Les ruines de la Pagode.
En fond la maison Kermarec, l'ancien propriétaire de la briqueterie, transformée en chambres de pension de famille de luxe. La première salle-de-bain avec douche de Roscanvel y est installée en l'absence d'eau courante. Il y a les arbres plantés par l'ex-entrepreneur, les herbes de la Pampa ajoutées par Austin de Croze. La Pagode aménagée par un architecte à grands frais, prend son nom de l'intérêt du voyageur pour les pays orientaux qu'il a visités. La serre, hors champ, est nommée orangerie, un kiosque non loin de là, un terrain de tennis, une pelouse pour le jeu de croquet entre autres. En premier plan, le voisin devenu jardinier en chef durant un an, Corentin Second avec son jeune fils. Le travail d'entretien remplit les journées à la belle saison...
Les ruines des deux fours à chaux.
Une briqueterie ferme pour cause de faillite et reste à
l'abandon, un homme d'affaire, Austin de Croze (1866-1937), rachète les
bâtiments en 1903/1904 et transforment ceux-ci en pension luxueuse aux
tarifs élevés mais la prestation est attrayante autant pour les distractions
que le confort. De plus il y a une fontaine
d'eau ferrugineuse à deux pas, bénéfique pour la santé, que ne manque
pas de rappeler l’hôtelier.
De nombreuses publicités écrites plantent le décor :
"Chasseurs et Touristes. Visitez à Quélern la Pagode, nouvelle pension
de famille. Splendide Panorama, Chasse, Parc, Jeux, Bibliothèque, Café.
Table d'hôte : 3 fr le repas." (septembre 1906).
"Le plus beau site de la rade de Brest. Quélern Roscanvel. La Pagode.
Pension de famille, parc, jardins, jeux. A l'occasion des fêtes de l'Assomption
déjeuner à 2fr50 vin et café compris." (août 1907). L'aubergiste
est un anticlérical acerbe mais les affaires étant maigrichonnes, la religiosité
ambiante pourrait sauver les meubles en acajou et pitchpin.
Le Comte est un aventurier intellectuel novateur, gastronome, écrivain
qui espère attirer des artistes parisiens, malheureusement le bateau à
vapeur ne passe que 2 fois par semaine ce qui bloque sur place la clientèle.
A l'instar de la cité des artistes de Camaret, l'aubergiste parvient à
inviter quelques personnalités : Ruben Dario, Ricardo Florès, Pierre Vaillant.
Pension complète : 175 frs le mois.
Des clients aisés venus de Brest essentiellement découvrent un lieu décoré
de manière exotique y compris les jardins. Ceci justifie le nom de Pagode.
C'est aussi l'époque de la station balnéaire de Morgat qui finit par attirer
plus que Quélern. En 1908 l'affaire capote d'autant qu'une mauvaise réputation
s'est développée autour de ce lieu étrange. Séance de magie noire, dames
de compagnie acquises à la cause des clients, tout y passe, les rumeurs
font des ravages. Il y avait bien quelque chose de noir dans l'affaire
: une chambre noire, pour les développements photographiques à la disposition
des artistes...
L'huissier de justice Me Léostic de Crozon entreprend la liquidation judiciaire,
les 10, 12, 16, 19 mai 1908 de 9h à 12h et de 13h à 17h. Tous les mobiliers
jusqu'aux bibelots, en passant par la bibliothèque de 700 livres et le
piano mécanique Buisson, la cuisinière Pied Selle, la cave à vins, le
rouleau à gazon... la vache, l'ânesse. Me Godec de Châteaulin liquidateur
judiciaire.
Liquidation judiciaire de la Pagode en tant que bien immobilier comprenant
la maison principale, le restaurant (grande salle vitrée de 15mètres),
les dépendances dont une remise, 3 étables, une écurie, crèche à moutons,
ancienne forge, deux fours à chaux... Les jardins et terres agricoles
et une serre nommée l'orangerie. Mise à pris 15000frs.
Les employés avaient été recrutés dans le voisinage et souvent mis au
service sans grandes connaissances de leurs tâches et se retrouvent subitement
sans travail. Austin de Croze, son épouse (1ère épouse Florence Sarah
Morse 1897 - 2ème épouse Henriette Jeanne Bergouignan 1912) et ses deux
enfants rejoignent Londres dès le mois de septembre 1908.
Une partie des bâtiments est sur terrain militaire, l'autre est en bord
de route actuellement.
Les anciennes pièces de séchage de la briqueterie, transformées au temps de la Pagode en écurie, étable et garage. Puis, bien plus tard, remises à l'usage d'habitations.
Correspondant de presse à Londres, Joseph Augustin
de Croze-Magnan, écrivant sous le nom de plume d'Austin de Croze, revient
à Paris et se fait connaître par sa verve anticléricale et la "crucifixion"
des Bretons, peuple alcoolique, attardé sous la coupe des curés. Les pamphlets
se multiplient dans les revues. Il participe à des réunions intellectuelles
sulfureuses auxquelles participe Laurent Tailhade. Croze faisant la promotion
de "Sa Bretagne noire", Tailhade faisant la promotion de "L'assiégé
de Morgat" ; ce dernier affirme que les femmes de Camaret sont scandaleusement
faciles...
Au tout début du 20ème siècle, les journalistes qui veulent réussir, pratiquent
l'esclandre au dépend de la nuance, voire de la vérité. A ce titre, Austin
de Croze se trouve en duel qu'il provoque, à l'encontre du confrère Guatémaltèque
Parisien d'adoption Enrique Gomez Carillo. Au jour et à l'heure du duel,
Croze brille par son absence. L'un de ses témoins Dubois, épéiste, le
remplace et blesse le Sud-Américain au bras bien que ce dernier soit une
fine lame querelleuse connue à Paris. Croze quitte la capitale en catimini,
affublé de toutes les lâchetés et se réfugie en Bretagne auprès du poète
Saint Pol Roux.
"Je viens de lire dans la Revue Blanche un travail de M. Austin de
Croze sur la Bretagne alcoolique. Je le signale ici afin qu'on puisse
le discuter s'il contient des assertions inexactes. Quant aux chiffres
qui s'y trouvent consignés, il est probable qu'ils ont été fidèlement
copiés dans les tableaux officiels. Il en résulte notamment que la consommation
de l'alcool qui, en 1858, était de 14.027 hectolitres dans le Finistère,
s'élevait en 1898 à l'énorme quantité de 50.539 hectolitres. C'est là
une terrible marée montante. Les conséquences en sont décrites dans le
travail de M. de Croze. Je me borne à indiquer celle-ci : l'augmentation
des condamnations se serait produite en raison de celle de la consommation
de vin qu'on appelle : esprit de vin, mais qui serait mieux nommé : l'esprit
du mal." Jacques DIDIER. Dépêche de Brest 09 juin 1901.
La Great Western Railway assurant la liaison maritime entre Plymouth et
Brest confie la rédaction publicitaire d'un guide touristique gratuit
à Austin de Croze en 1907. Le directeur James C. Inglis croit au potentiel
de Brest et sa région, l'écrivain journaliste espère des retombées sur
ses affaires et ira se prêter à organiser des excursions.
Après sa débâcle à la Pagode, Austin de Croze va enfin connaître les bienfaits
de la renommée grâce à ses ouvrages touristiques anglais et français et
surtout grâce à ses livres gastronomiques qui vont devenir des références.
Au "Salon d'Automne" (salon de peinture célèbre du Grand Palais),
Austin de Croze fonde les journées Gastronomiques Régionales" présidées
par Frantz Jourdain (1924).
Dans la revue "L'Opinion", Austin de Croze rédige une rubrique
Gastronomie et Vins (1929).
L'homme aura voyagé, apprécié les peuples et la variété des cultures alors
sa hargne bretonne n'avait pas pour but d'humilier une Bretagne qu'il
aimait et qu'il tenta de faire découvrir, mais de dénoncer des conditions
de vie miséreuses, alcoolisées par désespoir et effectivement particulièrement
rigidifiées par une église oppressante.
°°°
Amoureux éternels ? Ardoisière Briqueteries Cales Calvaires Casernes Pont Scorff Chantier Naval Auguste Laë Cimetière déplacé Commerce à double activité Déblais et buses Ecoles Eglise de Saint Eloi Etangs Fontaines et lavoirs Fours à chaux Hôtels Prisonniers Kabyles Kerlaer le village des voleurs L'heureux krach de 1929 La Pagode Manoirs ou maisons manales Menhirs Moulins à eau Moulin à vent du Seigneur Pardon St Eloi L'ancienne poste Presbytère Réfugiés Républicains Espagnols Rocher Lieval Rue de Peisey-Nancroix Saint Pol Roux Tregoudan Ruines de Trévarguen Villa Trombetta Trouée de Toul Brein Ruisseau Ragadal°°°
Défense militaire Géologie°°°
A LA UNE : Une marée de méduses à Morgat • La Lune a toujours le même visage ! • La mer monte ! •