Voici une mécanique agricole (expression commerciale de
l'époque) complètement oubliée qui est le reflet des grandes difficultés
à nourrir le bétail en Presqu'île de Crozon ceci durant des siècles. L'appareil
s'appelle en langue bretonne « pil al lann », en français et selon les
cantons il était nommé broyeuse à lande, broyeuse à ajonc, à jonc mais
aussi hache lande, hachoir à paille...
Depuis des lustres, les paysans manquent de fourrage pour les bêtes surtout
à l'entrée de l'hiver. Les rares pâturages sont gorgés d'eau par la pluie
et parfois il pousse plus de jonc que d'herbe. Les fermes qui sont dans
les landes, proche de la côte, ont davantage encore de difficultés à se
fournir en fourrage alors il faut écumer la lande et ramasser la végétation
susceptible d'être consommée par la vache de la famille. L'ajonc
pousse à profusion mais l'arbuste est un épineux. Par le passé, l'ajonc
était pilé « maladroitement » pour en amoindrir les piquants : une sorte
de nourriture pré-mâchée. Des meules à ajonc furent construites pour les
exploitations les plus favorisées.
Le hache lande fut une invention révolutionnaire du 19ème siècle pour
les paysans qui purent se l'offrir, il permit de mouliner des végétaux
destinés à être mélangés au foin. Les végétaux étaient présentés devant
la mécanique et happés par les cylindres tranchants qui les émiettaient
sous l'action de leurs rotations conduites par la manivelle. Un système
de contrepoids appliqué au cylindre inférieur absorbait les différences
d'épaisseur des brassées.
Une multitude d'ateliers de mécaniques agricoles s'ouvrirent à cette époque,
ce furent les premiers pas de la mécanisation de l'agriculture jusqu'à
ce que l'invention du moteur à explosion ne devienne la base de cette
nouvelle industrie, dès lors on parlait de machine agricole.
Une autre broyeuse au Cap de la Chèvre.
Vestiges à Lostmarc'h d'une broyeuse Texier. MM. Texier père et fils, ingénieurs-mécaniciens à Vitré.
Broyeuse d'ajonc : une des spécialités qui avait fait la réputation des usines Tanvez de Guingamp qui furent en activité entre 1856 et 1966 et qui avait compté jusqu'à 1500 ouvriers. De l'atelier familial local à l'industrie, il fallut l'invention d'Emile Tanvez : le pressoir moderne de 1908. Usine des trois-huit et des conditions de travail difficiles. Cuisinières, chauffages, arracheuses de pomme de terre et même grenades en 1940...
Parmi les entreprises de machines agricoles, il en est une qui eut un rayonnement au delà de la région bretonne. Alexis Savary (1851-1899) étudie à l'Ecole des Arts et Métiers d'Angers et reprend la boutique de serrurerie de son père décédé en 1869. A 21 ans, il se lance dans l'outillage agricole à Quimperlé sa ville natale. En 1873, il participe au concours agricole de Saint-Brieuc durant lequel ses machines sont repérées et jugées fiables et économiques. L'ingénieur n'a de cesse de faire face à la concurrence grâce à des expositions et des médailles qu'ils récoltent. En 1875, il passe au stade de l'usine toujours à Quimperlé. Les machines agricoles ont des ventes incessantes grâce à la modernité des appareils nouveaux utiles à une agriculture en pleine révolution technologique. Malgré tout Savary continue à produire des broyeuses d'ajonc - haches-lande - sachant que bien des agriculteurs n'ont pas les moyens de cette modernité. Il poursuit ses participations à des concours (Chili 1876). 1878 : Alexis Savary est décoré de la Légion d'Honneur lors de l'Exposition Universelle de Paris et ainsi de suite... L'industriel fait appel à la fonderie Thault de Rennes et rapatrie les pièces à Quimperlé par le chemin de fer, c'est lent et coûteux. Il parvient à débauché le représentant Thault, Louis Rivière pour construire une fonderie à Quimperlé en 1898 ce qui apporte une nouvelle compétitivité car les ateliers agricoles se multiplient et le marché se tasse. Il est contraint de se diversifier vers le mobilier scolaire et de matériel ferroviaire alors que ses machine sont vendues en Algérie... L'inventeur infatigable est aussi un homme politique maire de Quimperlé (1886 - 1899) et sénateur de la Gauche républicaine (1894 - 1899). "Il est également membre de la Chambre de commerce de Quimper. Avec quelques-uns de ses pairs, ingénieurs et industriels nommés par le ministre du Commerce, il fait partie d'un groupe d'études créé pour l'organisation de l'enseignement technique en France" (Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Jean Jolly) . Il décède à 48 ans et c'est son associé Rivière qui va faire vivre l'entreprise avec succès en poursuivant les présentations dans les concours et récolter d'autres médailles. En 1912, les deux entités fonderie et usine n'en font plus qu'une et la marque s'écrit Savary-Rivière. Progressivement, l'entreprise devient dépositaire d'un matériel agricole mécanisé type tracteur Ferguson, puis c'est la fin des machines agricoles sommaires, en dehors du grand succès de l'entrepreneur : les pressoirs à pommes qui tiendront jusqu'à la seconde guerre mondiale. La fonderie Rivière survivra seule jusqu'en 1993.
Broyeur d'ajonc Stephan.
Hache lande Le Rest - mécanicien - Pouldreuzic.
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