Four à pain du village bombardé de Kerlaër. A l'origine, le four est une maison complète proche d'une ferme.
1895.
La taille de l'ouverture du four donne un aperçu du volume du pain cuît en boule. Une plaque métallique fermait le four pour éviter les perditions de chaleur.
Dos sphérique du four derrière la cheminée. Le dôme
était construit sur un masque d'argile ou de sable compacté en forme de
voûte. Dessus était coulé un mélange de chaux et de terre argileuse pour
constituer une croûte résistante à la chaleur. Par-dessus, on construisait
un demi dôme qu'il fallait absolument réussir pour éviter l'effondrement
une fois que le masque d'argile ou de sable était sorti par l'ouverture
du four dans la cheminée. Il était impossible d'avoir accès à l'intérieur
du four après sa construction. Le savoir-faire comptait donc : le choix
des pierres résistant à la chaleur - leur taille si nécessaire - l'usage
des briques de tapissage fut tardif car onéreux. Le savoir s'en servir
aussi. Pas question de faire un feu brutal, les premières flambées consumaient
des petits fagots de préchauffage pour évaporer l'humidité des parois
- deux jours avant la cuisson. Une montée en douceur de la chaleur nécessitait
une présence humaine qualifiée. Une fois le feu achevé, on sortait les
braises que l'on mettait de côté dans le foyer de la cheminée. On jetait
une poignée d'herbe sèche sur la sole du four. En cas de prise au feu
en moins de deux minutes, on considérait la chaleur du four comme trop
vive. On patientait jusqu'à la baisse de température idéale puis on enfournait
à la pelle les boules de pâte levée ainsi qu'un récipient plein d'eau
pour un moelleux acceptable. Autant de boules que de clients-paysans.
Parfois il fallait entretenir un feu dans le foyer de la cheminée pour
limiter les perditions de chaleur, un feu tenu jusqu'à la cendre la plus
fine pour faire la buée (lessive). Dans la journée, on venait chercher
son pain chaud dont la cuisson avait duré en moyenne 1h30 à 300° pour
un four de pierres - 30 à 40 minutes pour un four en briques réfractaires.
Le cuiseur sortait le pain du four sur sa pelle. La cliente-paysanne,
femme de pêcheur aussi bien souvent, recouvrait le pain d'une corbeille
adaptée, puis retournait le pain et la corbeille avec l'aide de la pelle
qu'inclinait le cuiseur. La manœuvre évitait de se brûler. Les superstitieux
mettait le pain à l'endroit au plus vite - le pain à l'envers portait
malheur ou générait des disputes familiales, il fallait jeter le sel par
dessus l'épaule pour conjurer le mauvais œil. Ensuite on recouvrait
la boule d'un torchon puis on parcourait une longue distance pour rentrer
chez soi. Au soir, on avait le plaisir d'un relatif croustillant que l'on
appréciait par dessus tout; dès demain, le pain serait plâtreux. La semaine
prochaine, on ferait de même.
Dans les régions de France, les fours à pain se ressemblent. La sole est
à une hauteur suffisante pour que durant l'enfournement, le cuiseur n'ait
pas à se plier avec sa pelle plate de boulanger, ce qui varie sensiblement
c'est le bâti extérieur au four. En presqu'île de Crozon, les fours à
pain sont insérés dans un penty (petite maison) spécifique tout simplement
pour faire le pain à volonté y compris les jours de pluie. Dans les régions
chaudes le four est seul sans construction. Les fours communaux n'ont
pas de porte, voire pas de pignon; les fours collectifs ont une grande
porte d'entrée; les fours privés ont une largeur de porte ordinaire.
Le pain n'était pas à la portée de tous ni géographiquement,
ni monétairement. Le pain se fabriquait et s'achetait à la semaine. Un
pain noir (gris seigle) lourd, tellement compact que seul le trempage
dans une soupe en venait à bout. Les boulangeries n’existaient pas encore
et même si elles avaient dû exister, elles auraient été construites dans
les bourgs passants et non dans les hameaux éloignés de tout. Dépêcher
un membre de la famille pour courir sous la pluie, dans la boue des chemins
creux était impensable, trop de temps perdu pour le travail au champ.
Jusqu'à la Révolution, le four à pain pouvait être un droit exclusif du
seigneur local si la terre sur laquelle était construit le four était
sa propriété. Certains seigneurs empêchaient l'usage du four en dehors
de sa permission y compris en des lieux dont il n'avait pas la jouissance.
Plus tard, pour les fermiers qui avaient un peu d'aisance, la construction
d'un four à pain partagé constituait une solution avantageuse. Le partage
des frais de construction existait ou inversement, seul un propriétaire
faisait bâtir un four à pain sur sa propriété, en bord de chemin accessible
à tous où chaque utilisateur local devait payer une somme d'argent pour
une cuisson. La formule du four à pain "privé" installé dans
la cour de la ferme existe aussi mais chronologiquement est souvent plus
tardive.
Préchauffer le four durait des heures comme avait duré des heures le ramassage
des bois secs pour la mise en température du four. Bois rare, de mauvaise
qualité ou cher à l'achat. Il fallait avoir les reins solides au sens
propre comme au figuré pour avoir son pain cuit en fin de journée. Une
grosse boule, en général, conservée à domicile dans un tiroir de table
ou un coffre à pain - certains se contentaient d'emmitoufler le pain dans
un linge épais pour éviter les moisissures au bout de quelques jours à
cause de cette humidité ambiante qui ne cessait jamais dans les pentys.
Le temps des fours à pain est achevé et seules quelques ruines se souviennent
d'un lieu de rencontre et de partage de ce qui n'était pas si aisé de
posséder. Posséder le pain était l'assurance que la famille ne connaissait
pas la famine, un véritable bienfait de la bonté divine. La culture des
blés, la conduite au moulin, le stockage à l'abri des souris, des vers,
de l'humidité, représentaient tout un travail agricole de plusieurs saisons
avec la crainte permanente des aléas climatiques. Son pain, il fallait
le mériter à la grâce de Dieu.
Puis vint le temps du pain blanc, des premières boulangeries, des moyens
de transports motorisés pour qui en avait les moyens. Un pain blanc, pain
frais des riches servi au quotidien, jusqu'à ce que le pain devienne moins
coûteux puisque la farine devienne industrielle, importée des régions
céréalières de France. Le blé de la presqu'île n'était plus rentable et
d'une qualité inacceptable, pourtant d'une qualité acceptée par les presqu'îliens
jusqu'alors. Ainsi les moulins et les fours à pain tombèrent en désuétude
en même temps, la rentabilité avait eu raison de leur existence.
Une période de réjurgence, lors de la seconde guerre mondiale, permit
à certains fours à pain de reprendre du service. Tantôt, la cuisson du
pain était répréhensible et les tournées des soldats Allemands dans les
fermes viraient à la menace d'emprisonnement à cause des réquisitions,
tantôt les mêmes soldats repartaient avec une boule de pain sous le bras...
Dans les années cinquante, s'en était définitivement fini, les boulangers
des bourgs servaient des baguettes blanches fraîches tous les jours.
Vestiges d'un four à pain.
Les principaux fours rénovés accessibles au public
sont :
• Four
à pain collectif d'Elléouët à Telgruc-sur-Mer.
• Four
à pain communal d'Argol.
En dehors de cela, il faut regarder les pentys avec un demi dôme sur l'un
des deux pignons. Vous êtes en présence d'un ancien four à pain de ferme.