L'équivalent de nos nationales d'aujourd'hui.
Lors d'un débroussaillage, les vestiges très modestes d'un muret avec ses pierres levées marquant l'entrée d'une parcelle, furent retrouvés. Preuve d'une activité humaine agricole oubliée. Les pierres ne sont pas assorties de sorte que l'ouvrage est délabré.
Galeries d'insectes.
Ancienne parcelle agricole reconquise par les bois et dont les murets sont recouverts de terreau propice à la végétalisation. Les abeilles solitaires affectionnent ces conditions de vie.
Un mur talus d'un chemin creux.
L'usage de la pierre sèche, c'est-à-dire des constructions
en pierres sans aucun liant, ni terre, ni mortier d'aucune sorte, est
une pratique humaine qui remonte au Néolithique quand l'homme cesse d'être
chasseur et cueilleur et qu'il privilégie l'agriculture pour ses besoins
alimentaires. Sachant cela, il est tentant de conclure que les les murs
et murets en pierres sèches en bordure des parcelles agricoles de la presqu'île
de Crozon que l'on retrouve dans les landes, les prairies et les bois
soient des élévations multi-centenaires si ce n'est pas davantage.
Contre toute attente, ces murs dont certains sont particulièrement réguliers
et furent certainement montés par des hommes expérimentés dans l'art de
stabiliser les pierres les unes envers les autres demandant de la dextérité,
sont des réalisations tardives du 19ème siècle pour beaucoup. Ceci s'explique
par la structure de la société presqu'îlienne féodale et pauvre jusqu'à
la révolution française de 1789. Jusqu'à cette date, le maillage des propriétaires
des terres est constitué des biens de l'église par le biais de l'abbaye
de Landévennec et de Daoulas dans une moindre mesure ainsi qu'une hiérarchie
noble complexe du comté de Crozon. Les paysans sont démunis et asservis
de père en fils interdits de possession.
Les terres de la presqu'île de Crozon sont rarement profondes et utiles.
Impossible de cultiver quoique cela soit dans la lande, pas plus que sur
les plateaux rocheux des falaises. Quant aux vallées, elles sont marécageuses.
Les autorités religieuses ainsi que seigneuriales se disputent les territoires.
Progressivement les terres de l'église sont vendues aux nobles de tous
rangs. Ces derniers connaissent la déception puisque les rendements sont
parmi les plus bas de la région d'autant que ce qui pourrait être cultivable
manque d'amendement toujours coûteux. Autrement exprimé, la presqu'île
est sous le coup d'un abandon ancestral à quelques exceptions près. Les
nobles se retirent un à un de leurs investissements. A quoi bon alors
d'épierrer des champs et de construire des murs pour rien en tirer.
La Révolution française change les propriétaires, les nobles sont exclus
et ce sont des investisseurs bourgeois souvent extérieurs à la presqu'île
qui rachètent le foncier existant au titre de placement. La condition
paysanne évolue peu, si ce n'est que certains privilèges de la noblesse
sont abolis... Fini l'entretien des chemins après le travail par exemple...
Pour le reste la pauvreté reste endémique.
Au cours du 19ème siècle, les riches propriétaires se départissent à leur
tour des terres « révolutionnaires » afin de ne pas perdre de l'argent
d'autant que l'industrialisation du pays offre des placements plus rentables.
Les notaires fractionnent les parcelles avec un petit bénéfice au passage
et les ventes se font auprès de paysans, d'anciens métayers, ayant quelques
économies. A partir de cette période de parcellisation du territoire,
les murets apparaissent autant à titre de clôture que de stockage des
pierres des terres épierrées. Des chemins à talon sont aussi bordés de
pierres sèches canalisant ainsi la circulation du bétail d'une parcelle
à l'autre sans risque de dispersion.
Durant quelques décennies et grâce à l'armée des chantiers, des forts
et des défenses de côte, grande consommatrice de farine et de viande,
des familles paysannes parviennent à survivre pour la première fois de
l'histoire agricole de la région. Cela n'aura qu'un temps car l'armée
va s'apercevoir que les produits locaux sont chers et de piètre qualité.
Les achats groupés se feront dès lors à Brest.
Au début du 20ème siècle, la désaffection littorale se fait sentir d'autant
qu'un début d'éducation va lentement détourner les enfants de la terre...
La mécanisation ne conviendra qu'aux grandes surfaces intérieures de la
presqu'île. Les parcelles de quelques ares n'ont plus de valeur, il faut
des hectares complètement dégagés.
Dans les parcelles abandonnées, parfois reconquises par le reboisement
naturel, les murs en pierres sèches ont subsisté et subsistent encore,
plus ou moins bien entretenus comme s'ils étaient inamovibles alors qu'ils
sont le fait d'un échec et le signe d'une désolation d'une population
pauvre.
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