Le navigateur :
Hervé de Portzmoguer naît (entre 1470 et 1478) dans une une famille bretonne
de petite noblesse ayant manoir en Léon à Plouarzel et dont la devise
est « War vor ha var zouar » « Sur terre et sur mer ». Il sert la duchesse
Anne de Bretagne au château des ducs de Nantes au titre de page. Il quitte
dès l'adolescence ses fonctions pour revenir vers Brest et embarquer en
tant que mousse. Intrépide, à peine nommé capitaine, il devient pirate
en attaquant des vaisseaux de commerce français alors que le duché de
Bretagne semble voué à une absorption certaine par le royaume de France.
Le 6 décembre 1491, Anne de Bretagne épouse Charles VIII roi de France
mais préserve une relative autonomie bretonne. Hervé de Portzmoguer poursuit
ses piratages mais étoffe ses actions à l'encontre des ennemis de la France
et devient par le fait corsaire. Sa réputation croît rapidement et les
témoins de ses exploits ou ceux qui se contentent d'en faire les louanges
usent d'un nom francisé « Primauguet » plutôt que Portzmoguer jugé imprononçable.
Le navire :
Les chantiers navals de Nicolas Coëtanlem en Dourduff-en-Mer (Morlaix)
ont pour tache de construire le plus grand vaisseau de guerre jamais construit
en Bretagne pour faire la guerre à la France, tel est l'ordre de 1487
de François II de Bretagne. 40 mètres de long, 12 mètres de large, soit
700 tonneaux. Le duc meurt et c'est sa fille Anne qui suit l'ouvrage avec
intérêt. Le choix du nom est symbolique, sont proposés : La Nef de Morlaix,
La Mareschalle, La Nef de la Royn. Anne de Bretagne impose Marie-La Cordelière,
nom inspiré de l’ordre de chevalerie de la Cordelière. 200 canons 14 bombardes
à roues pour pierres lourdes pour 700 à 1000 hommes d'équipage selon sa
configuration. A flot en 1498, ses premiers combats navals se feront en
Méditerranée entre 1501 et 1505 pour reprendre Mytilène aux Turcs (1504),
ceci au service de la France.
Quelques dates :
En 1503, Portzmoguer entre dans les archives de la marine en tant que
commandant d'une escorte de cinq navires d'une flotte de commerce de 16
navires destinée à rejoindre l'Espagne. L'ordre vient du roi de France
Louis XII, troisième époux de la duchesse de Bretagne qui espère ainsi
calmer les ardeurs du corsaire Breton qui confond souvent ses intérêts
avec ceux du royaume. Cette première mission officielle est largement
rétribuée par un pourcentage sur la valeur marchande de la cargaison protégée.
En 1505 (1508 pour certaines sources). Lors du pèlerinage de Saint Jean
du Doigt Anne de Bretagne visite « la Cordelière » à quai et propose le
commandement de la nef à Hervé de Portzmoguer en tant que capitaine sur
mer (titre militaire) et maître de caraque (titre de marine marchande).
Hervé de Portzmoguer cumule les deux titres afin d'asseoir son autorité
sur toutes les nefs qu'il serait amené à commander. Ce dernier, absent,
reçoit la nouvelle avec surprise et craint un traquenard d'autant plus
que sa loyauté envers Anne et surtout envers le roi de France est pour
le moins confuse. Il prend la mer en pure fuite. La reine Anne l'apprend
et entame des tractations par messages interposés pour ramener le corsaire
à terre. Il accepte enfin le commandement avec sans doute quelques garanties
de ne pas être indisposé par des réprimandes.
Plus tard, Portzmoguer attaque un navire écossais qu'il dépouille avec
ses marins. Acte de piraterie inqualifiable. L'affaire fait grand bruit
car l'Ecosse est une rare alliée de la France contre les alliés des Vénitiens
mené par la volonté papale. Les propriétaires du navire, Jehan et Robert
Abreton, ainsi que Georges Yvon, portent l'affaire en justice par ambassades
interposées dans un premier temps. Le procès s'éternise car les biens
piratés furent, comme à l'accoutumée, vite revendus et le préjudice resta
difficile à établir. Hervé Portzmoguer et son complice Jehan Estienne
sont condamnés à payer 385 livres, 13 sous et 4 deniers le 15 avril 1508.
Un procès en appel se déroule le 4 février 1509 à Lesneven qui conforte
la sentence. Après une révision appel au parlement de Bretagne le 4 avril
1509, les plaignants sont déboutés. Portzmoguer est utile à la politique
bretonne. On lui pardonne beaucoup. La duchesse de Bretagne et reine de
France a besoin d'hommes forts pour préserver une certaine autonomie décisionnelle
en Bretagne jusqu'à frapper monnaie alors que le territoire devient peu
à peu une province royale sans le dire ouvertement.
En 1510, le 23 février, il est poursuivi pour assassinat en duel de Jehan
de Keraret. Un mandement dirigé au premier huissier ou sergent requis
pour le procureur général Yvon Kerareec et Jehan Coetdelez de la chancelerie...
Une affaire dont les suites ne sont pas connues. Et pour cause, l'année
est faste pour Portzmoguer qui rase les côtes anglaises et dépouille avec
violence trente navires anglais. Le capitaine Conhort, qui commande le
Nicolas de Hamptoncourt, navire anglais victime du pirate, en compagnie
de l’Ambassadeur d’Angleterre se plaint auprès du roi de France qui probablement
dût ricaner en toute diplomatie sachant que les navires anglais harcèlent
les côtes françaises.
Une marine anglaise qui se sent humiliée par un nobliau de campagne, ce
qui ne manque pas d'agacer Henri VIII roi d'Angleterre. En avril 1512,
le monarque désigne un tout nouveau amiral de la flotte, Edward Howard,
fils du comte de Surrey. Le noble est le porte étendard du roi pour son
panache lors des joutes royales. Un parcours militaire exemplaire au service
de son roi et des intérêts de la famille qui portera le titre de duc Norfolk...
Tout l'inverse de Portzmoguer. Officiellement, le nouveau commandant de
la flotte britannique doit avec 18 navires organiser le blocus de la Manche
jusqu'à la Tamise. L'amiral arraisonne tout ce qui flotte en Manche au
prétexte que les navires transportent des cargaisons françaises. Puis
il convoie un corps expéditionnaire vers la Guyenne (région bordelaise)
pour venir en aide au comte de Dorset qui tente de reprendre cette région
retombée aux mains des Français.
La flotte anglaise, après cette mission, se regroupe au nez de la Bretagne.
Une opération d'envergure est planifiée pour instaurer un blocus du port
de Brest mais pas seulement... Une première attaque est menée à l'encontre
du fort de Bertheaume qui tombe. Puis une autre au Conquet, à la Pointe
St Mathieu et tout particulièrement sur le Manoir de la famille Portzmoguer
le 23 mai. Une famille qui en réchappe de justesse et se réfugie au manoir
de Kermarc’har. Le 1er juin, l'amiral débarque en presqu'île de Crozon
et se lance dans un pillage barbare indigne d'une armée régulière... Tout
est brûlé et tout est passé par l'épée. Panique générale, les nobles locaux
demandent une trêve de 6 jours pour qu'une guerre loyale soit organisée.
Une fois que l'amiral a pris les positions nécessaires à sa victoire il
accepte. Les nobles réunissent des troupes avec peine et font appel à
la milice – civils requis pour faire face à l'ennemi en attendant l'armée
française. Cette milice est habituée à contrarier les petits raids anglais
mais n'a aucune formation pour le combat en ligne contre 2500 militaires
de carrière. Les retranchements anglais sont imprenables, il est décidé
d'attendre que les troupes anglaises se retirent privées de nourriture
et de renforts et de les attaquer sur les chemins menant à leurs chaloupes
de rembarquement. La déroute est complète malgré le surnombre français
(10000 - nombre qui paraît élevé), il n'y a pas de combats véritablement,
les miliciens dont certains membres de leurs familles sont déjà morts,
pratiquent la dérobade légitime. Les Anglais repartent à leur aise sans
réel butin, la presqu'île est pauvre.
L'escadre anglaise remonte vers l'île de Wight.
Les combats de St Mathieu
L'amiral Howard revient devant le goulet de Brest le 10 août 1512 pendant
que la ville fête l'alliance de la Bretagne avec la France le jour de
la Saint Laurent.
Portmoguer est à bord de la « Cordelière » au port avec 22 navires de
la flotte normande du roi de France et la flotte bretonne. Il festoie
avec des amis et invite ceux-ci à participer à une bataille navale sur
le champ. Quelques nefs françaises et bretonnes suivent leur chef mais
l'enthousiasme va vite se noyer dans la crainte. Les navires anglais sont
au nombre de 25, plus lourds, plus armés. La « Cordelière » se retrouve
avec la « Louise » et la « Nef de Dieppe » dans le vestibule du Goulet.
La flotte brittofrançaise se disperse au large sans combattre. Quoiqu'il
en soit Porztmoguer parvient à démâter le « Sovereign » qui s'immobilise,
puis la « Mary James » n'est plus en état d'engager. « La Louise » est
démâtée par le vaisseau amiral anglais la « Mary Rose », perd 300 marins
et parvient à quitter la zone. La « Nef de Dieppe » commandée par Rigault
de Berquetot reste engagée 7 heures jusqu'au terme de la bataille sans
répit aucun. Le « Regent », vaisseau anglais des plus imposants se confronte
à la « Cordelière » à partir de 13 heures. Ce duel d'artillerie de marine
est devenu légendaire. Le « Regent » est démâté, la « Cordelière » a les
voiles en feu à 15 heures. Le « Regent » de 1000 tonneaux s'approche néanmoins
et ordre est donné de lancer les grappins sur la « Cordelière » de 700
tonneaux. L'abordage est sanglant. Les 400 Anglais prennent l'avantage.
Dès lors l'histoire raconte deux versions :
• L'incendie de la Cordelière se communique à la Ste Barbe
– la réserve de poudre du navire et provoque une immense explosion qui
coule les deux navires conjointement. Selon les sources de 700 à 2000
hommes meurent dans l'explosion. Thomas Knyvet, commandant du « Regent
», beau-frère de l'Amiral Howard et Sir John Carew, commandant en second
ainsi qu'Hervé sieur de Portzmoguer périssent en même temps.
• Portzmoguer voyant la défaite annonce à ses invités, les
épouses, les galantes et son équipage : « Nous allons fêter Saint Laurent
qui périt par le feu ! » puis allume lui-même la réserve de poudre. Les
textes anglais relatent l'épisode et y ajoutent la perte des enfants des
invités civils pendant qu'un bon nombre d'officiers Français de la flotte
faisaient la fête à terre.
L'explosion aurait fait des dégâts importants sur les vaisseaux de proximité
en en diminuant les capacités de tir et de navigation. L'amiral Howard,
en retrait sur la « Mary Rose », donne l'ordre de rompre. Howard poursuit
au large et, au cours des jours suivants, brûle vingt-sept petits navires,
en capture cinq autres et fait 300 prisonniers Bretons. Sur le chemin
du retour en Angleterre, il attaque plusieurs ports le long de la côte
française, capturant ou brûlant encore plus de navires. L'amiral avait
fait le vœu de ne pas se présenter devant son roi sans avoir vengé Sir
Thomas Knyvet, commandant du « Regent ».
Le 15 août 1512, l'amiral reçoit la rétribution d'une rente de 100 £ et
la réversion de la charge de Lord High Amiral d'Angleterre, d'Irlande
et d'Aquitaine détenu par le Comte d'Oxford, tout ceci de la part d'Henri
VIII en pleine gratitude. La gloire de l'amiral est faite à son retour
en Angleterre.
Côté français, Portzmoguer est le héros qui a sauvé Brest. La victoire
est française car des navires français subsistaient prêts à faire feu...
Le 25 avril 1513, à bord d'une barge d'abordage, lors d'un combat contre
les Français, le célèbre amiral Anglais tombe à l'eau et se noie sous
le poids de son armure.
Version française :
Trois jours plus tard le corps est retrouvé. Les Français font parvenir
le sifflet d'argent insigne de lord amiral à la reine Anne de Bretagne
et l'armure à sa fille Claude. L'amiral venait d'être promu à l'Ordre
de la jarretière. Insigne honneur contesté par certains historiens.
Version anglaise :
Le corps d'Howard est retrouvé sur une plage et identifié par le sifflet
autour du cou mais le corps n'aurait pas été rapatrié en Angleterre. Cependant,
des écrits anglais majoritaires affirment que l'amiral, avant de tomber
à l'eau, enleva son sifflet et le jeta à la mer pour éviter qu'il ne tombe
en des mains françaises.
Hervé Sieur de Portzmoguer épouse en première noce
Jehanne de Coatmanac’h puis en seconde noce Françoise de Kergoulouarn.
Il y aurait eu une descendance dont le dernier représentant du nom s'éteint
à Saint Pol de Léon en 1833.
Les épaves du « Regent » et de « La Cordelière » sont recherchées désormais
non plus aux abords de la Pointe de Saint Michel mais au Nord de la pointe
du Grand Gouin en Camaret-sur-Mer.
La marine Française honore Primauguet
en donnant ce nom à un navire de guerre.
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