Fenêtre à traverse / Demi-croisée en kersanton avec accolade sur le linteau, jambages chanfreinés en plat, traverse double chanfreinée en plat, appui simple.
En dehors des pentys – maisons traditionnelles des habitants
pauvres – les constructions seigneuriales sont les demeures visibles en
territoire de la presqu'île de Crozon dans les siècles passés et ceci
bien avant la révolution de 1789. Les premières constructions notables
sont celles élevées sur une butte de terre que l'on nomme motte
féodale, le tout est entouré de palissades pour faire face aux assaillants.
Ce dispositif maille la presqu'île à partir du 10 ou 11ème siècle. Bien
que toujours lieu de troubles, à partir du 13ème, la presqu'île est gouvernée
par quelques seigneurs prospérant sur le dénuement des paysans et s'il
leur faut se protéger des invasions, des voisins belliqueux et des bandes
de hors la loi, il leur faut aussi paraître toujours plus puissant pour
obtenir des faveurs de plus puissants qu'eux. De la construction purement
stratégique, l'usage des bâtis nobiliaires évolue vers la construction
de plaisance à partir du 13ème siècle. Parmi les signes de richesse significatifs,
l'ornementation des fenêtres en est l'un des facteurs communs à toutes
les maisons nobles.
La fenêtre à traverse est une variation simplifiée, « divisée en deux
» de la fenêtre à croisée / à meneau. Elle est aussi appelée fenêtre demi-croisée
et connaît son plus fort usage au 15ème siècle. Elle se compose d'une
petite baie haute comportant un volet intérieur en bois. Puis en dessous,
d'une baie un peu plus grande comportant elle aussi son volet intérieur
à un seul vantail. Cette fenêtre toujours scindée en deux par la traverse,
toujours plus haute que large était en usage surtout pour éclairer un
escalier intérieur hélicoïdal qui desservait chaque étage du château.
L'usage du vitrail à losanges colorés ou pas n'était pas systématique
et plus convenu pour les fenêtres donnant sur une pièce habitable.
Il est évoqué, sans affirmation, que ces fenêtres étroites étaient une
évolution des meurtrières de sorte qu'un usage militaire pouvait encore
se concevoir sans qu'un ennemi put s'y introduire.
A partir du 16ème siècle, les combats sont plus géopolitiques que barbares
et les nobles agrandissent les fenêtres, les croisées prennent le dessus
et la stylisation évolue vers la légèreté et la sophistication des moulures.
En presqu'île, la mode évolue aussi mais avec moins d'emphase. Les riches
de la presqu'île sont les pauvres de la royauté en dehors de quelques
familles comtales dont les principaux représentants n'ont pas domicile
en presqu'île et s'affichent plus facilement au parlement de Rennes.
L'extinction des familles aristocratiques engendre des reventes de terre.
Les nouveaux nobles propriétaires, à moins que ce ne soit l'église elle-même
par le biais de l'abbaye
de Landévennec, sont intéressés par les potentiels revenus des surfaces
agricoles acquises et sont susceptibles de délaisser le manoir qui se
ruinera tôt ou tard. Les paysans récupèrent discrètement les pierres pour
leur propre usage de construction mais ne se risquent pas forcément à
reprendre les pierres d'appareillage au risque d'être soupçonnés d'être
plus argentés qu'ils ne le sont et de payer des impôts féodaux injustifiés.
Par contre, certains fermiers employés par la noblesse peuvent s'autoriser
le réemploi d'une fenêtre à traverse car ils jouissent de la protection
du seigneur pour lequel ils travaillent. Une fenêtre de noblesse, à moins
que le propriétaire du penty ne soit tailleur
de pierres ou moindrement un commerçant, est un élément architectural
réemployé en presqu'île de Crozon. Le cas le plus « prestigieux » fut
le manoir du Poulmic, démantelé et dont les belles pierres furent réemployées
dans une toute nouvelle ferme éponyme qui elle-même fut détruite par la
construction de la base
aéronavale de Lanvéoc. Ces réemplois épars permettent aujourd'hui
de visualiser quelques éléments parcellaires du patrimoine architectural
d'antan.