Linteau en réemploi.
En place de Telgruc-sur-Mer, un voussoir central gravé
en réserve et mouluré:
H : GOVRMELEN : 1584
Représentation de trois outils de tailleur de pierre, de gauche à droite,
l'équerre, le marteau à deux pics courbe, le marteau droit. Le tout servi
par des moulures taillées dans une pierre de kersanton.
Pierre « traditionnelle » des solides linteaux. Les habitats pauvres de
l'époque ont des linteaux droits en chêne. Etre le propriétaire d'un encadré
de porte en kersantite/kersanton, de surcroît stylisé, est ainsi un signe
d'aisance. La présentation de l'outillage informe les habitants illettrés
de l'activité professionnelle de l'artisan – une sorte d'enseigne. Le
patronyme assoit la réputation chez les lettrés. La date – chronogramme
– est un investissement d'avenir pour à terme se prévaloir de la pérennité
de l'activité. En activité depuis...
Cette inscription lapidaire a toute la valeur de son époque artistique,
la période de l'école de Fontainebleau au niveau du royaume de France.
Les lieux en vue du roi Henri III (3) sont influencés par l'art italien...
Ces influences au service de l'aristocratie ne se sont pas répandues en
Bretagne rurale (la Bretagne est une province française depuis 1532) mais
l'essor de la Renaissance française ne fut pas qu'artistique, elle fut
aussi économique. Tout n'est plus que servitude paysanne face à la féodalité
obséquieuse, des commerces et des activités artisanales sont reconnus
et élèvent des talents au rang de professions indépendantes. La majorité
paysanne, quant à elle, n'est que dépendance et pauvreté.
Le 16ème siècle est une montée en gamme de l'architecture religieuse qui
réclame de plus en plus d'édifice et de monuments à l'image d'une Eglise
qui cherche sa superbe en oubliant l'humilité. La noblesse rivalise afin
de ne pas être le parent pauvre de la chrétienté et afin de rappeler aussi
que si l'église rayonne, c'est avant tout grâce à la « bonté calculée
» de l'aristocratie qui pense à son salut et à sa notoriété. Entretenir
l'Eglise est la panacée des noblesses, ceci d'autant que les fils cadets
se réfugient dans le clergé pour réussir en religion sachant que le droit
d'aînesse octroie tout à l'aîné. Cet artisan bénéficie certainement de
ces courants évolutifs des affichages sociaux pour en faire un métier
lucratif aux revenus récurrents. Pierres d'églises, de calvaires, de manoirs...
Un travail de toutes saisons que peu de professions offrent. Les métiers
de la terre et de la pêche sont saisonniers et tellement soumis au temps
qu'il fait. Les villes voient croître progressivement une bourgeoisie
commerçante qui organisera en sous-main la Révolution Française de 1789
mais à la campagne se sortir du lot, afficher son talent au-dessus de
sa porte est le symbole d'une réussite très peu fréquente en presqu'île
de Crozon en 1584.
Contexte historique :
10 juin 1584 : mort de Monsieur, frère du roi, comploteur et agitateur.
François de France meurt à 29 ans de tuberculose et de malaria. Le roi
Henri III est sans descendance.
Septembre 1584 : la conférence de Nancy enclenche la seconde Ligue, sous
l'impulsion du duc de Guise, ceci pour le rayonnement d'un catholicisme
excluant le protestantisme. Le roi Henri III n'est pas favorable à la
Ligue à cette date. Les grands noms du royaume se divisent en fonction
de leurs intérêts. Mieux vaut ne pas se tromper de camp.
31 décembre 1584 : par le traité de Joinville, l'archevêque de Rouen,
Charles de Bourbon est désigné successeur du trône de France avec l'aval
de Philippe II d'Espagne. La Ligue veut être représentée par l'un des
siens. Pas question que le prince de sang Henri, roi de Navarre, de confession
originelle protestante, devienne roi de France comme l'ordre de succession
le lui permet d'attendre.
1585 : 8ème guerre de religion
Les troubles des guerres de religion teinte la presqu'île d'une tension
politique mortifère. Le Duc de Mercoeur, gouverneur catholique de Bretagne,
beau-frère du roi de France, reçoit l'aide militaire espagnole (1590).
Le ligueur espère redonner l'indépendance à la Bretagne et en devenir
le monarque contre l'avis de son beau-frère. La reine Elizabeth Ière d'Angleterre
est invitée à s'impliquer pour défendre le roi de France et en échange
espère avoir garnison à Brest et alentours. La ville de Rennes est loyaliste
à la grande déception de Mercoeur. Brest l'est aussi.
1591 : Don Juan del Aguila commandant les troupes espagnoles envisage
de prendre Brest et la Presqu'île. Mercoeur tergiverse et s'inquiète pour
son avenir. L'Espagnol se contentera de la pointe de Roscanvel momentanément
en 1594 – Pointe
des Espagnols.
En presqu'île, de soi-disant porteurs de foi, tantôt catholiques, tantôt
protestants, sèment la terreur en pillant et trucidant grâce à des bandes
de mercenaires. Le tailleur de pierre Gourmelen a dû connaître quelques
sueurs froides devant le risque de rançonnement et la difficulté d'énoncer
son goût pour la bonne religion au bon moment.
De plus :
Un fabricien, Jean Gourmelen, intervient dans l'histoire de la chapelle
de Trovéoc.
48° 13' 53.5"
4° 21' 23.8"
Telgruc-sur-Mer à découvrir
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Restauration du Moulin de Luzeoc
Par curiosité
Centre de vacances de Trébéron
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