Le tourisme au service de la précarité.
La presqu'île de Crozon est atteinte de « saisonite » aiguë.
Déferlante estivale de vacanciers toujours plus nombreux. Les premières
vaguelettes se forment à Pâques si le soleil est de la partie, les dernières
s'étiolent fin septembre quand le troisième âge termine son périple avant
de reprendre ses quartiers d'hiver.
Branle-bas de combat au printemps : recrutements de saisonniers tous azimuts
pour accueillir les visiteurs en transit... Les affichettes se collent
aux vitrines à l'éclosion des bourgeons. Des emplois de quelques semaines
à quelques mois ne trouvent pas preneurs à la grande surprise des employeurs.
Emplois sans expérience tolérés mais avec sourire commerçant exigé.
D'où vient le peu d'entrain des saisonniers à pourvoir ces jobs de l'été
? Pourquoi tant de grimaces ? N'y aurait-il que des paresseux dans l'univers
des sans-emplois ?
Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où le tourisme crozonnais
vivait de sa relative plénitude. La foule était au bord de la Méditerranée,
pendant que quelques promeneurs effrontés se risquaient à l'été pluvieux
breton. Les jeunes adultes sans formation vivant chez leurs parents acceptaient
une embauche lance-pierre aux horaires mal bigornés durant quatre mois
pour bénéficier des allocations chômage le reste de l'année. Ce n'était
pas Byzance, mais ce n'était pas la dèche non plus, on végétait agréablement.
Désormais changement de climat : les touristes viennent reprendre leur
souffle en Bretagne, la suffocation du midi n'étant plus supportable.
Les employeurs locaux recrutent davantage et les candidats aux emplois
saisonniers désertent de plus en plus.
Côté chômage, depuis février 2023, c'est plus restrictif, des quatre mois
contrariant, on passe à six mois avec un calcul tarabiscoté basé sur les
revenus intégrant aussi les périodes sans activité... Autrement dit, une
réduction des allocations qui ne passe pas inaperçue par les temps inflationnistes
qui courent...
Un saisonnier qui travaille moins de 6 mois, se retrouve dans une déconvenue
financière les 6 autres mois avec un CV (curriculum vitae) qui ne vaut
pas tripette compte tenu des faibles qualifications acquises durant la
saison et qui, avec l'âge venant, scellent son avenir professionnel à
l'adhésion permanente aux minimas sociaux...
Puisque le nombre de postes à pourvoir augmente, une part des saisonniers
potentiels n'habite pas uniquement en presqu'île, il faut donc un logement
d'accueil... Une location saisonnière à bas coût dans une région touristique
où la location touristique saisonnière complète des revenus de propriétaires
qui ne sont pas tous des Crésus nés dans un berceau d'or fin, est une
perle rare hautement convoitée. Les municipalités et des organismes apparentés
ont démarché des propriétaires pour obtenir des locations de chambres
à 300 € mensuels, prix inférieur au marché immobilier, dans l'espoir de
griser des postulants aux emplois saisonniers qui ne postulent toujours
pas malgré la gentillesse déployée. Des municipalités ont investi dans
la rénovation de quelques locaux pour des hébergements décents des travailleurs
éphémères.
Une vie de saisonnier en chambre, corvéable à merci, avec travail le dimanche
souvent, pour un salaire minimum légèrement amélioré, se coupe du monde
durant six mois. Difficile d'avoir une vie privée si l'on vient de loin,
si le-la partenaire est dans une autre région (à moins d'être un couple
libre, très libre), difficile d'avoir un loisir gratuit, difficile de
se déplacer entre la chambrette et le lieu de travail sans passer par
la pompe à essence qui affiche des prix de capitaliste... Les recruteurs
ne tiennent absolument pas compte des sacrifices exigés aux employés jetables.
Il est difficile pour un saisonnier de vivre l'inconfort au service du
confort de l'entreprise qui l'emploie. Un travailleur saisonnier est un
travailleur précaire en devenir : ça ne fait plus rêver personne.
Les municipalités ne sont pas sans responsabilités quant à leur déni d'implication
dans le monde de l'emploi. Si par le passé, le dossier de l'emploi n'était
pas dans le champ de compétence des communes, aujourd'hui les communes
ont un devoir de facilitation pour subvenir aux carences des CDI (contrat
à durée indéterminée), le Graal que les saisonniers ne sauraient approcher
sans un tissu économique préparé par ces municipalités évasives... Des
municipalités disposant d'adjoints à l'emploi dans une entité de communauté
de communes empanachée d'un vice-président de l'emploi qui travaillent
que très modérément à l'essor des saisonniers en dehors de la saison touristique.
Quels sont les projets des municipalités et des professionnels du tourisme
dépendants de l'économie estivale, les uns comme les autres, sans que
ce ne soit au dépend d'une population exploitée par le fait de sa difficulté
d'insertion sociale ?
La presqu'île hivernale a besoin de services nouveaux au cœur d'une population
vieillissante, une population déclinante. Crier à la baisse de population
inexorable parce que le territoire n'est pas attractif est une harangue
des politiciens locaux qui après la lamentation glissent subrepticement
vers l'immobilisme confortable sacrifiant des jeunes presqu'îliens à une
vie d'échec avec pour distraction l'alcool et la drogue payés par le RSA
(Revenu de Solidarité Active). Pour l'Etat, il est moins coûteux de verser
un RSA (financement départemental pour l'essentiel) constant que de payer
des allocations chômages, économies budgétaires nécessaires.
La presqu'île de Crozon n'est pas la seule région de France à être atteinte
par la « saisonite », partout le nouveau virus se répand et contribue
à la propagation de la précarité...
Insérer des saisonniers représente du travail à durée indéterminée, n'y-a-t-il
que paresse chez les responsables ?
Constats :
La contestation qui s'affiche!
Taxe d'habitation des résidences secondaires tendues
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