Ports de pêche de la presqu'île de Crozon

Le temps passe et les souvenirs matériels de la pêche à la sardine disparaissent un à un. Le sardinier (palangrier) "La Reine de l'Arvor" construit en 1953 au chantier naval Largenton de Douarnenez, semble être l'un des rares témoins de cette pêche ancestrale entamée de manière "systématique" sous l'occupation romaine par la confection de cuves à salaisons à Morgat et Telgruc-sur-Mer.

Les trois ports de pêche historiques de la presqu'île de Crozon sont Camaret-sur-Mer, le Fret, Morgat. Il y avait une forte concentration de barques sardinières prêtent à sortir en mer pour la journée. Longueur moyenne de 6 à 9 mètres pour ces voiliers, avant les allongements du début du 20ème siècle...

Faire une pêche de 10000 sardines en une sortie constituait un minimum vital pour le patron de la barque sardinière jusqu'au sloop. Il y avait quelques pêches à 40000 mais aussi des jours à 500... Voire pire : la crise sardinière.

Résultats des ventes de poissons pour l'année 1897 :
Morgat = 444 350 fr : sardines, crustacés, poissons divers dont la raie, le maquereau, le merlu.
Camaret = 327 400 fr : crustacés, sardines. (A titre de comparaison en 1986 Camaret fut à 382.3 tonnes de langoustes roses pour un CA de 34 247 600 fr.)
Le Fret = 16 000 fr : sardines, crustacés, poissons divers dont la raie, le maquereau, le merlu.

Extraits des cours de 1898 :
20 fr à 24 fr la douzaine de langouste selon la taille.
30 fr le mille de maquereaux.
4 fr le mille de sardines jusqu'à 6 fr quand les quantités sont faibles.
0.75 fr à 0.9 fr le merlu.

A titre de comparaison au coût de la vie d'alors : un parapluie vaut de 2.5fr (modèle de base) à 5.5fr (modèle féminin citadain).

Les crustacés sont les crabes majoritaires, les homards, les langoustes. Ces dernières seront à terme l'essentiel du chiffre d'affaire de la pêche à Camaret. Morgat s'orientera vers le thon avec son môle spécifique. Le Fret limite sa zone de pêche à la rade de Brest pour ne pas avoir à affronter le Goulet... Coquillages et crustacés, drague et casiers.

La pêche à la raie se pratiquait au filet grandes mailles. Un patron pêcheur avec son équipage partaient par dépit pour une journée de raies : l'absence de sardines dans les filets à petites mailles des journées précédentes contraignait l'embarquement à des pêches moins rétributives pour éviter la disette. Ce fut alors une nouveauté que de voir des langoustes prises au filet de raie. On ramenait ces prises sans savoir ce que l'on allait en faire au début du 19ème siècle. On ne mangeait pas de langouste dans le quartier maritime ! Chair fade trop peu nourrissante par rapport aux sardines confites saturées de corps gras et salées. Ce ne fut que très mollement que la consommation de langoustes augmenta. Les mareyeurs du port de Camaret durent se faire construire des viviers flottants afin de les conserver avant la revente.

La pêche à la sardine s'éteignit par la disparition des conserveries qui se délocalisèrent pour des questions de rentabilité. Au début de l'âge de la conserve, la sardine à l'huile fut un produit de luxe mais la démocratisation du produit en fit l'aliment du pauvre. La sardine bretonne sera en réalité marocaine durant plusieurs décennies...

Après les découvertes des pêcheurs camarétois tel que Toussaint le Garrec, la pêche à la langouste transforma le port de Camaret qui était le seul suffisamment structuré par ses mareyeurs, ses chantiers navals avant-gardistes, à perdurer jusque dans les années 1980... Ensuite la pêche industrielle des ports les plus modernes balaiera tout espoir de rebond en presqu'île de Crozon.