fin... Il t'aime crois-moi. Il pense qu'aimer c'est de la faiblesse, il aime avant tout l'exercice du pouvoir. Il m'a parlé de toi, tu es son doute cruel. Il n'ira pas contre sa nature, mon frère est perdu. Je sais ce qu'une femme amoureuse peut faire et endurer pour l'homme qu'elle aime, pourtant je te l'affirme l'aider, le protéger ne fait que grandir son illusion. Il est généreux aussi, tout n'est pas indifférent en lui. Il a organisé la fuite de mon pays avec cette arme et tous les documents qui prouvent la trahison de la France. L'idée de ces jeux de murs, c'est lui. Il a utilisé la cupidité de trafiquants pour ça, il les a prévenu pour qu'il n'y ait personne aujourd'hui pour la sécurité. Il réussit toutes les petites entreprises de manipulation. Ce n'est pas pour autant qu'il retrouvera le trône de nos ancêtres. Nous avons été orgueilleux, autoritaires, nous avons méprisé ceux qui ne nous étaient pas utiles. Tu vois, je ne te cache rien, je ne te dis pas que je suis bonne. Si j'avais été comme eux, j'aurais aussi fait autant de mal qu'eux... Laisse mon frère à distance. Je te demande trop mais je sais que tu l'aimeras comme cela lui est utile. Tu es forte.

Annick a pleinement reçu la leçon distancielle. Elle y accorde une importance impérieuse. Elle sait par expérience que les femmes amoureuses soulèvent des montagnes pour un homme et en ressortent toujours écrasées si ce n'est pas incarcérées de surcroît. Adieu beau prince se dit-elle et ceci avec une forme de libération de la contrainte. Elle conserve le désir, l'essentiel de cette relation unilatérale furtive. Après le cri du corps qui se sentit en amour plutôt qu'en dépendance, le chant du cœur qui entonne le partage. Du tour de son cou, elle sort une chaîne avec une grosse clé ancienne sans valeur portant une étiquette :
– Prends cette clé, elle ouvre la porte de ma maison de famille. Ma famille n'a jamais eu le moindre pouvoir si ce n'est que celui d'accueillir qui leur plaît. Ma toute petite maison est une misère, il y a de l'humidité. Regarde, il y a l'adresse. Tu iras avec ton frère ou pas comme vous voudrez, protège-toi toi aussi comme tu me protèges. Fais des provisions pour plusieurs jours dans une ville éloignée. N'utilise pas ton téléphone portable. Je vais régler les problèmes d'ici et je te rejoindrai dans quelques jours. Si tu n'as pas besoin de cette clé fais la déposer au commissariat discrètement. Sinon garde-la toute ta vie, pour t'en servir quand tu le voudras.
– Je t'attendrai, fais attention, dans cette histoire il n'y a aucune humanité. Dis-en le moins possible, ils ne pourront rien contre toi.
La demoiselle embrasse fougueusement la joue de la commandante qui est aux anges.
– C'est permis dans ton pays, non ? Une femme qui embrasse la douceur d'une autre femme, alors je m'intègre, c'est cela l'intégration !!! Tiens, c'est la clé de l'arme avec les preuves.

Clé contre clé et pas seulement. Une clé USB forme le trousseau. Annick est seule durant deux minutes à peine quand le lieutenant de gendarmerie revient attaché à un préfet angoissé. Elle a changé, elle le sent profondément.

– Monsieur le Préfet, nous sommes face à des agissements de l'Etat qui a perdu le contrôle de ses intentions et qui souhaite rectifier le tir. J'ai volontairement laissé partir des témoins. Si vous souhaitez ma démission, je vous la donne sur le champ.
– Non pas, poursuivez commandante.
Un fonctionnaire submergé est un fonctionnaire plein de reconnaissance à qui le fera flotter dans les meilleurs délais.
– Je vous propose de rédiger nos rapports dans le sens d'une fouille qui a débouché sur des trouvailles non déterminées. Au vue de l'aspect extérieur de la mallette de transport estampillée par des inscriptions paraissant officielles, nous avons assuré la garde des lieux en attendant les autorités compétentes.
– Vous avez raison, faisons cela !
Elle aurait dit marchons sur la lune à cloche-pied le préfet aurait été emballé par la stratégie.
– Lieutenant, vous êtes plus mince que moi. Entrez dans le local prudemment, un de vos hommes ganté est déjà passé et n'a rien remarqué d'offensif. Néanmoins quelque-chose aurait-pu lui échapper et je préfère qu'il y ait eu deux gendarmes référents dont un officier.
– J'y vais.
Le lieutenant est plutôt sportif, célibataire, et bon petit gars sans histoire. Il visualise le local exigu :
– Selon moi il n'y a rien d'important. A la lampe électrique cela peut toujours être trompeur par contre la mallette de transport pourrait être piégée. Je ne touche à rien.
La voix avait été étouffée par les murs mais l'anticipation impérative qui en découle est évidente.
– Visiblement ce n'est pas de notre compétence, rien qui ne concerne la préfecture. Bon, je préfère passer la main.

Une fois sorti de la laiterie, le préfet engage une conversation téléphonique de haute volée. Les gendarmes gardent les issues. « On ne touche à rien » telle est la consigne !
Céline vient aux ordres, l'équipe s'apprête à partir pour un retour au commissariat.
– Mr Dupont et sa sœur sont partis, elle m'a regardé, elle était hyper heureuse... Lui par contre...
Annick Lesure en nouveauté d'esprit prend le bras de Céline à la vue de tous. Céline s'étonne :
– Qu'est-ce qui se passe, tu parais chamboulée ?
– Je le suis.
– Tu sais ce que tu fais là au moins, parce qu'il va y avoir du commentaire dans la baraque.
– J'espère que l'on dira que la commandante Annick Lesure a fait des avances, à qui déjà, je ne connais pas ton nom ?
– M'enfin, tu t'es cognée la tête et je te rappelle que l'on a déjà essayé et que tu t'es passablement ennuyée.

– Je connais le nom administratif, celui des dossiers, des enregistrements, mais tu ne me l'as jamais dit de vive voix comme une confidence intime.
Des années « d'anonymat » professionnel tout en se tutoyant chaque jour. Le plus grand des paravents que l'amour pudique ne contourne jamais.
– Céline Richter
La lieutenante est sur le flanc, elle vibre si fort. Un point de côté émotionnel. Annick l'emporte d'une certaine manière :
– Bienvenue Céline Richter. A l'époque où je me suis égarée dans tes draps j'étais une hétérosexuelle en état de solitude avancée. J'avais fait un plan sur la comète très jeune : le mariage parfait. Chaque chose avait une place et chaque place avait sa chose. Mon mari était mon suzerain. En échange de son privilège de mâle, il devait être royal. Il était banal, comme moi. Il a pris la poudre d'escampette quand j'ai commencé à exiger de lui un style de vie qui ne lui appartenait pas. Sur le moment, j'ai hurlé au traître. Divorcée, j'ai renouvelé mon obsession, il fallait que je trouve l'homme chose. Tu es arrivée comme un cheveu sur la soupe. Tu tacles, tu agites, tu as des phrases assassines et malgré tout tu me soignes. Je ne me sens pas seule quand tu t'adresses à moi, j'aime t'écouter parce que je t'entends fort et clair.
Céline est ravie d'entendre un tel hommage mais tient absolument à dire :
– Tu ne me dois rien Annick, je ne t'en ai jamais voulu de ne pas me voir. On ne va pas contre sa nature.
Sa nature certes mais quand cette nature est prisonnière des principes, ces derniers n'ont-ils pas raison de la nature qui ne dit mot et consent à l'errance invariable. La course à la conformité éteint la lucidité. Annick en sait quelque chose et voit sa vie en défilement anachronique, elle résume et garde les longueurs pour elle :
– Comme tu le sais, j'ai connu un désir fulgurant à soulever des montagnes à l'égard de Mr Dupont, j'ai déclaré un amour d'attirance qui est resté vain. Il a brisé ma convenance, je suis devenue une folle furieuse tout en me sentant bien dans cet univers de palpitation. Il est le premier a avoir jeté le trouble, il y avait donc autre chose à vivre que ce que j'avais prévu, c'était mieux, plus fort, plus dangereux aussi mais ça ne contenait pas moins de vérité, pas plus de mensonges et bien moins d'hypocrisie. Le plus révélateur cependant c'est cette gamine, cette sœur sublime. Pendant que tu te confrontais à la secousse du désir, je goûtais à son esprit libre. J'ai été subjuguée, saisie même, peut-être même étreinte comme jamais par la force de son appétit de vivre. Elle ne calcule rien, attrape au vol tout ce qui lui chante. Elle m'a donné la fringale. Dans ma tête j'ai repassé ma vie en panoramique, et mon envie s'est arrêtée sur toi. Tu es plein champ. Pas de doute, quelque chose en moi a changé. Je veux le découvrir en ta présence seule.
– Alors on est ensemble ? C'est la première fois que je suis en couple pour de bon, je commençais sérieusement à craindre la solitude chronique, heureusement que tu étais là inaccessible c'est vrai et tellement présente. Tu m'as manqué et même privée mais tu ne m'as jamais fait de mal. T'aimer m'est tellement facile, ta douceur, tes formes... Je perds ma nervosité avec toi, je me sens mieux.
– Ta compagne toute ronde est bien mieux avec ses rondeurs maintenant qu'elles sont désirées...

Enfin l'intensité au delà du seul désir, elles se regardent, elles sont satisfaites jusqu'aux corps dont les conversations gestuelles ne sauraient tarder.

Annick conduit son véhicule sur une route pleine de nuit partout avec la vue qui se brouille malgré la lumière des phares. L'embellie de sa vie au bras de Céline n'avait été que de courte durée. Là, au milieu d'un grand tumulte, entre deux lignes blanches en pointillés, en proie à une bestiole qui vient de traverser la route, Annick suppose qu'elle est faite pour encaisser des frustrations jusqu'à son dernier souffle, elle renifle et ne se mouche pas car si une main lâche le volant, la seconde pourrait bien faire de même, mourir n'est pas son truc puisqu'elle cherche à vivre... Et puis, Céline ne l'a pas déçue pour le peu qu'elle s'en souvienne... La douceur, le partage, les sourires, les envies et les fantaisies, tout avait été parfait. Elle se remémore la chaleur, c'est important la chaleur se dit-elle encore et encore. Précédemment, comme prévu, l'agitation policière des hautes sphères avait été abrasive, vindicative, déplacée aussi. Seulement voilà, Annick, par on se sait qu'elle lubie, avait tenu tête. Une muraille d'opposition devant l'invective des sommets pris par l'angoisse du scandale. Elle avait imposé les clauses de la négociation. Elle orchestra avec maestria. Elle devait reprendre contact avec les Dupont qui savaient et détenaient, elle répercuterait les désidératas et en contrôlerait la faisabilité de part et d'autres. Les éminences grises et le cabinet ministériel n'avaient pas surenchéri car ils venaient de fabriquer un fusible. Un fusible est toujours utile surtout quand son énergie est celle de l'initiative personnelle. Annick avait sciemment oublié de prévenir qu'elle possédait un clé USB à faire pâlir ces endurcis de la magouille. Pourquoi tant de courage ? Il n'y avait pas une once de courage. Il y avait un besoin fou de sauver cette jeune-femme brute de décoffrage qui claironnait la liberté sur le champ de bataille.

Annick et Céline étaient toutes deux parties en estafette dans la Bretagne de fin de terre. Arrivées sans claironner, l'inspiratrice était présente mais seule, accueillante, débordante... Les retrouvailles avaient embrassé les impulsions de chacune. Céline fut ensevelie sous son trouble, la jeune sœur ne refusait rien, n'éteignait rien, elle avait certainement des attentes en attente, et Annick avait été si fascinée par cette félinité sauvage que la morale des duos prit l'allure d'un trio. Le triangle n'était cependant pas isocèle. Mademoiselle Dupont était un faîte, brune et longue, braise et fragile, Céline un côté charnel, Annick un côté spirituel.

Une scène d'une simplicité déconcertante avait joué le rôle de la précipitation. Le soir même de la visite, la sœur avait demandé qui était ce couple de femmes photographiées et encadrées au mur. Annick avait répondu en désignant sa grand-mère Annick qui avait connu bien des malheurs et une Elisabeth N., une grande bourgeoise de Paris, esseulée probablement qui vint en vacances à Morgat et qui au cours d'une promenade, avait rencontré la paysanne. On n'en sut pas davantage au pays. On ne sut jamais ce qui les lia, on les vit sur les falaises de Lostmarc'h et de la Palue, à distance respectable cueillant des fleurs de la lande. Le vide du savoir, l'ignorance de la forme exacte, l'indéfinissable influence du mystère, toutes ces considérations suggestives envahirent l'atmosphère. Les trois femmes s'en sentirent touchées physiquement, humainement. La demoiselle sans nom officiel se scinda entre le physique et spirituel, à trait égal pour l'instant. La géométrie isocèle était dessinée.

A ce théâtre là, Annick refusa la mise en scène et laissa ,dès le lendemain en fin de journée, les pulsions en avant-garde. Céline devant la beauté, la beauté devant Céline. Loin de cela, Annick avait pensé à recueillir les désirs : les autres, pas ceux de la chair, ceux de la demoiselle étrangère. Elle voulait vivre en France sous une autre identité, tout oublier et se refaire une vie neuve. Mr Dupont, une fois joint, s'arrangerait certainement pour obtenir de vrais faux papiers d'identité... Ce que pouvait faire Annick c'était d'intercéder pour que la jeune-femme soit sortie de l'affaire sans pression aucune, sans chantage. Ce désir là était celui d'Annick, sortir cette femme enfant du monde des saloperies adultes très nettement masculines. Annick se retira comme la mer le fait depuis l'éternité, elle avait pris le visage de Céline et dit :
– Fait ce qui te commande, c'est moi qui te le demande.
Céline avait bronché par politesse sans œuvrer à la retenue. L'envie était pressante et certainement oppressante

De retour au commissariat, la commandante Lesure reprend désormais du service avec davantage de fermeté. Tout d'abord, elle est jointe par des personnes faisant autorité et plus elle est distante, plus les voix acceptent de descendre d'un ton. Annick fait barrage à toute intrusion en direction de la jeune-femme qui s'épanouit dans la maison de sa grand-mère. Plus elle prend conscience de sa détermination, plus elle comprend le degré de son implication. Annick n'est pas neutre, Annick n'est pas officier de police, c'est une partisane. Les partisans ont le combat à fleur de peau, la prise de risque élevée et l'idéal inatteignable. Annick est portée par une vague, sa liberté d'exister en dépend, alors au huitième appel téléphonique, elle exige l'absolution pour tous les éventuels péchés de jeunesse de l'inconnue prise dans les tenailles des manigances inavouables... L'absolution est si rapidement accordée que les péchés devaient être véniels. Elle temporise, prend son temps, prétend qu'elle va informer l'intéressée dès que les circonstances le lui permettront. Au bout du fil, on acquiesce sous la contrainte et l'on promet l'abstinence dans l’interventionnisme. Annick se gorge de densité. Les heures passent sans arrêter ce fluide. Différemment de l'infiltration émotionnelle, Annick subit une voie d'eau sans avoir la sensation de périr, plus elle s’alourdit, plus elle est légère. Comment est-ce possible ? Le corps en pesanteur, l'esprit en apesanteur.

Fin de journée, début d'une autre, chaque pas frappe le sol plastifié... Toute son activité professionnelle est menée à la baguette, elle qui menait la barque en godillant jusqu'ici, exerce ses exigences à flux tendu. Les subalternes rament, et pestent contre la galérienne...

Céline apparaît soudainement et incite sa commandante à s'enfermer dans le bureau. Céline qui revient de Bretagne avec un vent d'Ouest carabiné, déballe sa fâcherie avec férocité et bienveillance, le mélange des affects est détonnant. Annick est affalée dans son fauteuil de chef, sa superbe récente s'effiloche ; Céline est debout, s'appuie en avant sur le bureau. Face à face de pupilles :
– Elle s'est jetée sur moi, elle avait faim. J'ai profité, bien profité même. A peine fini, j'ai eu le droit à un interrogatoire poussé à ton propos. J'espère que tu comprends ce que cela veut dire. Annick, ne te détourne pas, réponds moi, tu sais ce que cela veut dire !?
Le grave suffoque, l'aigu s'est tû.
Annick hausse les épaules avec incrédulité.
Céline prend du champ, revient à la porte du bureau :
– Elle t'attend, elle a un visage dépareillé te sachant loin, comme toi maintenant... Dépêche-toi, je dirai que tu as une affaire à régler...

Annick est dans sa voiture, elle reprend la route à l'envers passe aux carrefours dans le sens opposé à toute logique. Que fait-elle à rouler vers celle qui n'a pas de nom. Faire ce qu'elle fait est ridicule, rejoindre quelqu'une qu'elle connaît à peine est puérile. Ne pas faire ce qu'elle fait serait impossible, il serait ridicule de ne pas en convenir. Annick vit une transe, prend les virages serrés et reste à quelques centimètres du danger. Les paysages défilent à 80 km/h puis à 50, puis à 20, 10, la lande ne bouge pas, elle ne bouge jamais quoiqu'il arrive. La voiture ne peut pas approcher la maison de la grand-mère, le chemin n'y est pas pour quatre roues. Annick sort du véhicule et pousse la portière en légèreté. Elle veut entendre la mer, l'air qui bouge et que l'on appelle communément le vent et qui n'en est pas un... C'est juste un souffle au cœur de la région. Sans qu'exprès cela soit, Annick visualise la plage en contrebas. Elle est là au pied de la dune à regarder des cakiliers. Annick sur son perchoir, panique, le ridicule sonne la charge. Trop tard, la promeneuse des sables marins agite ses bras et se met à courir. Annick est incapable d'en faire autant, elle prend racine, s'enracine, se terre dans les pelouses maritimes. Trois minutes au moins à se planter là comme une branche en peine. La jeunesse arrive à la puissance de la tempête. Annick est enlacée, bécotée, papouillée, enlacée à nouveau, collée complètement. Annick aventure ses avant-bras pour enlacer aussi. Comme cela bien sûr, l'effet est immédiat, la sensation est physique. La jeune-femme a parfaitement compris cet effet, son rôle, sa destinée... Elle se recule, elle sourit. La pudeur baisse les paupières d'Annick. Pas un mot entre-elles, ce n'est pas un moment dédié à la parlotte. Elles se sont séparées d'un bon mètre de convenance. Elles vont à la maison. Elles sont fragiles, sur le pas de la porte, l'inconnue entre d'abord, Annick y tient. Il y a des indicateurs de féminité partout dans la pièce commune à toutes les pièces qui n'en font qu'une. Des parfums, des couleurs surgissantes, et des carottes sur la table. Annick s'imagine mal sauter sur l'occasion du larron, le désir est parfaitement maitrisable, superbement maîtrisé, limité à sa plus simple expression. Il signale qu'il est là mais n'en fait pas trop. Annick est bien dans son corps qui vient de s'asseoir. Une carotte et un couteau économiseur sont saisis. Annick épluche son sentiment de perfection quand deux mains se posent sur ses épaules. La jeune-femme est derrière elle, habillée à l'européenne des quartiers chics, tissus fins blanc à beurre frais :
– Ne bouge pas, quoique je fasse, quoi que je te dise, ne bouge pas.
Annick épluche une seconde carotte qui se plaint d'une certaine maltraitance.
– J'ai fait l'amour avec Céline. Je voulais qu'elle soit la première Française. Chez moi, la blonde est un fantasme, tu comprends n'est-ce-pas. J'ai eu beaucoup de plaisir, j'étais comme un homme ivre qui entreprend une femme. Toi, je ne sais pas comment te vouloir, tu n'es pas pareille, tu préoccupes mon cœur et mon âme et cette confiance que j'aie en toi, je ne l'ai jamais connue.

Les mains ne chevauchent plus les épaules et dévalent un torse sous le chemisier crème anglaise. La troisième carotte souffre le martyre. Les mains infiltrées dans la lingerie d'Annick soupèsent ses seins et les poumons en même temps. Il en coûte à Annick de lâcher son éplucheur à légumes. L'éplucheur est tout de même l'ami de plus de 20 ans de vie de femme adulte et consentante dans laquelle tout avait un nom et donc une explication. Annick a plus vécu avec cet éplucheur fidèle qu'avec quiconque, ça crée des liens...

... Annick est assise sur le pied de la dune la plus molle, le sable marin y est récent et épouse le popotin intégral ce qu'adore Annick. Elle n'est pas là par hasard, elle a été convoquée par la demoiselle de ses nuitées. La voilà d'ailleurs avec Céline qui porte une enveloppe matelassée. La mer est loin, l'estran est vaste, il y a plus de rides de sable sur la plage que sur l'état d'esprit confus d'Annick. Elle a l'impression d'être une gamine, de retrouver ses heures de rêverie sur cette dune enfantine. Elles se sont rejointes, Annick veut se lever par politesse envers cette compagne venue de l'étranger affectif, elle est polie sur toutes ses surfaces y compris celles de ses émotions.
– Non, non reste assise, je peux venir m'asseoir entre tes jambes, il faut que je te parle.
La jeune-femme est déjà assise comme elle le souhaite. Annick est un dossier, ses bras entourent la ceinture de l'exquise beauté, les cheveux bruns par cet air pressé peigne un plaisir délicat sur le visage d'Annick.
– Assis-toi Céline, il faut que tu entendes, cela te concerne aussi.
Céline est contente d'être de la fête, cela se voit comme un gros nez sur une petite figure.
– Annick, je t'ai choisie pour femme et même si dans mon pays cela est interdit entre femmes, je garde ma culture en moi et je la fais vivre selon qui je suis et non pas selon ce que l'autorité veut que je sois. Te choisir m'engage à t'être fidèle et te servir. En France, le mot servir, surtout appliquer à une femme, a le sens de la soumission. Chez nous, cela veut dire que tu es mon devoir de partage. Je connais ta souffrance, tes doutes. Tu me vois belle et jeune et tu te dis que tu ne me mérites pas. Tu te trompes. Physiquement je suis belle, pourtant avec tout ce que j'ai vécu j'ai vu la jolie petite fille s'abîmer, j'ai vécu bien des haines et suis devenue haineuse. J'y ai pris goût malgré moi. Tu es belle parce que tu as vécu plus longtemps que moi et tu es fraîche comme la rosée, limpide comme elle. Tu te tends, je le sens. Tu ne sais pas être méchante. Tu es maternelle avec moi, j'en ai besoin pour ma reconstruction. Mon corps, lui, a besoin d'une femme épanouie, sensuelle et tendre, ta peau m'offre ce plaisir, ton toucher me donne le prestige d'être la femme qui je veux être. La découverte du plaisir, je l'ai faite avec toi Céline. Je n'avais connu que quelques attouchements apeurés ? Les deux filles qui avaient pris le risque d'être mes amantes risquaient la lapidation. Nous étions tétanisées. Toutes ces années de terreur avec la peur de mourir sous la pierre. Je me souviendrai toujours de toi Céline, tu m'as ouverte comme une huître sans me faire mourir, tu m'as donné la vie. Avec toi Annick, j'entame un beau voyage fleuri, j'aime quand tu es ma maîtresse de miel, j'aime quand tu es la mère, tu es le lait nourricier, je suis comblée quand tu fais l'enfant qui cherche la certitude. Je suis plus vieille que toi, crois en ma parole, je ne crois pas aux certitudes. Je suis plus vieille encore pour te dire que je ne veux pas d'une épouse qui me chanterait des comptines. Tu sais comme dans les films d'amour que je déteste, « Chabadabada, c'est pour la vie et même après la mort... » Une vie n'est pas une heure trente de tournage. Les occasions manquées c'est pour la vie qu'on les regrette. J'aime tes embarras, j'aime quand tu ne sais pas si tu dois m'embrasser ou me dire bonjour.

Annick admet qu'elle est lue comme jamais. L'impression est fastueuse, la déclarative empile :
– Je sais que tu souffres de la perte de tes repères d'avant. Tout ce que tu as prémédité n'a fait que grandir ta volonté de connaître un amour idéal. Je te récupère découragée, tu étais prête à abandonner tout espoir d'être heureuse. Tu vois, déjà je te sers, c'est écrit. Toutes deux, nous changeons de vie d'une certaine manière.
Un peu de salive pour reprendre :
– L'enveloppe que tu as avec toi Céline, c'est ma nouvelle identité. La fin de mon malheur, j'ai choisi mon prénom et mon nom, chacun devrait pouvoir avoir cette liberté vitale. Ouvre l'enveloppe Céline, écoute mon nom Annick, écoute le bien.
Céline tient une carte d'identité, il y a un passeport, une carte de sécurité sociale, un permis de conduire... Partout le même nom, que Céline annonce avec une grande intensité :
– Elisabeth Lesure !
Annick reçoit une décharge électrique. Elle voulait un nom à l'amour, le sien sort de la pochette des surprises, fulgurant. Le prénom, en délice, celui de cette amie inconnue, au prérogative inconnue auprès d'une grand-mère qui paraissait toujours heureuse, même le jour de sa mort, merveilleux jour où elle partait rejoindre son Elisabeth.
– Ma façon de t'aimer et de porter ton nom au delà d'un mariage de papier. Je sens tes larmes dans mon cou. Je suis heureuse de te faire pleurer. Ne pars pas Céline, tu restes avec nous, tu es notre porte-bonheur. Tu as une bonne influence sur notre couple. J'ai décidé d'influencer ta vie, tu vois la jeune-femme qui est là bas proche des vagues.
Céline tourne la tête et voit en effet une jeune femme qui laisse à penser qu'elle attend un train sans gare, ni rails...
– Elle est pour toi, je lui ai dit ce que tu m'as apporté. Je connais tes tensions et tes fragrances, tu es poivre et cannelle. Elle a été m'a première fois, elle a ma virginité en elle. Va à elle, fais vivre ton désir ou ton absence de désir. Reviens vers nous sans elle. Tu nous diras oui, tu nous diras non, elle restera, elle partira...
Céline se lève car après tout ce qu'elle vient d'entendre, elle a une furieuse envie d'amour, elle va vers l'aventure dans le sable humide qui l'enfonce un peu, sans appréhension néanmoins. Elle se met en proximité stationnaire, la jeune-femme est tremblante même si cela ne se voit pas. On dirait une Elisabeth timide, pire, introvertie, des yeux clairs sans couleur évidente, elle a quelques formes de bien-être corporel mais cache la silhouette par quelques tuniques jaunes et fauves. Céline devine une catastrophe, une rescapée.
– Bonjour, je suis Céline, la jeune-femme qui est...
L'auditrice trésaille presque horrifiée :
– C'est la princess... Pardon...
Elle se voute en arche de pont, en repentance intense.
Déstabilisée, Céline revient vers les amoureuses attachées, nouées, serrées... Elle est choquée par le mot qui a échappé de la discrétion, atteinte aussi, par l'attitude servile d'une fille éreintée par la souffrance.

– Alors ?
Elisabeth avec un sourire en coin devine que le premier contact ne fut pas un rejet mais souhaite une confirmation accessoire qu'elle n'est pas certaine d'écouter.
Céline s'installe de manière un peu éloignée et dessine une flèche vers Elisabeth qui, déjà, pose ses envies de vivre sur l'horizon et écrit dessous : « c'est une princesse ». Le temps que lise Annick, elle efface le sable pour perdre les lettres. Annick reprend son besoin de protection. Céline quant à elle s'apprête à libérer sa sentence mais la princesse qui n'a pu faire la moindre lecture, lance un geste d'accueil. La lointaine respecte la consigne. On croit à un petit félin emprunté. Elle passe la main dans ses cheveux chocolat noir, le vent de beau temps est responsable.
La nouvelle inconnue se comporte comme une esclave.
Annick prend une parole épanouie :
– Vous connaissez Elisabeth.
L'inconnue note le message subliminal, l'identité du nouveau monde est donc celle-là.
Elle dit un petit oui gazouillis.
Annick poursuit en mère impériale :
– Je suis Annick sa femme et vous venez de rencontrer mon amie Céline. Asseyez-vous avec nous.
La jeune-femme sursaute et se recule d'au moins deux pas... Les esclaves au pied des maîtres c'est la coutume mais à distance de servitude.
– Leïla, assis-toi où bon te semble mais que ton choix sois ta liberté. Ici tu es libre. Annick et moi, nous t'apprendrons et qui sait si Céline ne t'apprendra pas davantage... La directive d'Elisabeth n'est pas simplement une invitation à un relâchement, elle oriente de façon magnétique.
Céline est charmée par l'unité des choses en place, elle qui détestait les mises en perspective symétrique, la voilà très rangée par autrui surtout quand elle voit Annick vibrer dans le désordre psychologique. Cette amie charnelle rajeunit à vue d’œil. Annick avait besoin d'être dérangée dans sa vie, voilà qui est fait dans toutes les grandes largeurs de sa personne. Les aigreurs rapetissent. Annick est enjouée :
– Venez ma fille, votre place est entre nous toutes.
La fille s'incline, elle obéit. L'obéissance est en elle.
Céline scrute un profil avec une émotion qui s'avère être le devoir de servir. Elle s’imprègne de l'explication donnée par Elisabeth à propos de cette servitude du partage. Céline appelle :
– Elisabeth ?
– Oui ?!
– Merci...
Un merci de la longueur d'un long raisonnement. Céline apprécie la compagnie de Leïla tellement à l'opposé d'elle et lui ressemblant aussi dans l’oppression qu'elle perçoit et apprécie aussi le conseil de vie entre soumission aveugle et la mise à disposition de soi pour qu'une rencontre soit une libération partagée.
L'ancienne princesse se dresse en femme savante, mains en porte voix face à la mer :
– Elisabeth Lesure est heureuse !

Elles sont sur un océan de plénitude dans une navigation stimulante. Elisabeth en proue, Annick en poupe, Céline en vigie, Leïla en moussaillonne. Il fait bon vivre parfois, même si cette vie enchantée tient en quelques secondes. Une demi-heure cette fois, le paradis pour chacune d'elle avait tenu 30 minutes ou presque avec pour divertissement ce vent incessant. Céline enlève sa veste en jean et la pose sur les épaules de la petite matelote.
Elisabeth a vu ce don prémonitoire :
– Annick, nous avons les crêpes à faire pour ce soir.
Annick hisse sa voile légère comme une bulle, tape ses mains pour enlever le sable. Le couple établi s'en va et laisse un couple en formation dans l'écrin dunaire.
Céline questionne Leïla :
– Que voulez-vous faire ? Marcher un peu ?
Céline découvre le vouvoiement qui avait tant le don de l'exaspérer. Sa colère contre le monde homophobe est affalée, elle devient curieuse d'une personne abattue, plus abattue qu'elle.
– Oui, je veux bien mais vous n'êtes pas obligée d'être gentille avec moi.
– Je ne me sens pas obligée... Vous n'êtes pas obligée de me répondre mais qui est-elle ?
– Je ne peux pas vous dire son nom mais elle est devenue esclave de son père pour sauver des esclaves comme moi. Elle a perdu son honneur. Le peuple le sait. Elle a dû fuir son pays et son frère s'est corrompu pour elle. Il a fait trembler la terre rien que pour elle. Et la femme qui a parlé comme une mère, l'a sauvée du désespoir. Je suis au service de son frère.
– Comment-se-fait-il qu'elle parle et que vous-même parliez aussi bien le français ?
– C'est la princesse... C'est Elisabeth qui tout au long de notre enfance nous a demandé d'apprendre le français sans le dire à personne.
– Nous ?
– Nous sommes quatorze esclaves échappées de prison. Nous parlons le français mais on ne sait pas vivre à la française, tout est différent chez-vous.
– Où sont-elles toutes ces femmes ?
– Dans un immeuble à Brest. Elisabeth nous a demandé quelques semaines de discrétion.
– Vous étiez dans l'usine avec la princesse ?
– Oui, elle ne nous a jamais quitté, on a vécu des choses horribles, elle était avec nous.
– Qui sont les trois filles qui étaient encore là ?
– Ce sont les servantes de la princesse, elles voulaient rester avec elle.
– Où sont-elles maintenant ?
– Le prince, enfin, son frère a réussi à les séparer de la police. Elles sont aussi à Brest depuis hier matin.

– Merci de m'avoir dit tout cela. Nous allons vous aider Annick et moi. Je crois que votre princesse en a assez fait. Venez, allons les rejoindre.
Leïla se relâche, l'idée de l'entraide l'émeut. Devant la façade ensoleillée de la chaumière, après un temps d'arrêt Céline cogne la porte très épaisse d'une peinture écaillée ciel clair.
Annick en tablier et de la farine sur l'oreille, ouvre avec le sourire. Leïla entre la première, elle n'a pas aimé cela, si elle pouvait raser les murs, elle le ferait.
– Leïla goûte cette crème, c'est un peu comme chez-nous mais il y a du sucre.
Céline en a profité pour tirer Annick dehors. Elle raconte brièvement les circonstances des 14 femmes et achève la notice par :
– Qu'est-ce qu'on fait ?
Céline à envie d'en découdre, Annick cogite ferme :
– Ce sont peut-être elles que les types du ministère appellent le reste de l'affaire. Il faut en savoir un peu plus, Elisabeth !
– Oui, je viens.
Chassé-croisé, Elisabeth sort, Céline entre. Les ombres s'allongent dans le paysage, sont-elles un appel à la noirceur. Annick déballe, Elisabeth n'est pas revêche.
– Oui, elles m'ont suivi, je leur avais promis la France depuis des années. Elles sont bien éduquées, bien sûr elles ont toutes les plaies de l'enfermement, de l'humiliation, certaines ont été violentées et violées. Pas toutes mais celles qui en ont réchappé ne peuvent pas vivre sans un soutien psychologique. Elle ont besoin d'humanité, de quiétude. Je ne suis pas certaine qu'elles sachent ce qu'est la quiétude, moi-même, sans toi...
Elisabeth se reconnecte à son passé de princesse avec une expression d'une grande tristesse. Annick approfondit :
– Pardon de te demander cela, c'est la policière que te le demande. Il n'y a pas de double-jeu, d'intrusion, d'espionnage ou je ne sais quoi encore...
– Non, elles ont vécu enfermées depuis le jour de leur naissance. Elles ne connaissent que la peur et l'isolement. Elles n'ont pas la force d'être ce que tu dis... Tu le verras par toi-même.
– Elles doivent vivre ici avec nous dès ce soir. Pas question de les laisser dans l'incertitude... Pour cette nuit, elles vont coucher dans le foin de la grange sur les draps de ma grand-mère, nous dormirons avec elles pour ne pas qu'elles s'angoissent, demain, nous achèterons des lits, des couvertures.
– Je t'aime.
Les mains dans les poches d'un pantalon à pinces blanc, les épaules hautes, la nouvelle Elisabeth en pull-over rose baiser se livre en une seule page. Les mots les plus simples l'embellissent encore, l'intelligence s'est accordée avec la sensibilité, le « je t'aime » avait du bouquet, rien à voir avec une déclaration fluette hasardeuse. La lande a entendu tonner, les abeilles ont manqué quelques pistils.

Annick se réfugie dans ses souvenances. Enfant, elle avait rêvé d'un prince charmant blond, un peu barbu comme un Jésus musclé venu du ciel, les bras grands ouverts, rien que pour elle. Les circonstances lui offrent une princesse du soleil, filiforme, brune, peau hâlée qui parle d'amour comme sonne un glas magnifique, une fin en soi. Annick accepte le destin, elle se veut concrète ; il lui est donc inutile de provisionner l'instant d'après. L'instant rien que l'instant, se promet-elle. Pour conforter sa détermination, elle prend Elisabeth par la taille :
– Quelle chance j'ai ! Quand nous serons toutes les deux je te parlerai. Il faudra que tu m'aides parce que tout ce que je ressens n'a ni queue ni tête. Tu es mon imprévu préféré...
– Voilà qui est agréable à entendre, c'est un bon début...
Elles se sourient, Annick reprend :
– Si, j'ai quelque chose à te dire. Si jamais tu étais en danger, si jamais tu avais besoin de quitter ta maison fais-le. Quelles que soient les raisons d'ailleurs... Promets-le !
Elisabeth gifle ses intonations :
– Il est possible qu'un jour tu me trouves morte, il est probable que ce ne soit ni une maladie, ni un accident. Promets-moi de ne pas chercher la vérité.
Les promesses intenables sont aussi délicieuses qu'incisives. Les sentiments ne résistent pas à la tentation des exagérations.

9 jours déjà, une peuplade féminine réside dans la ferme d'Annick Lesure. Des femmes fortes et brisées à la fois. La grange pavée avait reçu des aménagements de dortoir et de nombreux lainages dans des armoires de fortune. Elles acceptaient la rusticité sachant que leur princesse vivait avec elles. Une princesse solaire qui rassurait, elle avait tenu sa promesse du grand voyage vers la liberté, elle était vénérée pour cela. Pour elle, des chants, quelques cris de joie, une lichette de nervosité, des vies se ranimaient.

Pourtant, quand Annick avait eu l'idée d'acheter des paravents pour séparer les lits, les réfugiées ahuries les avaient disposés en cimaises contre les murs. Elisabeth avait décrypté la manipulation, elles avaient toujours vécu regroupées en étalage pour être choisies à volonté. Si Annick avait accepté les termes de l'occasion manquée, elle s'était tout de même permise, personnellement, d'imaginer que quelques paravents trouveraient leur réelle utilité quand quelques jeunes-femmes prendraient conscience de leur individualité, de la nécessaire individualité des êtres. Leïla changea sa promiscuité le quatrième jour. Elle était venu consulter Annick pour saisir la teneur de ce qui ressemblait à une mise à l'écart. Annick avait expliqué qu'elle devait, si elle le ressentait, avoir une part personnelle tout en encourageant sa part communautaire. Cette logique avait cristallisé des réactions diverses. Les paravents en tissu ressemblaient à des voiles de sardiniers qui se déplaçaient au moindre déplacement d'air, elles cherchaient des affinités, en changeaient, essayaient, s'emportaient, se retrouvaient, louvoyaient encore et encore. Annick les contemplait à se récurer les prunelles, elle y voyait la représentation spectaculaire de ses propres atermoiements affectifs. Pointe d'amertume. Que de vents brassés avant d'être enfin portée, convenait-elle alors.

La commandante rendit compte à son préfet, le sus-dit préfet prévint son collègue Finistérien qui toléra de garder le tempo de la furtivité en attendant qu'une enquête sur les identités des jeunes-femmes fut concluante. Il y avait un contexte policier, des retombées ministérielles possibles, mieux valait la jouer franc du collier et en filigrane. Annick sollicita la venue de son préfet de tutelle. Une présence officielle solidifierait la démarche d'aide aux migrantes. Le préfet ne rechigna pas, il vint un week-end avec son épouse et ses deux adolescents d'enfants. Il estima que la préfecture de la Creuse se profilait de plus en plus et voulut, par fierté uniquement, en tant que Creusois prudent, montrer la cause de sa fin de carrière prématurée à sa famille. En présence de ce grappillon féminin tendu, paniqué comme des bécasseaux de sanderling affolés, le préfet commanda que l'officier féminin s'occupât exclusivement de la partie sociale et sanitaire des jeunes-femmes, à cause de sa relation privilégiée avec une témoin cruciale. Il confia l'enquête administrative à Céline Richter qui devint capitaine. Cette dernière dut collecter les faits, les dates, les identités des personnes impliquées y compris des rangs les plus élevés pour que l'administration française eût pu établir une nécessité d'asile politique. Le dossier devait être fourni, accablant même pour éviter que le ministère des embrouilles n'entravât pas la procédure par des considérations géopolitiques ou d'espionites sordides. Céline et Leïla communiquèrent avec les filles : elles recensèrent les pièces maîtresses du musée des horreurs que seuls des hommes dépravés par l'orgueil pouvaient construire aussi haut dans l'impunité. Tous les faits concoururent vers la mise en avant des fameux Dupont, frère et sœur réunis... Ni blancs, ni noirs, d'un gris remarquable face aux risques encourus.

.....
Ce matin, Céline vient d'apprendre le véritable nom d'Elisabeth Lesure, deux réfugiées ont lâché prise, il fallait que ça sorte, c'était sorti en début de matinée. Immédiatement, Céline accoste Annick dans son jardin sur le rang des groseilles à maquereaux couleur vin rosé. Elle propose à Annick d'en prendre connaissance. Annick refuse net. Elle ne veut plus rien étiqueter, à quoi bon. Elle vitupère ceci :
– Je regarde ces jeunes-femmes que des salauds ont bafoué. Elles sont étrillées. Je crois que certaines vont s'en sortir. Pas toutes, loin de là. Elles ont souffert et souffrent de ce qu'on leur a imposé par la violence physique ou psychique. Je pense à moi. Personne n'a été violent avec moi, enfin presque. Mon ex-mari m'a collé une torgnole un soir de bibine, rien de grave, il s'est excusé. Je lui avais pardonné, peut-être ai-je eu tort, il n'a jamais recommencé, j'ai laissé filer. De cette engueulade qui a mal tourné, je n'ai pas gardé un souvenir douloureux, maintenant, à la réflexion, je suis convaincue que j'avais alors des prédispositions à être esclave des situations. Je me suis brimée toute seule. Je devais être la bonne épouse exposée à quelques vicissitudes. J'avais réservé un espace à l'amour sans penser que l'amour avait besoin d'espace.
Elle soupire, regarde les cumulus de coton, elle aimerait n'être que vapeur.

Elle relance et tonne :
– Ces filles sont malades des maltraitances qu'elles ont subi. Je me sens malade de la maltraitance que je me suis infligée ? Je pouvais me battre, j'en avais la force, elles ne le pouvaient pas. J'ai honte d'avoir gâché la moitié de mon existence... Avec Elisabeth, j'ai besoin de mystère, j'ai besoin de doutes, je me sépare des horloges. J'en bave, c'est dur de s'échapper de soi, j'ai mal partout. Je l'aime parce que je me sens glisser sur les aléas sans me morfondre. Tout ce que j'ai préfabriqué en moi ne lui est d'aucune utilité. Je suis complètement démunie. J'ai envie de gueuler par amour ! Ça ne veut rien dire ! Tu te rends compte, avec elle, je peux être maternelle, je peux être l'épouse, l'amante comme cela me chante, tout à la fois, tout séparément. Elle prend tout, elle me permet tout. Je suis mieux et mon corps commence à s'en rendre compte. Je sais qui je suis quand elle me dévisage, je me trouve fréquentable. J'avance, elle me donne une raison d'être une femme, rien que moi, pour moi, avec elle, tant qu'elle le voudra, pour le plaisir d'être comme je suis, rien que pour elle.
Dame Lesure est en larmes. Pas de doute, Annick avait braillé, et quand on braille les entrailles à vif , les bonnes personnes entendent. Avec son pas de louve, Elisabeth contourne Annick qui mûrit comme une baie. La nominée tend une plaque en or massif de la taille d'une petite carte de visite. Il y a une écriture d'une autre civilisation gravée dessus.
– Voilà mon nom, je t'en fais cadeau, il ne me sert plus à rien. J'ai le tiens en bon espoir.
Elles sont allées au bord de la falaise volcanique de Lostmarc'h, Leïla est là aussi, elle suit l'ambiance qui se déplace en communiant. Annick a embrassé la plaque commémorative d'un passé révolu puis l'a envoyée loin, la mer l'a gobée jusqu'à la faille sans s'en nourrir. Annick finit ainsi :
– A toutes celles qui se cherchent, qui se trompent et qui périssent dans leurs rêves immobiles.

Personne n'est libre de ce qu'il veut être, nous ne sommes que ce que l'on nous autorise, une rencontre est une porte qui s'ouvre, une porte qui claque sur le monde tourmenté, à ceci près...

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