La première cale du Fret dite de haute-mer

Les rochers et les perches du musoir appartiennent à la seconde cale.

Avant 1842, C'est le temps des rampes de débarquement ou d'embarquement qui permettent tant bien que mal de faire atterrir les passagers et les marchandises. Le conseil municipal de Crozon s'inquiète de l'augmentation de fréquentation et vote en 1842 pour la construction d'une cale. C'est assez rapidement que le plan de l'ingénieur Tourbiez est mis en chantier.

A la fin de l'été 1844, cette cale achevée, mise en chantier par Alexandre Péres de Camaret, facilite les déchargements des bateaux. Il semblerait malheureusement que les choix techniques, autant l'orientation de la cale que son étendue n'aient pas fait l'objet d'une grande anticipation puisque cette disposition sera impraticable avec l'allongement progressif des navires qui y accostent. Les forts coefficients de marée mettent la cale à sec. La seconde cale palliera à tous ces inconvénients à partir de 1863.

Quoiqu'il en soit, l'édifice original est tout de même amélioré en 1962 sans pour autant tout corriger.

La cale - embarcadère de la Roche-Noire du Fret

Juste à la fin de la mise en chantier des quais du port, on en profite pour aménager un chemin dans les rochers à la pointe du Fret en 1863 pour compenser les insuffisances de la première cale du Fret. La commune de Crozon dont dépend le port du Fret, espère ainsi accueillir les vapeurs de voyageurs... Des touristes Brestois pour la plupart.

L'aménagement spartiate n'est pas du goût de la Compagnie Générale des Paquebots à Vapeur Fluviaux et Maritimes qui est la société exploitante des traversées de la rade de Brest pour le Fret. Les travaux reprennent pour enfin obtenir un débarcadère digne de ce nom. En 1865, désormais praticable, bien élevé, l'embarcadère de la Roche-Noire attire d'autres compagnies maritimes telles que la Compagnie Aristide Vincent (ancien maire de Landévennec) avec ses trois vapeurs le « Ville de Brest », le « Ville de Landerneau » et le « Hubert Delisle » et la Compagnie Penhors avec ses deux vapeurs l' « Utile 2 » et « Le Scorff » qui assurent des liaisons fréquentes.

Un trafic de personnes et de marchandises en constante évolution jusqu'à la première guerre mondiale. 5700 tonnes de marchandises débarquées et 120000 passagers en transit en 1911. La guerre, la création de la ligne de chemin de fer, le pont de Térénez (1925) concourent à la fin d'un cycle économique remarquable. Toutes les marchandises, ou presque, utiles aux presqu'îliens viendront par le fer, puis la route...

Le dernier espoir vient de la pêche, la flottille des coquilliers qui va écumer la rade a encore besoin d'un accostage de qualité. A cet effet l'embarcadère est reconstruit de 1927 à 1932 dans un climat houleux car les aménagements portuaires de la pêche peuvent être sensiblement distincts des aménagements nécessaires au tourisme, les esprits s'échauffent.

Aujourd'hui la cale dite aussi de basse-mer (utile à marée basse) accueille les passagers du transrade comme au bon vieux temps.

L'appellation les Roches-Noires existe aussi dans les anciens ouvrages. Quoi qu'il en soit les rochers sombres de schiste du port semblent être à l'origine de ce toponyme.

Le Fret vu de la cale des Roches-Noires.

Liaison maritime du port du Fret avec Brest

Au début du 19ème siècle, le Fret est un hameau dont les maisons en bord de rivage sont des magasins à sardines et quelques habitations de douaniers. On a toujours vécu ainsi depuis des siècles. Les Frêtois se retrouvent donc dans les deux auberges qui sont les seules distractions locales. Les barques sardinières sont échouées sur la grève vaseuse, il n'y a pas encore de quai, ni de cale... La navigation est modeste et se cantonne au transport de marchandises par petites embarquations. Bois, charbon, huiles, alcools, tissus, entrent en presqu'île... Farines, chanvres à cordages, sardines pressées, en repartent... Les notables de Crozon emploient les passeurs pour leurs plus grands bénéfices qu'ils investissent au bourg dans des maisons cossues.

Quelques audacieux Brestois embarquent sur des voiliers à voile unique carrée, ils sont voyageurs de commerce, un peu touristes découvreurs. Les marins se font rémunérer la traversée de la rade pour une piécette. Vers 1830, les touristes Brestois qui sont des bourgeois citadins empruntent des chaloupes à deux mâts plus rapides et paient 25 centimes la traversée. D'une vie citadine protestante aisée et éduquée à la française à la découverte des villages bretonnants de pêcheurs-paysans catholiques de la presqu'île, le choc culturel est manifeste et de retour à Brest, les aventuriers endimanchés narrent à gorges déployées les mœurs rustiques de leurs hôtes presqu'îliens qui réciproquement trouvent les emplumés bien trop guindés pour être francs du collier. Chacun s'observe et se méfie.

Les navires à vapeur apparaissent mais les premiers exemplaires font peur d'autant que sur certains d'entre-eux un panneau informatif annonce que la traversée est faite aux risques et périls du voyageur. Les chaudières ont une nature explosive incontrôlable... Le service est aléatoire. Le propriétaire du vapeur fait selon son bon vouloir alors les voiliers parviennent encore à assurer des traversées à la rame quand le vent manque, ils conservent une certaine disponibilité envers leurs clientèles disparates.

La technologie gagne du terrain, et les vapeurs deviennent la propriété de compagnies de transport maritime organisées avec des horaires de traversée réguliers, nous sommes déjà à la fin du 19ème siècle. Les "Vapeurs Brestois" dès 1894 changent la teneur et l'ampleur du transports de marchandises et des personnes.

Les magasins de sardines sont transformés en débits de boissons, ils sont au nombre de 18 sur les nouveaux quais. Les touristes affluent, le commerce est foisonnant, c'est toute la presqu'île qui en est bouleversée d'autant qu'au Sud de celle-ci, Morgat vit la même extension. Les hôtels poussent comme des champignons et un service hippomobile récupère au Fret les voyageurs pour les amener à l'hôtel de leur choix quand ce n'est pas la voiture attelée de l'hôtel qui se présente à eux. Il y a foule au Fret. Les quais sont bruyants aux beaux jours.

Une autre catégorie de marchands fait fortune, les grossistes en vin. Fini le temps du tord-boyaux que les pêcheurs-paysans de la presqu'île absorbaient sans vergogne. Les nouveaux arrivants sont habitués à des alcools plus digestes consommés sur les terrasses des hôtels et ou celles des villas de villégiature. Une certaine idée du luxe est entrée en presqu'île par le port du Fret...

La liaison maritime du Fret avec Brest est une vieille histoire. La Duchesse de Bretagne traversa à la voile la rade pour Brest avant de voguer vers l'Angleterre pour y épouser le roi Henri IV de Lancastre (1403).

Le train, puis la voiture particulière vont mettre un coup d'arrêt à cette navigation de proximité.

Inscription maritime du Fret

Ce terre-plein sur les quais était comble au début du 20ème siècle. Les touristes et les locaux se mélangeaient jusqu'à se bousculer ! L'ancien bureau de la garde maritime se situait à droite de la barque, soit à droite de la cale.

La première cale du Fret avec en fond des débits de boissons très fréquentés à la fin du 19ème siècle.

3 juillet 1999.

Sur la façade Ouest, une plaque commémorative à l'égard du père Benoît Joseph.

Le bureau d'inscription maritime du Fret est un bâti de 1947 réalisé par l'entreprise Velly de Crozon avec des moellons de la carrière Corre de l'Île Longue. Le pignon devait comporter la mention "Garde Maritime" et être en mesure de hisser le drapeau français. Il avait été prévu une présence douanière qui s'avéra inutile à une période où le trafic des marchandises, par le biais du port du Fret, connut une forte décrue après la seconde guerre mondiale. Le transport routier remplaça le transport maritime et ferroviaire. Ferroviaire en effet, car durant quelques décennies, les marchandises du train dont des produits frais et de pêche arrivaient à la gare du Fret toute proche pour être embarquées vers Brest, puis de la gare de cette ville vers Paris. Bien des langoustes ont quitté le Fret ainsi. Inversement, des marchandises ayant transité par Brest, entraient en presqu'île de Crozon et méritaient une surveillance douanière.

L'inscription maritime avait encore un sens à l'époque de la reconstruction car la flottille de pêche du Fret était la plus importante de la Rade de Brest. Coquilliers, dragueurs de maërl, caseyeurs... Une pêche locale intense et donc de nombreux bateaux inscrits. Tout bascula vers la plaisance progressivement et dans un bien moindre volume. L'inscription maritime frétoise n'avait plus d'usage.

Ce nouveau bâtiment remplace un ancien, cubique, avec un toit à quatre pans sur une structure en bois palissée verticalement et un auvent fermé. La vétusté avait encouragé le conseil municipal de Crozon à investir juste après la guerre durant les aides à la reconstruction qui permirent quelques facilités.

Quai du Fret en Crozon

Les quais aujourd'hui, la douane à droite, la tour buvette de l'hôtel de la Terrasse au centre.

Extension de 1922.

La foule, un seul jour de brocante estivale. Il y a un siècle, tous les jours de l'été et plus encore, marchandises et marchands, voyageurs de commerce, touristes Brestois, débarquaient des bâteaux à vapeur et le quai était noir de monde, de calèches, de charrettes, de bus hippomobiles...

Le petit port du Fret bien que dépendant administrativement de Crozon a vécu avec une certaine indépendance. Les premières habitations dans les siècles passés étaient des magasins à sardines. Dès la rentrée de la pêche, les sardines étaient préparées et vendues au rez de chaussée d'une bonne douzaine de maisons pas plus. La pêche a évolué selon la ressource naturelle disponible et le Fret est resté ainsi à suivre les tendances – poissons, coquillages, crustacés...

La nécessité d'un quai s'est faite sentir et fut aboutie en 1862. La venue du train a nécessité une emprise sur la mer et la création d'un nouveau quai partiel en 1922.

La grande révolution était venue du tourisme venu de Brest. Premières liaisons maritimes, développement du quai et des cales puis départ en calèche, en voiture hippomobile et bus vers Crozon, Morgat, Camaret... Les commerces tournaient à plein.

Tout ceci n'aura qu'un temps, la voiture a tout chamboulé. Le Fret a perdu l'usage de sa gare et n'octroie des liaisons maritimes qu'à la belle saison.

Chantier naval Stipon & fils

La Frétoise est une ancienne baleinière qui fut utilisée comme chaloupe pour le bateau à vapeur citerne l'Averse.

Ces baraquements préfabriqués au confort spartiate équipé seulement d'un poêle ont servi autant de casernement pour soldats que de chambrée de prisonniers. Une seule épaisseur de bois sépare l'extérieur de la pièce intérieure. La toiture était recouverte d'un carton bitumé. Un baraquement pouvait aussi être un atelier de réparation...

Georges Stipon installe des baraquements goudronnés sur le sillon du Fret en 1922. Ce sont des baraques du camp de prisonniers de l'Ile Longue datant de la première guerre mondiale, achetés aux enchères. Le camp disposait de deux types de baraquement, majoritairement le modèle du Génie et quelques modèles Adrian. Dans le cas présent, il s'agit du modèle du Génie, moins encombrant au sol.

Créer un chantier naval à l'époque est sans doute sans risque tant la demande de bateaux de pêche est élevée. Le chantier va connaître un grand essor durant des décennies passant des bateaux à voile aux bateaux à moteur grâce à des plans dessinés par le fils aîné du constructeur et mis en chantier par les deux autres fils, aidés d'ouvriers expérimentés. Un savoir-faire reconnu qui fit construire des centaines de bateaux en bois jusqu'en 1988.

La pêche s'étant effondrée, la plaisance n'utilisant que rarement le bois, le temps était venu de tourner la page.

Chantier naval Victor Belbeoch et Auguste Tertu

Sur le sillon du Fret, lieu réputé de construction navale du début du 20ème siècle, deux embarcations abandonnées. "L'Ecume" (231672) du patron pêcheur Gérard Provost construit au chantier Stipon en 1971 (à gauche), "Le Manu" (231665) construit aux chantiers Péron de Camaret pour Robert Ferec en 1970 (à droite). Deux bateaux côtiers en pêche en rade pour les coquillages et aux casiers. L'étang au premier plan, la mer en second plan.

Le cimetière de bateaux du Fret se trouve à l'emplacement des chantiers navals Belbeoc'h et Tertu.

Sur les bords du sillon du Fret, côté port et moulin à marée, deux associés installent un chantier naval devant le chantier naval Stipon. Auguste Tertu et Victor Belbeoc'h se lancent dans la construction de bateaux de pêche en 1928 mais se séparent dès 1930.

Auguste Tertu est un ancien apprenti du chantier Stipon quant à Victor Belbeoc'h la famille avait déjà un chantier à Morgat dont le fondateur fut lui aussi un apprenti chez Georges Stipon.

Il est possible que ce qui sépare les deux charpentiers de marine c'est l'ambition. Auguste Tertu voit grand, très grand, des Mauritaniens de 20 à 30 mètres. Avec le temps et l'expérience, il devient une référence régionale dans la construction de langoustiers, thoniers...

Après la séparation, Monsieur Tertu subdivise son chantier. Au Fret, ses ouvriers travaillent les tôles et les pièces de bois et à Rostellec, l'assemblage se fait.

Victor Belbeoc'h se spécialise dans les coquilliers, des sloops de 8 à 12 mètres pour la pêche à la coquille Saint Jacques ou la pétoncle dans la rade de Brest. Les transports de goémon ou de mäerl sont des activités complémentaires.

Des mastodontes Tertu, il ne reste que peu pour cause d'un entretien dispendieux. Par contre, quelques sloops Belbeoc'h ont été transformés en voiliers de plaisance et naviguent quelquefois encore.

Ainsi chacun ses plans, son savoir faire. A chaque nouvelle génération technique dont la plus importante est le passage de la voile, au moteur en ayant développé une génération intermédiaire de voiliers mixtes, il fallait être minutieux pour maintenir sa réputation jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de bateau en bois ni à construire, ni à réparer.

Les années 1980 sonnent le glas d'une époque inventive et passionnée. Un successeur, un descendant Stipon achète le chantier Belbeoc'h pour des travaux de restauration patrimoniale puis le chantier Stipon à lui seul suffira.

Etang du Fret

Des millions d'alevins dans les eaux de l'été. A l'âge venu, ils partiront à la mer par l'écluse de l'ancien moulin à marée.

L'étang de Fret - eau saumâtre - avec en limite l'ancien sillon naturel devenu route ce qui explique cette étendue d'eau (douce et salée) en bord de mer. L'étang du Fret est un ancien estuaire vaseux d'un ruisseau que les marées hautes envahissaient en passant par dessus une élévation naturelle de galets.

Refuge des oiseaux aquatiques, et marins, les migrateurs y font aussi des haltes salutaires. Certains oiseaux se plaisent tant en presqu'île de Crozon qu'ils se sédentarisent, c'est le cas de couples de Tadorne, Spatule, Bernache... Aire de repos des oiseaux migrateurs, les lieux se visitent en silence et respect des distances, vous n'êtes pas chez vous, vous êtes chez-eux !

48° 28' 13.9" N
4° 50' 54.6" O

Le Moulin à marée du Fret

Le moulin à marée du Fret, aujourd'hui démantelé et réaménagé en 2 écluses régulant à volonté l'eau douce de l'étang vers la mer et inversement, n'a pas de date d'origine tant celle-ci est ancienne. La famille de Gouandour en était la possédante jusqu'à la Révolution. Gaspart Alexandre Penanrun en devient un copropriétaire sans pour autant faire fructifier l'affaire qui échoit à un meunier. Louis Le Fur devient propriétaire du moulin et de l'étang du Fret de 1830 à 1858. Des investisseurs constatant l'état ruineux du moulin y voient une opportunité industrielle pour reconstruire un moulin à blé et y adjoindre une fonderie de fer. Les traces des fondations sont visibles dans l'eau de l'étang. Les sieurs Montjaret de Kerjégu se déferont de ce bien qui ne sera jamais valorisé, il n'y subsistait que les vannes d'allers-retours à la mer.

Les acheteurs se suivent sans effet sur le site qui s'envase. Auguste Tertu acquiert une part du lot en 1951 et la totalité en 1962. Un projet d'aquaculture est envisagé mais l'étang est classé dès 1981... La partie canal avec écluse est entravée, il ne subsiste que les vannes aujourd'hui.

La remise en marche des vannes d'échange permettent de laisser passer 1,8 million de mètres cube d'eau douce par an. L'étang étant une réserve naturelle pour, entre autres, des oiseaux migrateurs, ces échanges d'eau sont très salutaires.

Descriptif de 1850 du moulin à marée selon le Baron Bachelot de la Pylaie, archéologue du 19ème siècle : " Cette chaussée, qu'on appelle le sillon du Fret, Ero-Fret en Breton, convertit le fond de l'anse en un étang spacieux qui se remplit à marée montante, et dont l'eau fait tourner les trois paires de meules du moulin qui est à l'extrémité de cette chaussée, du côté du couvent.
J'ai vu avec surprise que les trois roues de l'usine, au lieu d'être dans une position verticale, ainsi que nos moulins à eau, se trouvaient au contraire placées horizontalement, d'un petit diamètre, et réduites à de simples rayons indépendants les uns des autres, au lieu d'être consolidés et maintenus par un cercle, à une distance uniforme. Ces rayons sont arqués et bordés d'une planchette redressée, afin qu'ils puissent offrir plus de prise à l'eau."

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