Le soleil brille sur quelques tuiles en céramique provenant de l'usine familiale marseillaise. Pierre Paul Roux (1861-1940) était né dans une famille industrielle céramiste.
Le poète St Pol Roux vient régulièrement à Camaret-sur-Mer
à l'hôtel se ressourcer. Puis il vit avec sa famille en location à Roscanvel
(1898) dans la chaumière de Divine. Sans doute amoureux de la région,
déçu de son manque de reconnaissance parisien, sans fortune, il décide
de se faire construire une villa (1904) aux allures de château. Ainsi
en janvier 1903, le poète achète la chaumière de "Penc’ha" aux
frères Paul, achat complété par l'acquisition d'un terrain, pour la somme
de 800 frs. Les plans sont de l'architecte Philippe qui a dessiné quelques
villas à Morgat avant que Gaston Chabal n'entre en scène.
La première construction s'élève en 1904 et déjà en 1905, le poète souhaite
adjoindre quatre tourelles d'angle qui modifient nettement l'allure générale
du bâti. Les hauteurs envisagées sont gênantes pour les sémaphoristes
des alentours (Sémaphores du Toulinguet et de Penhir). La municipalité
impose plus de mesures au projet envisagé. Le poète Marseillais s'y conforme.
Les transmissions militaires sont prioritaires.
Le manoir s'appelle dans un premier temps le Manoir du Boultous (le poisson :
la lotte) d'après l'œuvre "Pêcheurs de sardines" du poète.
A la mort de son fils aîné lors de la première guerre mondiale, le poète
très affecté change le nom de sa demeure selon l'un des prénoms du défunt :
Coécilian. Le manoir de Coécilian n'a pas fini de connaître des drames
des guerres successives.
Le décorateur de théâtre (Antoine), Borely, aménage les intérieurs du
manoir dont les styles sont variés : romain, Louis XVI, tout est un peu
forcé. Victor Ségalen, médecin, poète, voyageur, offre deux panneaux de
la "Maison du Jouir" de Paul Gauguin à Paul-Pierre Roux (Saint
Pol Roux) qu'il conservera jusqu'en 1916. Bas-reliefs en panneaux de séquoia
polychromes présentés à l'entrée de la maison du peintre aux îles Marquises
en 1902 quelques temps avant de mourir, ceux-ci sont désormais au musée
d'Orsay.
Lors de la seconde guerre mondiale, un soldat Allemand ivre fait irruption
dans le manoir agresse et tue la bonne Rose Bruteller puis poursuit sa
folie à l'égard de Divine, la fille du poète... Le meurtrier et violeur
est condamné à mort et exécuté par les autorités allemandes.
Le Manoir du Boultous ou Coecilian de Saint Pol Roux est occupé par l'armée
allemande dès la fin 1940. L'état major de Marine-Flak-Abteilung 804 l'occupe
pour le commandement. Le PC de combat de la 804 est à Lanvéoc et est commandé
par le Kapitänleutnant puis Korvettenkapitän MA der Reserve Hartwig Grabenhorst
jusqu'en avril 1944. Le Korvettenkapitän MA der Reserve Alfred Wind prendra
la suite jusqu'à la débâcle de septembre 1944. Grabenhorst est un soldat
de la première guerre mondiale (17 ans en 1914) et en portait la croix.
La Ma.Fl.A.804 est une unité de la Kriegsmarine (marine allemande) qui
se consacre à la défense antiaérienne des côtes. Cet état major commande
7 batteries sur la Presqu'île de Crozon. Batteries 1 et 6/804 Pointe des
Espagnols. 2/804 Quélern. 3/804 Rigonou puis transférée à l'île Longue.
4 et 5/804 Roscanvel. La batterie 7 était une batterie d'instruction.
L'armée allemande a installé deux canons de 95mm français aux portes du
manoir. Le manoir est bombardé à la fin de la guerre et ce sont les ruines
qui se souviennent désormais du passage du poète à Camaret-sur-Mer.
Un bombardement aérien détruit le manoir.
Après guerre, Divine Roux cède le bien à la commune de Camaret-sur-Mer
dans l'espoir qu'un musée soit ouvert... Lieu de mémoire culturel où André
Breton, Max Jacob, Jean Moulin y passèrent entre autres...
Durant sa vie camarétoise le poète fut de tous les évènements locaux,
il rédigea, par exemple, l'oraison funèbre de la veuve Dorso, versifia
sur la commémoration anglaise de la bataille de Trez Rouz... Il fit connaître
le théâtre aux Camarétois et déboursa bien de l'argent lors des famines
pour aider les pêcheurs à survivre. Sans oublier sa participation à la
réhausse des menhirs de Lagatjar et aux travaux de rénovation de la chapelle
Rocamadour...
Saint-Pol-Roux rencontre Amélie Bélorgey en 1891 à Paris.
Il annonce par pneumatique son mariage avec « la mère de mes gosses ».
Il fait savoir aux poètes en amitié la date et le lieu de la cérémonie
: 5 février 1903 à 11 heures à la mairie du XIème arrondissement. Quelques
invités : Régnier, Pilon, Degran, Paul Fort, Merrill, Kahn, Moréas. Les
témoins : Mendès, Mirbeau, Antoine. En 1903, c'est la construction du
manoir du Boultous alors que le couple a quitté Paris en 1898 pour faire
des économies. Au cours de la guerre (1914), il perd un fils, Coecilian,
et vit pratiquement sans revenus. Son épouse est malade et décède en 1923.
En 1920, il tente de quitter Camaret en mettant en vente sa chère demeure
irrévocable mais aucun acheteur se laisse tenter. La vente avait été organisée
en catimini. La mise aux enchères de ses meubles et objets à Drouot constitue
une dernière possibilité. Certains intellectuels pensant être utiles firent
la promotion de la vente : « Si nous le faisons, c’est dans l’espoir de
venir ainsi en aide à un grand poète qui est aussi un grand honnête homme
(…). Il est triste qu’un artiste aussi élevé soit obligé de se dépouiller
ainsi des choses les plus indispensables à l’existence, pour ne pas mourir
de misère ». Jean Dorsenne, journaliste, poète, romancier reconnu, transmettait
les mots d'une errance artistique. L'hôtel Drouot, fin décembre, ne fit
pas le plein malgré trois articles dont deux rédigés par Saint-Pol-Roux
lui-même qui furent diffusés par Jean Royère poète, essayiste, préfacier,
ancien directeur de la revue littéraire la Phallange. Le symbolisme de
Saint-Pol-Roux n'était plus lu que par quelques élites et si à Camaret-sur-Mer,
le poète écrivait des lignes à chaque cérémonie officielle locale, sa
renommée n'était déjà plus. En l'absence de rentrée d'argent, le poète
resta à Camaret jusqu'à ce que la seconde guerre mondiale apporte le malheur.
Les Camarétois se souvinrent qu'ils furent aidés financièrement par le
poète durant la crise sardinière, alors on se côtisa pour subvenir aux
nécessités du maître parfois. Un maître qui bien souvent n'avait pas les
moyens de chauffer son manoir. Il y eut aussi des circonstances favorables
chèrement payées. St pol Roux écrivit le livret d'un opéra de Charpentier.
Ce dernier rémunéra le travail à hauteur de 5000 frs or à la condition
que le poète restât dans l'anonymat... St Pol Roux accepta.
La Société des amis de Saint-Pol Roux se démène pour
que soient préservées les ruines en l'état, ce qui sans travaux est impensable
tant le site est exposé aux intempéries et la structure mal-en-point malgré
les travaux déjà effectués par le passé.
Une pétition en janvier 2019 de la société créée en 2009 est diffusée
pour une prise de conscience patrimoniale. François Sénéchal, maire de
Camaret, répond : «La commune n’a pas les moyens financiers ni l’intention
d’intervenir dans ce dossier. La SASPR est libre de proposer un financement
participatif qui permettrait d’effectuer ces travaux de consolidation».
Un désintérêt communal qui surprend certains au vu des subventions et
budgétisations obtenues pour des travaux d'une toute autre ampleur - le
corps de garde - le quai Kléber...
Chaque jour, on vient voir la mer, regarder les couchers de soleil, apprécier
l'atmosphère unique du lieu... On vient du quartier promener son chien
et de toute l'Europe... En janvier 2019, à l'heure du refus, un groupe
de jeunes Coréennes du Sud s'extasiaient devant le Rocher du Lion, la
pointe du Toulinguet et parlaient dans un français impressionnant de l'œuvre
de Saint-Pol-Roux... Le manoir de Saint-Pol-Roux n'est pas qu'un tas de
pierres branlantes mais une rime au respect du patrimoine immatériel mondial.
Le dévouement d'antan du poète oublié n'est donc pas récompensé par le
moindre effet de mémoire matérielle...
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