L'île de l'Aber vue par Jean-Marie Bachelot de la Pylaie

L'archéologue Baron de la Pylaie utilise une orthographe que l'on retrouve sur les cartes d'Etat-major au cours du 19ème siècle : l'île Laber désormais l'île de l'Aber. La description correspond à un état des lieux avant le réaménagement de l'armée vers 1862 avec le corps de garde type 1846 et une nouvelle batterie.

L'ILE LABER La visite de cet îlot s'est encore trouvée une bonne fortune pour l'archéologie : celui-ci n'est autre chose que l'extrémité de la haute colline qui borde le côté sud de la vallée de Saint-Laurent. Je ne pense pas que sa séparation du continent puisse remonter à plus de trois siècles : je serais même tenté d'attribuer son origine à la main de l'homme. Rien, sur ce lambeau de terre qui forme l'île actuelle, ne semblait mériter qu'on la visitât, et c'est sans doute à cause de cet état des lieux que m. de Fréminville na l'a pas fait. Cependant l'île Laber est aussi curieuse que Rozan. Il faut gravir, pour y pénétrer, un escarpement très rapide, qui provient de l'amoncellement des terres en un gros rempart qui règne sur toute l'étendue du front de l'île, occupant ainsi une longueur de soixante-dix-huit pas d'orient en occident. Il domine la plage d'une hauteur de quinze mètres et se trouve formé, comme ceux ce l'autre retranchement, de terres et de pierrailles extraites du sol qui se trouve par derrière ; il se recourbe un peu en arc et nous offre de petites éminences, le long de sa crête, dont la plus considérable se trouve à sa partie centrale, en face du continent.

En arrière de celle-ci, on remarque une espèce de contrefort également en terre, qui compose une petite terrasse irrégulière, abritée par le parapet.

On pénètre dans l'île par un sentier qui tourne le rempart après son extrémité orientale, et au bout opposé il y aune tranchée qui descend au bord de la mer. Mais, dans cette partie, le sol est peu élevé au dessus de la plage.

J'ai eu la surprise de ne pas rencontrer le moindre débris romain en parcourant l'île Laber. Comme celle-ci est entourée de plages où l'on pourrait opérer un débarquement, elle avait été fortifiée pendant notre dernière guerre avec l'Angleterre : On y avait établi un poste avec une batterie composée de trois pièces de quarante-huit. Les édifices, c'est-à-dire le corps de garde et la poudrière, par leur complet abandon, ne nous offrent que des ruines.

Le sol de l'île, d'abord fort bas du côté du continent, s'élève ensuite et forme une éminence dans sa partie occidentale, d'où l'on jouit d'une vue fort étendue sur toute la baie de Douarnenez. Nous découvrons au loin comme une bande horizontale, d'où s'élèvent quelques clochers ; à l'occident, ce sont les terres élevées qui forment la pointe de Rostudel ; puis l'anse de Morgat et ses grottes ; enfin, en revenant vers nous par le nord, nos regards s'arrêtent encore sur les deux rochers de Postollonec, entre lesquels un faible ruisseau se jette dans la baie.

On voit ensuite, en avant de l'île Laber, un petit îlot(1) dont l'extrémité orientale est séparée par une arcade étroite du reste du rocher.

Je fus assaillis de deux ondées brumeuses, pendant cette visite, où je fus obligé d'aller chercher un refuge sous les restes de la voûte de la poudrière, et Yves Daniélou, mon guide, fut s'accroupir sous la seule pièce de canon restée dans la batterie. Je ne vis aucune plante remarquable. Avant de terminer ce qui concerne cet îlot, je dois faire observer que le nom de Laber, par lequel on le distingue, signifie simplement havre en français, comme Laber-vrac'h, dont on fat l'Abbrévrac, Laber-Ildut, Laber-Benoît, golfes à l'entrée des petites rivières de la côte du Léonnais. Il en résulte que celui-ci n'ayant donc qu'un nom commun, il y faudrait ajouter comme distinctif celui de la chapelle ou du principal village de la contrée.

Extrait de :
Etudes archéologiques et géographiques, mêlées d'observations et de notices diverses ; par M. le B(on) de la Pylaie. Bruxelles, librairie de Deprez-Parent, rue de la Violette, 15. F. Parent, Editeur. 1850

1- Ilot de l'Aber - an Enez Krenn

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