Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville, visite la Bretagne à plusieurs occasions entre 1827 et 1844. Il publie ses observations à propos de la presqu'île de Crozon.
L'anse de Morgatțe [Morgat NDLR], où ma route me conduisit ensuite, est une belle et vaste plage de sable qui s'étend depuis la pointe du même nom [Pointe du Kador / Port de Morgat NDLR] jusqu'à la pointe de Trébéron* ; elle est ceinte dans son contour par ces escarpements de roc dans lesquels la nature a pratiqué ces belles grottes justement admirées de tout le monde. Au-dessus de ces rochers escarpés sont deux Menhirs placés l'un auprès de l'autre. L'un, qui a été déplanté, n'a que sept pieds, et est gisant sur le sol ; celui qui est resté debout a dix pieds de haut. A quelque distance de là, et sur la pointe même de Trébéron, on en voit un troisième, de six pieds de hauteur seulement. Ces monuments, érigés sur des points très élevés, dans l'intention sans doute qu'ils fussent plus en évidence et remarqués nécessairement par la multitude, sont probablement des monuments commémoratifs. Si l'on continue de suivre le rivage, à l'est de l'anse de Morgatte, on arrive bientôt à l'embouchure de la petite rivière de Laber [ruisseau de l'Aber NDLR], ou de Saint-Laurent. Dans cette embouchure est un petit îlot assez élevé, sur lequel on voit les vestiges d'une de ces antiques tours isolées qui furent les premières forteresses féodales [motte castrale NDLR]. La terre, relevée sur les fondations de cette tour, en marque encore l'enceinte, qui paraît avoir été pentagone. Une coupure qui, d'un côté, interrompt cette enceinte, en désigne la porte d'entrée, Je remarquai que l'intérieur de la tour avait été partagé en deux par un mur de refend en maçonnerie, dont la base paraît encore à fleur de terre ; elle est, du reste, comme toutes les fortifications du même genre, environnée d'un fossé.
C'est généralement aux 9e et 10e siècles qu'il faut
rapporter la construction de ces premières habitations seigneuriales,
dont le Finistère possède un grand nombre de vestiges. Celle dont nous
faisons ici une mention particulière paraîtrait avoir été établie dans
la petite île de Rozan, pour défendre l'entrée de la rivière de Laber
contre les entreprises des pirates normands, et les empêcher de remonter
avec leurs pirogues dans l'intérieur du pays. Les paysans des environs
lui donnent encore le nom de Château de Mur. Le mot mur, en celto - breton,
a la même signification que ce même mot en français : il désigne un mur,
une muraille. Appliqué à une forteresse, il exprimait pour elle le mur
principal, le mur par excellence, le mur de défense du pays et l'habitation
du seigneur. En quittant l'île(1) de Rozan,
et traversant tout à fait la rivière, nous retrouvons, au-dessus de la
rive gauche, des monuments celtiques fort remarquables ; savoir : un sanctuaire
composé de pierres disposées en carré long et très rapprochées les unes
des autres, quelques-unes sont très grosses. Les plus grands côtés de
ce carré ont soixante-quinze pieds d'étendue ; les plus petits n'en ont
que la moitié. Tout auprès est une métairie qui porte le nom de Raguénez.
Un peu plus loin, près de la ferme de Kerglintin , se trouve un alignement
de sept pierres, dont deux sont des Menhirs
de dix pieds de haut. Cet alignement se dirige directement de l'est à
l'ouest. Ici nous sommes parvenus au terme du littoral méridional de la
presqu'île
de Crozon ; nous repassons la rivière de Laber pour rentrer dans son
intérieur, et nous allons rejoindre, sur la hauteur qui la domine, la
petite chapelle de Saint-Laurent, dont les ruines ont été relevées depuis
peu d'années. En revenant dans l'ouest , vers le manoir de Trébéron, nous
trouvons, à peu de distance de ce manoir, une tombelle ou butte sépulcrale
artificielle en forme de cône très écrasé, car, sur deux cent quatre-vingt
pieds de circonférence à sa base, elle n'a que dix pieds d'élévation perpendiculaire.
Cette tombelle est généralement connue dans le pays sous le nom de Tombeau
d'Artus, mais la tradition ne nous apprend pas quel était cet Artus. Quoique
les souvenirs des héros de la table ronde soient encore répandus dans
la Bretagne, on ne peut penser qu'il soit ici question du fameux roi Artus,
chef de tous ces héros. Le lieu de sa sépulture est d'ailleurs connu,
et il n'est pas dans la paroisse
de Crozon. Au surplus, ce nom d'Artus, ou Artur, était très répandu
parmi les anciens chefs des tribus celtiques ou les princes bretons des
premiers siècles de notre ère ; plusieurs d'entre eux l'ont porté, et
nous le retrouverons encore rattaché à d'autres monuments fort anciens.
Au devant de ce Tumulus s'étend, sur le flanc d'une colline couverte de
bruyère, un Carneillou, ou cimetière Trébéron, composé d'un grand nombre
de pierres brutes dispersées çà et là, et accompagnées de deux Dolmens,
dont l'un, à table inclinée, est composé de deux pierres seulement, et
l'autre, qui était horizontal, se trouve aujourd'hui très mutilé. A cinq
cents toises de ce champ funèbre est un Menhir isolé de cinq à six pieds
de hauteur. Près la ferme de Kersenvez, et dans un champ qui borde le
chemin de Crozon
à Landevennec,
on voit un autre Dolmen bien conservé , dont la table supérieure est extrêmement
massive. Elle est soutenue par trois pierres debout, mais la hauteur totale
de ce monument n'excède pas cinq pieds.
Enfin, près du
même de Crozon, on trouve un Dolmen incliné, haut de six pieds, et un
peu plus loin un Menhir qui en a sept d'élévation. Quelque monotone qu'aient
pu paraître la nomenclature et la description de tous ces monuments celtiques,
j'ai cru cependant n'en devoir omettre aucun, pour mettre le lecteur à
portée de juger combien ils sont nombreux dans la presqu'île de Crozon.
Tant de Menhirs, de Dolmens, d'Alignements, et surtout quatre Sanctuaires
principaux, circonscrits dans un espace de cinq lieues carrées environ,
ne peuvent laisser douter que cette presqu'île n'ait été jadis un des
grands théâtres, un des points principaux du culte druidique dans la Cornouailles
Armorique. Plus tard, dans le moyen-âge, la paroisse de Crozon devint
un des grands fiefs de l'évêché de Cornouailles, et ses seigneurs levaient
bannières ; ils étaient issus des anciens rois de Cornouailles, et furent
la tige de l'illustre maison
de Rosmadec.
* Cette pointe reçoit son nom d'un manoir qui le porte, et qui en est peu éloigné. Il ne faut pas confondre cette localité avec les îles de Trébéron, situées dans la baie de Roscanvel, du côté opposé de la péninsule, et où mouillent les vaisseaux du roi mis en quarantaine.
Extrait de "Antiquités de la Bretagne. Finistère volume
2.
BREST . IMPRIMERIE DE COME ET BONETBEAU , ÉDITEURS , RUE DU CHATEAU ,
44 . A LA LIBRAIRIE DE COME , AINÉ , Rue St. - Yves , au coin de la rue
de Traverse . 1835 .
1 A l'époque de la visite de Fréminville, soit avant la mi 19ème siècle, Rozan est un îlot à marée haute, une première route digue en fait une presqu'île en 1850. L'armée allemande d'occupation ajoute une voie contournante lors de la seconde guerre mondiale dont le tracé subsiste puis ce sera l'aménagement actuel, coupant en deux l'îlot, avec en point de mire l'étang de l'Aber haut lieu naturel.
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