Louis Richard, représentant de commerce en montres et casquettes
séjourne à l'hôtel Hervé
en 1883 face à l'anse de Morgat. Ce n'est pas simplement un commercial,
il est aussi un investisseur qui à cette époque fait construire un hôtel
à Dinard. Ce ne sont pas ses revenus personnels qui lui permettent tant
de décaissements, par contre, son épouse, liée à la famille Peugeot, peut
largement se le permettre bien que cette illustre famille industrielle
ne se soit pas encore intéressée à l'automobile (1891) à cette date.
De retour, dans le Doubs, le prospecteur informe Armand Peugeot du potentiel
immobilier de Morgat qui au delà du port jusqu'à la colline de Rulianec
est vierge de toute construction. Les terrains sont agricoles. Armand
Peugeot accompagne Louis Richard à Morgat pour une visite des lieux qui
comblent d'aise l'industriel. Le 5 janvier 1884, les statuts de la société
immobilière Louis Richard et Compagnie sont déposés officiellement et
désignent les membres suivants : Les cousins Peugeot (Eugène et Armand),
Charles Lalance et Louis Richard. Le notaire Emile Pelliet de Crozon est
commis pour acquérir tous les terrains du bord de mer entre Morgat et
le Portzic. Les paysans se contentent de prix qui leur paraissent mirobolants
et qui sont bien sûr modiques, ignorant ce qu'est la spéculation immobilière.
Les terrains du Portzic font l'objet de reventes juteuses. Après la construction
de villas modestes surnommées les petites
gares, celles-ci sont mises en location. L'argent récolté permet à
Armand Peugeot de contacter les architectes Chabal père et fils (protestants
eux-aussi) pour lancer des programmes immobiliers importants entre hôtels,
villas de villégiature
et de location.
Les Peugeot comptent sur leur carnet d'adresse et leur notoriété pour
transformer le Morgat port de pêche sardinier en station balnéaire avec
une idée précise, celle de ne pas se mélanger avec le peuple. Pour attirer
les princes, les capitaines d'industrie, les aristocrates, la société
immobilière stipule clairement dans ses textes une interdiction de commerce,
d'activité indigne du grand monde tel que la restauration, les écoles,
le sanatorium... dans le périmètre imparti. Gaston Chabal en fait les
frais avec son plan d'un casino à Morgat. Morgat ne sera pas Deauville,
la famille Peugeot s'y oppose.
La société change de nom à plusieurs reprises :
Société civile de la plage de Morgat en 1903 ;
Société anonyme de la plage de Morgat en 1913.
Suite à des rumeurs d'intérêts avec l'ennemi de la Société anonyme de
la Plage de Morgat, Armand Peugeot publie un communiqué en forme de droit
de réponse, communiqué qui permet de connaître précisément la situation
de la société au 5 novembre 1914.
"La Société anonyme de la Plage de Morgat appartient aux actionnaires
dont les noms suivent :
Armand Peugeot, industriel, officier de la Légion d'honneur, président
d'honneur de la Chambre syndicale des constructeurs français d'automobiles,
ancien vice-président du Conseil général du Doubs ;
Mme veuve Eugène Peugeot, à Hérimoncourt (Doubs). M. Eugène Peugeot, officier
de la Légion d'honneur, était de son vivant gérant de la Société des Fils
de Peugeot frères, et conseiller général du Doubs ;
Mme veuve Charles Lalance, à Montbéliard (Doubs). Feu M. Lalance était
maire de Montbéliard en 1870, chevalier de la Légion d'honneur, a été
emmené comme otage par les Allemands et emprisonné à Rastadt ;
Charles Breitling, substitut du procureur de la République à Saint-Quentin,
actuellement lieutenant au 24e régiment d'infanterie ; a été grièvement
blessé près de Reims, le 19 septembre. Il est maintenant en congé de convalescence
à Morgat. A été proposé pour la Légion d’honneur à cause de sa belle conduite
au feu.
Philippe Kreiss, ingénieur à Paris, lieutenant d'artillerie alpine, actuellement
dans les Vosges, a été cité à l'ordre du jour de sa division après plusieurs
combats auxquels il a pris part.
Adolphe Kreiss, ingénieur à Paris, administrateur directeur des Brasseries
de la Meuse, chevalier de la Légion d'honneur (père du précédent).
Alfred Fallot, chevalier de la Légion d'honneur, ancien gérant de la Société
les Fils de Peugeot frères à Valentigney (Doubs), demeurant à Lausanne
(Suisse). A un fils sous les drapeaux.
Adolphe Péchin, hôtelier à Morgat, né à Dampierre-les-Bois (Doubs) ; fait
partie de l'armée territoriale et accomplit, son service comme conducteur
d'automobiles.
Les administrateurs de la Société sont :
Mr A. Peugeot, président délégué ;
Mr Charles Breitling ;
Mr Ph. Kreiss ;
MR A. Fallot.
Le Grand Hôtel de la Mer a été construit sur les plans et sous la direction
de Mr G. Chabal, architecte à Brest. Les travaux ont été exécutés par
des entrepreneurs du pays dont les principaux sont : Mr A. Leroux, à Crozon,
et Mr Kéralun, à Quimper. Le conseil d'administration a confié la direction
de l'entreprise à Mr A. Péchin, né à Dampierre-les-Bois (Doubs), et à
Mme Péchin, son épouse, née Marguerite Seigneur, native de Beaucourt (territoire
de Belfort). Les statuts de la Société sont déposés chez Maître Kervern,
notaire à Crozon, à qui l'on peut s'adresser pour tous renseignements.
L'entreprise est donc essentiellement française, tant pour les capitaux
engagés dans l'affaire que pour la direction.
A. Peugeot."
Charles Breitling, gendre d'Armand Peugeot, prend les rênes de la société
et devient exigeant jusqu'à exercer des pressions sur la municipalité
de Crozon pour que Morgat soit détaché et bénéficie de l'eau courante,
de l'électricité et du téléphone de toute urgence. Le magistrat n'hésite
pas à demander l'annexion de Lostmarc'h
et tous les hameaux voisins, hors le Cap de la Chèvre militarisé et peu
apprécié alors. Un politicien local, propriétaire d'une villa, Antoine
Bott, s'en mêle et réclame le démantèlement de la commune en 1926... La
station balnéaire doit être un îlot de fortune qui s'amuse du pittoresque
des Morgatois pauvres comme Job. A contrario, des emplois de serviteurs,
de chauffeurs, de lavandières sont créés mais ces domestiques peinent
à parler français, le breton étant leur langue maternelle. L'essor économique
tant espéré n'est donc pas pleinement au rendez-vous d'autant que ce séparatisme
quartier pauvre, quartier riche est mal vu par la population. Une nouvelle
donne apparaît dans le jeu. La commune est dorénavant classée comme station
touristique, certes, ce n'est pas une station balnéaire réputée à l'international
mais ce nouveau statut octroie des taxes de séjour bien utiles aux finances
communales. La séparation de Morgat est définitivement enterrée au grand
soulagement de la municipalité qui avait perdu des terres en faveur de
Roscanvel et de Camaret dans d'autres affaires administratives guère plus
reluisantes.
Le lotissement est ensuite géré sur plan par un entre-soi sans jamais
atteindre la notoriété tant espérée. Les congés payés, la démocratisation
de la voiture...
La société anonyme de la plage de Morgat est dissoute en 1992. Une nouvelle
société anonyme est constituée le 10 juillet 1992 mais elle ne concerne
que le Grand Hôtel de la Mer ancienne propriété Peugeot.
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