Crozon Morgat Camaret Roscanvel Landévennec Telgruc Argol Lanvéoc

Saint Norgard

Au loin, la Pointe de St Mathieu et la Pointe de Pen Hir.

Vestige d'un ancien muret du 19ème siècle en limite obligatoire de parcelle.

Comment expliquer le toponyme religieux – hagiotoponyme – d'un hameau caché dans la lande du cap de la Chèvre en presqu'île de Crozon ?

Saint Norgard ? Ce saint breton oublié n'a pas trouvé audience dans la latinisation, puis la francisation des saints bretons ordonnées par l'église de Rome au cours du Moyen-âge et ensuite. Cela s'était pourtant produit pour Saint Sulien (6ème siècle) « convertit » au final en Saint Julien. Des historiens avancent que Norgard devait s'écrire aux premières origines Orgard / Orgar / Ourgard / Ourgar. Le N serait un ajout postérieur qui faciliterait la prononciation. Aucune explication certaine à ce N. Dans certains écrits anciens le d est absent.

La carte de Cassini du 18ème siècle note St Norgard, hameau sans chapelle tandis que le hameau de Saint Hernot proche, est associé à sa chapelle toujours existante aujourd'hui.

Un peu plus au Nord se situe le hameau de Montourgard dont la racine semble proche de Saint Ourgard. Dans le livre « Presqu'île de Crozon » de Louis Calvez, on y découvre quelques hypothèses. Mont serait une dérivation linguistique de Moustier dont le sens est « petit monastère » à partir du 10 ème siècle. Partant de là, il y aurait eu une petite communauté religieuse en dévotion pour Saint Ourgard dans le voisinage. Une sorte d'abbaye « manquée ». D'autres supposés « moustiers » sont évoqués en presqu'île. Cela tendrait à dire qu'avant l'avènement et la suprématie de l'abbaye de Landévennec, des communautés ont tenté de s'implanter sans succès ou du moins sans pérennité.

A Saint Norgard, il n'y a aucun signe apparent d'une chapelle ou d'un quelconque édifice religieux mais cela n'exclut pas la possibilité qu'il y en eut avant l'élévation de la chapelle de St Hernot en des siècles antérieurs au 15ème. La dissémination des édifices religieux s'est faite en plusieurs vagues successives. Si la tradition veut que les premiers ermites bretons, souvent venus de la Bretagne (Grande-Bretagne), vécurent chichement dans des abris de fortune lors de la christianisation de la presqu'île de Crozon, les premiers lieux de prières en pierres furent élevés dans les premiers siècles après Jésus-Christ et furent ruinés par le temps avant qu'une autre génération de bâtis reprenne le flambeau à partir du 15ème et 16ème siècle, époque où les archives religieuses conservées jusqu'ici puissent donner des renseignements précis sur l'évolution du patrimoine religieux en presqu'île. Il est donc possible que les sites de Norgard furent un lieu privilégié de religion, une trêve paroissiale effacée par les siècles et ayant resurgi sous l'égide d'un autre saint en l’occurrence Hernot, Norgard ayant eu un rayonnement insuffisant ou contradictoire avec les autorités religieuses du Moyen-Age.

Dorénavant, Saint Norgard est un hameau aux allures d'autrefois qui reflète ce que fut la vie en Arabie Pétrée... Il suffirait de quelques toitures en chaume pour replonger dans le passé traditionnel breton. Un hameau agricole tout d'abord qui mute vers la pêche au cours du 19ème siècle. La lande rocailleuse est une plaie à cultiver, un peu de lin, un peu de chanvre, l'élevage est coûteux tandis que la rumeur enfle à propos de la pêche... On entend dire que l'on peut vivre de la langouste, du thon après des décennies de sardines. Certains jeunes tentent leur chance... Rares seront ceux qui ne seront pas déçus... Signe de progression sociale tout de même, l'ardoise apparaît sur les toits en remplacement du chaume fin 19ème siècle quand 3 familles en moyenne vivent à St Norgard.