L'histoire de la coloration des façades des maisons n'a
pas de date précise puisque les habitants des pays très différents du
Nord au Sud badigeonnaient leur habitat d'abord pour des raisons de protection
des matériaux. Les intempéries et peut-être plus encore, les rayons UV
du soleil, altèrent le bois. Jadis, partout dans le monde ou presque,
les maisons en bois étaient majoritaires tout simplement parce que la
pierre y est « rare » et le bois abondant.
Si l'on se réfère aux pays nordiques par exemple, les bois nus grisonnaient
en se dégradant et c'est donc par obligation que l'on pensa à peindre
les maisons avec des pigments minéraux issus de la cuisson des terres
locales qui donnèrent le jaune ocre et le rouge de sienne. Les maisons
nordiques devinrent colorées par la force des choses et ce n'est pas par
amour du jaune et du rouge que ces couleurs de façade apparurent mais
par contrainte d'un savoir-faire encore limité. Un jaune et un rouge bien
moins clinquant qu'aujourd'hui, mieux vaut parler d'une nuance soutenue
que d'une couleur vive. Ainsi les premières couleurs avaient un usage
de crépis fin protecteur... Au pays basque, on peignait au sang de bœuf
les bois exposés...
Si l'on se réfère au Moyen-âge français, des façades, surtout en ville,
étaient colorées avec une palette un peu plus étoffée avec aussi ce souci
de protection mais pas uniquement. Dans certaines régions, dans les bourgs,
chaque métier artisanal avait une couleur spécifique, une sorte de code
couleur qui arrangeait bien une population qui ne savait pas lire. Dès
lors le souhait de « jouer » avec les couleurs s'ajouta au souhait d'entretien
du bien immobilier.
Progressivement, on passa des pigments minéraux aux pigments organiques
– issus de la faune et de la flore. Les gammes s'enrichirent mais restèrent
toujours d'un éclat très modéré.
A partir de la Renaissance, les intérieurs étaient clinquants mais les
extérieurs en pierres puis en briques un peu plus tard, ne nécessitaient
pas de peinture de sorte que l'usage des couleurs en façade s'estompa
hors approches commerciales.
Le temps des crépis à la chaux blanche permit l'inclusion de colorants
dont les couleurs basiques agrémentaient les maisons bourgeoises en certains
royaumes. L'apparition de listels décoratifs confortait l'affichage social.
Le 19ème siècle français avec sa vague hygiéniste (crainte des épidémies
et des miasmes que la chaux était sensée combattre) et son souci de sécurité
incendie, à partir de 1824, interdit les façades de bois surtout en agglomération.
L'existant fut recouvert d'un lattis enduit à la chaux. Le 19ème siècle
fut aussi le siècle de l'industrie et du chauffage au charbon, les villes
grisonnaient par la suie alors le décret de la ville de Paris qui s'étendra,
du 26 mars 1852, imposa le fameux crépissage mais aussi le nettoiement
décennal. La chaux et le plâtre utilisés devenaient gris quoique l'on
fit. La parade fut la coloration du crépis pour masquer l'impression de
salissure permanente. A la contrainte s'ajouta le besoin de distinction.
On n'avait pas envie d'avoir la couleur du voisin et l'on tentait à moindre
frais de se démarquer. Les palettes de couleurs s'étoffaient à nouveau,
les municipalités régulaient plus ou moins sauf si le notable était puissant.
Toute cette lente évolution des couleurs de façade ne concernait pas la
presqu'île de Crozon qui avait un habitat en pierres apparentes exclusivement.
Le seul bois en usage était celui des volets et des portes peints à la
peinture de bateau. La bourgeoisie extérieure venue de Brest, de Paris
ou de régions fortement industrieuses, telle la famille Peugeot à Morgat,
n'avait aucune envie de vivre leurs vacances dans des pentys en rase-motte.
Les villas prirent de la hauteur et de la splendeur. De plus le crépis
de mortier de ciment était plus chic bien que gris à l'usage. Peindre
sa façade, souvent en blanc ou beige devint une finition de plus en plus
fréquente. Dans les années 1960, on ripoline à tour de bras les maisons
neuves.
Les maisons en pierres des ports vont peu à peu être crépies pour enfin
réduire les infiltrations des pluies dans le jointoiement en terre...
L'idée de peinture suivit... L'ère de la démocratisation et de la banalisation
de lapeinture de façade éclate au grand jour ! Le blanc est tendance.
Dans certaines régions du monde, les maisons portuaires aussi modestes
étaient-elles connurent des couleurs dans les crépis en torchis pour être
vues du large, au titre d'amer, ou, selon quelques histoires racontées
sous le manteau, par amour. Le pêcheur en mer voyant sa maison où l'attendait
son épouse éprise le rassurait durant sa journée laborieuse et parfois
dangereuse. Quelques mauvaises langues se permettaient d'affirmer que
la couleur de la maison permettait au pêcheur éméché de ne pas se tromper
de domicile à son retour au soir... Par contre, l'obligation de repeindre
sa maison autant que nécessaire se faisait toujours dans la même couleur
selon les réglementations administratives de l'époque. Bleu toujours,
rouge à jamais, jaune devant l'éternel !
Rien de tout cela en presqu'île, si l'ivresse était prépondérante, si
l'amour n'était sans doute pas absent, les amers devaient être plus significatifs
à cause des visibilités maritimes très aléatoires. De plus les ports étant
à l'abri dans des anses, le large n'en était pas visible.
La presqu'île de Crozon reprend dorénavant un courant d'urbanisme aux
couleurs vives qui naît dans les années 1970 dans certaines capitales
régionales, quelques dubitatifs diront criardes, pour égayer un habitat
dont l'uniformité des crépis gris rendait morose les habitants et les
visiteurs... Des couleurs attrape-touristes en quelque sorte... Les municipalités
refrènent dorénavant les audaces les plus créatives. L'électeur lambda
en proie aux couleurs intenses ne comprend pas toujours qu'un ton de framboise
écrasée du voisinage puisse être toléré alors que son vert pomme de Virginie,
si artistique à ses yeux, soit dénoncé au titre du mauvais goût administratif.
La gestion des couleurs détient quelques nuances politiciennes car les
couleurs de Gauche ne sont pas celles de Droite. Dès le départ, il y avait
discordance entre les rouges révolutionnaires des uns et le bleu républicain
des autres... Seul le blanc semble préserver sa valeur pacifiste !
Quoiqu'il en soit Camaret
et Morgat
manient la couleur du bord de mer...