Aujourdhui, le "pont" subsiste et la salle de garde est sous la végétation.
La porte et les terres en fond constituaient les biens du village de Kerduellet-Trémet dont il ne reste rien suite au chantier des lignes de Quélern.
48° 17' 44.7" N
4° 33' 48.8" O
La Porte de Camaret des lignes de Quélern, dite Porte
Haute, a été la cible, selon certaines sources, de tirs d'obus de canon
de 203mm* au nombre de 296 coups tirés, 54 obus portés au but dans la
nuit du 18 septembre 1944, date à laquelle l'armée américaine "attend"
aux portes de Quélern pour enfin envahir la zone militarisée de Roscanvel
et la Pointe des Espagnols, dernier refuge de l'armée allemande acculée.
Après les tirs, il s'est engagé un combat d'infanterie sur place durant
une heure environ avant que les soldats germaniques ne se rendent. Dans
les premiers jours du conflit, la circulation est libre, puis des horaires
toujours plus réduits sont appliqués, jusqu'à l'interdiction pure et simple
hors autorisations spéciales délivrées par la komandantur de Châteaulin.
Durant la guerre enfin, l'armée d'occupation a muré la porte empêchant
toute circulation.
*Des obus de 123 kg à 134 kg selon les versions. Le canon fait environ
dix mètres de long. Pas de précision, s'agit-il de tir de navires au large
? Le 203mm a surtout été un canon embarqué.
Salle de garde avec sa cheminée.
Fossé/douve.
Le fossé et ce pont qui est en réalité constitué de3 salles voûtées. Sous la barre végétalisée de gauche se cache les fortifcations.
Les 3 salles du pont.
Les portes du pont.
Accès aux douves à la porte de Camaret avec une salle et son créneau de tir.
Le fossé des lignes de Quélern.
A peine arrivés, l'armée allemande constate que la Porte de Crozon, dite Porte Basse, des lignes de Quélern ne permet pas la circulation de gros engins de terrassement, de gros camions alors que la pointe des Espagnols et la côte sont un vaste chantier de construction des défenses allemandes qui se superposent aux défenses françaises. Ordre est donné aux municipalités de mettre tout en œuvre dès septembre 1940 pour démonter les voûtes, le pont-levis... Des ouvriers, avec des burins, démonteront pierre par pierre l'édifice symbole de Roscanvel. Les murs sont hourdis à la chaux tellement adhésive qu'elle rend le travail fastidieux.
Derrière le panneau de limitation de vitesse le vestige de la porte de Quélern avec son pied de voûte subsistant. La largeur du passage d'origine correspond à la voie de droite de la chaussée actuelle. Au-delà de l'arche, le pont levis et la dernière porte close chaque soir .
Les lignes de Quélern, côté porte de Crozon, tombant dans la rade avec Roscanvel en second plan et Brest en fond.
La photo ci-dessus date d'avant 1940. Le passage trop étroit pour les camions allemands de l'occupation 1940-1944 ont nécessité une déconstruction des voûtes et un élargissement de la voie. Travaux effectués par des ouvriers français réquisitionnés.
48° 17' 51.3" N
4° 33' 19" O
Des retranchements sont essentiellement des fossés et des élévations de terre avec peu ou pas d'ouvrages maçonnés.
Reprise du premier plan connu des retranchements de Quélern dessiné par Vauban lui-même. Celui-ci comporte une spécificité, l'alignement des redoutes qui ne permet pas une défense concentrée de l'artillerie sur un point donné. Ce plan daté du 3 mars 1689 ne sera pas appliqué.
L'intérieur des lignes de Quélern et la plate-forme des anciennes constructions : chapelle, casernement, etc.
Ce mur repris à une période récente est construit sur la zone des anciens bâtiments de l'armée à l'époque où les lignes de Quélern ressemblait à un hameau.
Local technique "moderne" : Téléphonie ? Electricité ?
A droite de la position B, le mur Sud du fort bastionné de Vauban qui ne sera jamais achevé. L'actuel fort est à l'Ouest de cette position soit en haut droit du plan ci-dessus.
Ouest.
Centre.
Est.
Plan d'ensemble : retranchements de Quélern de Vauban.
Antoine-René de Voyer, marquis de Paulmy d’Argenson (1722-1787), secrétaire d'état de la guerre, demande au cartographe Amédée François Frezier (1682-1773), officier du Génie, directeur des fortifications de Bretagne, importateur de 5 plants de fraisier du Chili, d'établir des plans des fortifications de la région de Brest dont les lignes de Quellerne de Vauban pour apprécier les capacités défensives de la place de Brest. Plans daté du 31 juillet 1754. La porte dite de Crozon se trouve au centre des lignes. Dans la seconde version de l'ouvrage, cette porte sera sur la route du littoral Est, comme elle l'est encore aujourd'hui bien que méconnaissable car en partie déconstruite.
a1 & a2 - Porte de Camaret.
b1 - Porte de Crozon.
c - Anciens retranchements de Vauban.
d - Fort de Vauban mur Sud.
e - Batterie gauche. 3 canons 12 livres.
f - Batterie droite. 9 canons 36 livres.
g - Demi-lune. 12 canons 12 & 16 livres.
h - Réduit. 6 canons 12 livres.
i - Estacade.
j - Redan. 2 canons de 12 livres.
k - Bastion. 6 mortiers 12 pouces.
l - Orillon. 10 canons 8 & 16 livres.
m - Bastion. 4 canons 12 livres.
1 & 2 - Quartiers officiers.
3 - Magasin d'artillerie.
4 - Quartier des officiers du génie.
5 - Magasin des vivres.
6 - Chapelle St Louis / Magasin des poudres.
7 - Casernement.
16 pièces d'artillerie sont sans affectation, en réserve, pour servir
selon la nature de l'attaque ennemie. 6 canons 8 livres. 4 canons 4 livres.
6 obusiers.
Travaux été 1777 – printemps 1784
Chef / Responsable de chantier :
Capitaine du Génie Joseph-Antoine de Souhalat, baron de Fontalard et de
Turpin.
Adjoints :
Capitaine du Génie Jean-François de Souhalat.
Capitaine du Génie Jacques-Louis Le Roy, seigneur des Bordes.
Lieutenant du Génie François-Joseph Chaussegros, seigneur de Léry.
Lieutenant du Génie Aubert de Montovillier.
Plusieurs régiments, essentiellement de la place de Brest, fournissent
la main d’œuvre. La place de Brest est un port qui permet l'envoi des
troupes françaises partout dans le monde. A l'époque, la principale partance
est la future Amérique au prise avec sa guerre d'indépendance envers le
royaume britannique.
Régiment d'infanterie d'Aunis. Créé en 1621. Renommé régiment d'Aunis
le 10 décembre 1762. Commandé par : Jean-Baptiste, comte du Lau d'Allemans,
3 janvier 1770; Antoine Louis, marquis d'Apchon, 13 avril 1780. Présent
à Brest en octobre 1782 jusqu'à la fin des travaux avant de rejoindre
St Omer...
Régiment d'infanterie de Bassigny. Créé en 1621. Renommé le 25 mars 1776.
Commandé par : Alexandre François Marie Le Filleul, comte de La Chapelle
14 mai 1776 ; Jacques Louis Drummond, duc de Melfort 1er janvier 1784.Régiment
présent à Landerneau en 1779 puis en garnison à Brest en 1780. Le régiment
est un dédoublement du Régiment d'Aunis.
Régiment d'infanterie de Béarn. Créé en 1576. Renommé en 1762 régiment
du Béarn. Commandé par : Anne Louis de Quengo, marquis de Crénolle 30
novembre 1764 ; Louis François Jules Jeannot, marquis de Bartillat 13
avril 1780. En temps de paix, se trouve à Metz. Présent à Brest à partir
de novembre 1781 jusqu'à la fin des travaux.
Régiment d'infanterie de Bresse. Créé le 26 avril 1775. Commandé par :
Léon-Eugène, comte de Maulde 26 avril 1775 ; Alexandre-Guillaume de Gallard
de Béarn, comte de Brassac 7 août 1778. Comme tous les régiments d'infanterie
de l'époque, le régiment de Bresse se déplace en marche forcée depuis
sa garnison vers Quélern. Départ de Saint Omer le 18 février 1777. Arrivée
à Quélern le 24 mars suivant. Employé sur le chantier sur le champ. A
titre d'exemple : le régiment a 110 blessés et un mort en 1778.
Régiment d'infanterie de Conti. Créé en 1684, renommé régiment de Conti
le 12 septembre 1776. Commandé par : Louis-François-Joseph de Bourbon-Conti,
comte de la Marche 26 avril 1775. La garnison est à Brest en temps de
paix. Versé à Béthune et Lille en octobre 1777, il a donc peu participé
aux travaux de Quélern.
Régiment d'infanterie de Foix. Création 13 septembre 1684. Commandé par
Alexis Benjamin François Poute de Nieul 3 janvier 1770. Le régiment cantonne
à Brest avant son départ pour la campagne de Grenade en 1779, puis une
participation à une bataille navale contre la marine anglaise...
Régiment d'infanterie de Médoc. Régiment créé sous sa première forme en
1673. Nommé régiment du Médoc le 22 mai 1691. Commandé à la période des
travaux par : Denis Jean, marquis de Mauroy 17 mai 1773 ; Albert Paul
de Mesmes, comte d’Avaux 13 avril 1780. Le régiment a pour spécialité
la défense des ports, régiment de forteresse.
Régiment d'infanterie de Neustrie constitué le 18 avril 1776. Commandé
par : Jacques Antoine Hippolyte de Guibert, dit le chevalier de Guibert.
Le régiment est envoyé aux Amériques et quitte Brest le 30 octobre 1780
avant la fin des travaux.
Régiment irlandais d'infanterie de Walsh créé en 1697, refondu plusieurs
fois, reprend son nom de régiment de Walsh le 25 mars 1776. Commandé par
: Antoine Joseph Philippe, comte Walsh de Serrant 11 avril 1770. Le régiment
fait campagne aux Antilles contre les Anglais en 1778 avant de partir
aux Amériques.
L'armée fait appel à des civils pour des travaux nécessitant des compétences
spécifiques. De nombreuses familles d'artisans viennent vivre en presqu'île
de Crozon pendant la durée des travaux. Menuisiers, charpentiers, forgerons...
occupent des logements en location. Le responsable des civils se nomme
Guillaume-François Jaouen. Cet homme veille à l'approvisionnement des
matériaux et des matériels, pour cela, il est rétribué à hauteur de 900
livres par an. A l'issue des travaux, il est nommé gardien des lignes
de Quélern pour 500 livres de gages annuels.
Les soins sont portés aux nombreux soldats blessés à Camaret où un médecin-chef
est en service. Les plus gravement touchés sont expatriés à Brest, voire
à l'Hôtel des Invalides à Paris. Parmi les blessures les plus fréquentes,
les brûlures des mains par la chaux sont récurrentes. Une chaux produite
à Lanvéoc dans le four à chaux du sieur du Jar de Clesmeur dans un premier
temps mais qui ne possède pas les qualités siccatives requises pour les
mortiers et qui est remplacée par une production brestoise.
La moyenne du nombre des personnels du chantier durant les sessions est
de 350 militaires et 120 civils. Il arrive parfois que la nourriture manque,
surtout les légumes. Des livraisons de riz compensent ces manques dans
les rations. Les militaires qui travaillent les pieds nus dans la mer
en hiver pour réussir l'élévation de l'orillon Est, reçoivent une ration
d'eau de vie... Le pain est une denrée incertaine malgré la construction
de plusieurs fours dédiés dont l'un dans les lignes même avec un grenier
à farine à proximité. Le casernement aura un four adossé à un pignon pour
éviter les privations de la troupe. Une journée de travail est longue
de 10 à 12 heures avec lampes à pétrole pour les périodes hivernales.
Combien de morts ? Pas de chiffres précis mais militaires et civils moururent
à Quélern. Les lignes sont prévues pour une garnison de 1200 soldats,
poussée à 4000 en cas de siège.
Les retranchements de Quélern ou lignes de Quélern, appellations
variables selon les époques, la densité des constructions et les documents,
sont une fortification (1150 m de long dans sa première version de 1694
et 1220 m dans sa seconde version de 1777) qui coupe l’isthme de la presqu'île
de Roscanvel dont la pointe Nord (Pointe des Espagnols) met à portée de
canons le port militaire de Brest. Brest fut l'un des ports stratégiques
majeurs de la Royale (marine française), son atout était d'être « enfermé
» dans une rade que seul un canal naturel (Le Goulet) ouvre sur la mer.
Protection assurée d'une attaque maritime ennemie d'ampleur sachant que
naviguer à voiles dans le Goulet était périlleux à cause des courants
violents et des récifs dangereux. Cependant, parfois les avantages sont
aussi des inconvénients. Etre enfermé dans une rade, comporte le risque
d'être confronté à un blocus maritime (ce qui fut le cas) ou à une attaque
par voie terrestre. S'il est difficile de maintenir un blocus indéfiniment,
une attaque terrestre peut porter ses fruits et neutraliser une défense
essentielle. En 1594, un contingent espagnol tient un siège à la fameuse
pointe. L'armée française déloge l'assaillant mais perd d'une certaine
manière la face.
1689. Vauban, envoyé par le roi pour enfin défendre la place de Brest
et éviter les déconvenues passées, trace un premier plan de défense :
des fortifications en ligne droite barrant la presqu'île de Roscanvel
sur le territoire de la commune de Crozon. Un second dessin y met un peu
plus de complexité adaptée à la topographie. Il s'agit alors d'un projet
de retranchements composés de fossés, de contrescarpes maçonnées et de
levées de terre pour protéger les défenseurs et briser l'élan des agresseurs.
Une batterie de canons est disposée aux extrémités maritimes de la ligne.
Une côté anse de Camaret, l'autre côté rade de Brest pour faire feu sur
une attaque maritime de revers derrière les lignes. Par économie, certaines
levées de terre sont palissées de pieux en bois qu'il s'avère difficile
d'enfoncer dans un sol rocheux.
1694. Vauban estime que le résultat est bien trop modeste et dessine un
réduit (fort) au milieu des lignes pour augmenter le soutien et disposer
d'un fortin qui augmente la résistance face à une attaque. 1694, c'est
aussi la bataille de Trez-Rouz. La flotte ennemie est au mouillage dans
l'anse de Camaret et les lignes de Quélern s'avèrent totalement inopérantes
d'un point de vue artillerie. Vauban le conçoit, sa ligne de défense est
purement terrestre et demande un renforcement d'artillerie nécessitant
un terrassement élevé imposant.
1695. Le chantier est à l'abandon, le réduit n'a que sa façade Sud avec
bastions érigés et les améliorations envisagées sont « oubliées ».
Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban meurt en 1707.
1776. Ce n'est qu'au 18ème siècle que les lignes de Quélern redeviennent
une préoccupation. Cette fois le lieutenant-général commandant la division
de Bretagne, Charles Claude Andrault marquis de Langeron, gouverneur des
ports et châteaux de Brest de 1755 à 1790 redistribue et refond les défenses
brestoises de Vauban. En ce qui concerne spécifiquement Quélern (nom du
village proche des lignes. Kelern = renard) les fossés doivent être élargis
et les murs des fortifications agrémentés de saillies angulaires (lunettes)
afin de mieux protéger ceux-ci. Les lignes doivent dessiner une courbe
pour que l'artillerie puisse concentrer ses tirs sur l'ensemble de l'avancée
ennemie. Néanmoins, le volume des travaux est exponentiel et le marquis
penche pour des réalisations simplifiées basées sur un minimum de maçonnerie
et un maximum de levées de terre pour une estimation de 330000 livres.
Langeron est accompagné par des officiers du Génie qui ne partagent pas
du tout la vision simpliste du vieux militaire. L'ingénieur du Génie Pierre-Jean
Caux responsable des travaux voit, par exemple, une « débauche » de subtilités
défensives dans des fortifications entièrement nouvelles, positionnées
pour grande part un peu plus au Sud de celles de Vauban, et qu'importe
si tout un village doit être exproprié et rasé : Kerduellet-Trémet. L'ingénieur
Caux l'emporte, son projet à 913073 livres est validé à Versailles sans
que Langeron ne puisse faire entendre sa voix à son grand regret.
Après les expropriations, dont la famille le Gentil est la plus touchée
parmi d'autres, le chantier de deux ans prévus commence en 1777. Les travaux
sont réalisés en deux périodes annuelles. La session hivernale propose
un déluge de boues sur des rochers particulièrement durs qui devaient
constituer une production de moellons suffisantes. Les retards s'accumulent
à cause des pluies diluviennes. Des troupes « importées » renforcent les
effectifs des soldats-travailleurs de force qui campent dans les fossés
sous tentes dans des conditions indignes. On considère alors que les travaux
seront bien plus longs que prévus. Dans une multitude d'élévations défensives,
les lignes de Quélern prennent forme et bien qu'inachevées, on estime
(1781) nécessaire l'installation des premiers canons sachant que la France
est à nouveau en guerre avec l'Angleterre. En 1784, les travaux finaux
peuvent désormais ralentir car les hostilités se sont achevées. 21 canons
sont installés contre 65 prévus. Le site est vidé de ses ouvriers militaires
et confié à un seul gardien.
1820-1840 environ. Des rapports sont publiés à propos des possibilités
d'escalade des escarpes des lignes tout particulièrement sur les dispositions
des rivages. Il s'ensuit des travaux mineurs qui ne sont que des améliorations
de façade. Le fort inachevé de Vauban est en discussion au Génie. Faut-il
poursuivre, le déplacé, en concevoir un nouveau. Tergiversations et manque
de fonds paralysent les projets.
1848. Le plan du fort est officialisé puis retouché en 1849 bien que les
travaux soient déjà entamés.
1854 et années qui suivent. Dernières modernités. Des aménagements secondaires,
une batterie occidentale renforcée, un magasin de poudre normalisé pour
remplacer la chapelle St Louis des lignes qui servait de magasin à poudres...
Le fort est en cours d'achèvement. Sa caserne intérieure date de 1855.
Le 20 février 1889, les lignes et sa batterie droite sont maintenues en
activité à la Chambre par le projet de loi portant classement et déclassement
des ouvrages de défense en France et en Algérie, sur avis du comité de
défense et du conseil supérieur de la guerre.
Vers 1898 et les années qui suivent, l'armée loue les lignes de Quélern
aux fermiers locaux.
1940-44, occupation sommaire des lignes de Quélern par l'armée allemande.
Par contre la batterie de Trémet est quant à elle particulièrement bien
armée.
1944. Attaque américaine des lignes qui s'effondrent après un pilonnage
d'artillerie et une heure de combat.
Les lignes de Quélern n'ont jamais été éprouvées en temps et en heure.
"Souvenirs d'un soldat" par Paul de Luca
- 1890.
Extrait :
"Je venais de quitter l'Ecole militaire et le ministre de la guerre
nous avait expédiés, moi et ma première épaulette, à un régiment qui tenait
garnison à Brest, la guerrière cité rêvée par Richelieu, réalisée par
Louis XIV.
Quelques mois après mon arrivée, je reçus l'ordre d'aller relever à Quélern,
avec une centaine d'hommes, le détachement dont le mois d'exil était expiré.
Le lendemain, à la tête de ma section, je m'embarquai sur une lourde chaloupe
pontée qui avait les allures d'un chaland, et qui nous conduisit, en trois
heures, à destination, en traversant la rade suivant une sécante de près
de trois lieues.
La rade de Brest est la plus belle du monde. C'est un vaste bassin d'environ
neuf lieues de circuit... ...elle n'est pas ouverte à tous les vents,
et aucune tempête ne vient troubler la placidité relative de ses eaux.
Elle ne communique, en effet, avec la grande mer que par un étroit canal-
appelé le Goulet, au milieu duquel se dresse un rocher de granit, hérissé
de canons. C'est le Mengant. Les deux falaises qui bordent le canal sont
elles-mêmes pourvues de batteries rasantes armées de gros canons de sorte
que, si Dieu a défendu à la tempête de pénétrer dans la rade, les enfants
de la vieille Armorique font la même défense aux vaisseaux ennemis assez
audacieux pour essayer de forcer la passe.
Le premier aspect de ma nouvelle résidence fit sur mon esprit une impression
fâcheuse. Je quittais, en effet, une ville bruyante, animée, égayée, par
les approches du carnaval, pour me reléguer sur une langue de terre aride,
désolée, dépeuplée où les arbres sont représentés par des canons et les
monuments par la ligne bastionnée qui court d'un bout à l'autre de l'isthme
et que Vauban avait tracée et édiffiée pour empêcher les batteries du
Goulet d'être prises à revers. C'est cet entassement indigeste de moellons
qui a pris le nom pompeux de Lignes de Quélern.
Entre cette ligne de défense et le Goulet, s'étend la presqu'île dont
des ajoncs effarés et de maigres touffes de genêts recouvrent la surface.
A égale distance des lignes et de la plage s'élève un village qui profite
d'une amélioration du terrain pour cultiver un peu de sarrasin et quelques
plantes maraîchères. Il porte le nom raboteux de Roscanvel.
En dedans des lignes se trouvent une petite caserne pouvant contenir une
centaine d'hommes, une poudrière et trois maisonnettes destinées, l'une
au garde d'artillerie, l'autre au garde du génie, la troisième au commandant
de la garnison, trois sinécures !
En débarquant, mon premier soin fut de conduire mes hommes à leur caserne
et de les y installer. Après quoi, je songeai a m'installer moi-même.
Ce ne fut pas long : six chemises, douze paires de chaussettes dans les
tiroirs de la commode, mes paperasses et quelques livres sur la table
de sapin, mes vêtements accrochés au porte-manteau, mon fusil et mon carnier
à un clou, et ce fut tout. Ah ! ce n'était pas élégant, et un facteur
rural contemporain ne s'accommoderait guère d'un pareil établissement.
Et cependant, que de fois depuis, assis sur une pierre, devant un feu
de bivouac, sous une pluie obstinée qui me transperçait jusqu'aux os,
n'ai-je pas pensé avec un soupir de regret à l'humble case de Quélern
!
Il faisait, froid. J'ordonnai à mon lascar de faire du feu. Cinq minutes
après, la chambre était pleine d'une fumée acre et fuligineuse.
"- Ce n'est rien," dit mon écuyer, beau parleur à ses moment
perdus, "c'est le tirage dé la cheminée qui n'est point encore établi.
Mais dans dix minutes."
"- Dix minutes, malheureux ! Mais dans dix minutes je serai mort
asphysié depuis un quart d'heure !"
Je me précipitai vers la fenêtre que j'ouvris à deux battants et je respirai
à pleins poumons l'air pur et frais qui venait du dehors... ...Alors je
me mis à contempler le paysage. Naturellement le ciel était gris, non
de ce gris calme et argentin qui donne aux paysages de Corot une mélancolie
si pénétrante, mais de ce gris de vieille plombagine qui répand sur la
terre et le ciel une teinte sale et réfrigérante.
Devant moi la presqu'île déployait ses plaines arides et désolées jusqu'à
la pointe des Espagnols ; vers la gauche, le phare de Saint-Mathieu émergeait
du milieu des nudités brumeuses qui entourent ses assises; enfin, à ma
droite s'étendait la rade commandée par le vaisseau le Borda, flanqué
de ses deux aides de camp, la frégate Ecole et le brick des mousse. Quelques
barques aux voiles grises, semblables à de grands albatros, sillonnaient
la surface de la grande cuvette, se dirigeant vers la rivière de Landerneau
et le village de Plougastel, célèbre par ses belles fraises, grosses comme
des pommes de Calville.
A un kilomètre environ de la cale de débarquement, en face de la caserne,
un îlot rocheux et dénudé surgit de la surface des eaux. Un vieil usage
tombé en désuétude lui a fait donner le nom d'île des Morts...
... Et dire que j'avais trente longs jours de quarante-huit heures chacun
à passer dans ce carcere duro en plein air et absolument dépourvu d'agrément
!
Il fallait cependant me créer des distractions ou du moins quelques chose
qui y ressemblât. Voici comment je réglai l'emploi de mon temps.
Lever à huit heures soit aux aurores, comme on dit chez nous. Toilette.
A neuf heures, départ pour la chasse qui consistait à tirer des goélands
le long de la plage qui mène à Camaret, un village de pêcheurs de sardines,
ou quelques maigres alouettes égarées dans la vaste lande qui s'étend
de la crête de la contrescarpe à la pointe de Pois.
A midi, déjeuner alimenté par les provisions qui m'arrivaient tous les
cinq jours de Brest sous forme de conserves de viande et de légumes dont
mon ordonnance, M. Beaucamp, complétait la cuisson au bain-marie...
... Après déjeuner j'allais faire un tour à la caserne afin de m'asurer
que les Anglais, débarqués subrepticement pendant la nuit, n'avaient pas
enlevé mes hommes pour les faire pourrir dans les cachots flottants de
la perfide Albion.
A deux heures de relevée, comme ils disent messieurs les commissaires
priseurs, pêche au canard.
Voici en quoi elle consistait : la maison du garde d'artillerie, séparée
de la mienne par un espace de trente pas environ, était égayée par une
cinquantaine de canards représentant les variétés les plus intéressantes
de l'espèce. Les cancans de ces animaux nasillards me rompaient la tête
du matin au soir. C'est pourquoi jecroyais être parfaitement dans mon
droit en leur déclarant une guerre où l'on ne comptait ni morts ni blessés,
je les péchais comme de vulgaires ablettes.
Voici le truc que j'avais imaginé : j'attachais au bout d'une longue ficelle,
un morceau de pain que je lançais par la fenêtre en ayant bien soin de
garder dans ma main l'autre extrémité de la corde qui me servait de ligne...
... La chasse aux canards m'amusait beaucoup, mais je dus bientôt y renoncer,
car madame l'artilleuse prétendait que je lui détériorais ses pensionnaires
et me menaçait d'une plainte en règle qui aurait attiré sur ma tête toutes
les foudres de l'autorité.
A six heures je me mettais à table.
A l'issue, du dîner; qui durait dix minutes, je prenais lentement mon
café en fumant, en causant avec mon chien Milton un griffon irlandais...
... je mettais ma correspondance à jour et ma montre marquait à peine
9 heures que je m'étais glissé sous mes couvertures.
Et les jours s'écoulaient ainsi, monotones et interminables..."
Avis de presse de janvier 1898 du XIe corps d'armée
de la place de Brest émanant du génie et concernant l'adjudication publique
d'affermages de terrains militaires en presqu'île de Crozon. Ces mises
en location concernent tous les terrains militaires jugés inoccupés. Les
lignes de Quélern deviennent des "patûrages"...
Le lundi 21 février, à midi, est procédé dans l'une des salles de la mairie
de Crozon par M. le sous-intendant militaire, en présence de M. le maire
de la commune de Crozon, du chef de génie et de M. le receveur des domaines
de Crozon, à l'adjudication publique aux enchères de l'affermage pour
3, 6 ou 9 ans...
Lot n° 1. — Superficie : 29.470m carrés.— Terrain intérieur de la fortification
des lignes de Quélern, des ouvrages de la droite des lignes à la capitale
du Redan
3, moins la Pépinière du génie.
Lot n° 2. — Superficie : bâtie, 28m carrés ; non bâtie, 36,930m carrés.
— Terrain intérieur de la fortification des lignes de Quélern, de la capitale
du Redan 3, à l'extrémité de la batterie du Vexin, moins le lot n° 12.
Lot n° 3. — Superficie : 68,200m carrés. — Les fossés, glacis, ouvrages
extérieurs des lignes, depuis la droite des lignes jusqu'à la ligne joignant
la borne 18 au saillant du Redan 3.
Lot n° 4. — Superficie : 64,930m carrés. — Les fossés, glacis, ouvrages
extérieurs des lignes, depuis la ligne joignant la borne 18 au saillant
du Redan 3, jusqu'à la gauche des lignes.
Lot n° 5. — Superficie : 5,220m carrés. — Les deux terrains extérieurs
à l'ouest de la ligne qui joint les bornes 23 et 24 de la limite extérieure
de la zone de la fortification.
Lot n° 6. — Superficie : 17,770m carrés. — Les terrains des anciennes
lignes de Quélern.
Lot n° 7. — Superficie : 80,850m carrés. — Les fossés et les glacis du
réduit de Quélern, moins la partie réservée comme pépinière du génie.
Lot n° 8. — Superficie : bâtie, 590m carrés ; non bâtie, 13,200m carrés.
— Les terrains militaires et bâtiments de la batterie de la Fraternité.
Lot n° 9. — Superficie : 67,300m carrés. — Tour, batterie et digue de
Camaret.
Les intéressés peuvent prendre connaissance du cahier des clauses et conditions
générales des baux d'affermage des terrains militaires, ainsi que des
conditions particulières à ces lots, à la mairie de Crozon et dans les
bureaux du génie à Quélern.
Nul ne pourra être admis à concourir à l'adjudication si sa solvabilité
n'est pas notoire et s'il ne présente en outre une caution solidaire également
reconnue solvable.
Brest, le 19 janvier 1898.
Le sous-intendant militaire.
DUREL.
Le général Denis Henri Alfred d'Amboix de Larbont (1841-1926), commandant de la 44ème brigade d'infanterie (21 janvier 1898 - 14 juillet 1899) fait une inspection du bataillon de Quélern appartenant au 19ème régiment d'infanterie de ligne commandé alors par le colonel Mappel, le 14 mars 1898.
La défense côtière avant 1939
Postes de projecteur du Goulet Roscanvel
Lunette à micromètre G de côte
Les postes de télémétrie Audouard 1880 Rosvanvel : Kerviniou - Capucins Sud réemployé - Capucins Sud - Capucins - Capucins Nord - Stiff - Espagnols Sud - Espagnols.
Poste d'observation 1920 de Cornouaille Roscanvel
Batteries : Basse de Cornouaille Roscanvel - Batterie de Beaufort Roscanvel - Vieille Batterie Roscanvel - Haute de Cornouaille Roscanvel - Poul Dû Crozon - Mort Anglaise Camaret - Capucins Roscanvel - Kerbonn Camaret + projecteur Camaret - Kerviniou Roscanvel - Pen-Hir Camaret - Tremet Roscanvel - Ty-Du Morgat - Portzic Crozon - Stiff Roscanvel - Pourjoint Roscanvel - Haute Pointe des Espagnols Roscanvel - Petit Gouin Camaret - Sud des Capucins Roscanvel - Batteries hautes des Capucins Roscanvel - Batterie de rupture ou bombardement - Batteries haute et basse du Kador Morgat - Rouvalour Crozon - Batteries Est de Roscanvel Roscanvel - Batterie du Run / Pont-Scorff Roscanvel - Batterie de l'Eglise Roscanvel - Batterie de Bégéozû Roscanvel - Batterie de l'île de l'Aber Crozon - Batterie extérieure de la Tour Vauban Camaret - Batterie de Dinan Crozon
Cabines téléphoniques de batterie
Camp Sanitaire des Capucins Roscanvel
Casernement bas de la Pointe des Espagnols Roscanvel
Casernement haut de la Pointe des Espagnols Roscanvel
Abri groupe électrogène Roscanvel
Fortifications de la Pointe des Espagnols Roscanvel
Casernement de Kerlaër Roscanvel
Casernement de Lagatjar Camaret
Camp d'internés de l'Île Longue
Corps de Garde 1846 / Fort : Aber Crozon - Camaret Camaret - Kador Morgat - Postolonnec Crozon - Roscanvel Roscanvel - Rulianec Morgat
Loi de déclassement des corps de garde 1846
Loi du 17 juillet 1874 - système Séré de Rivières
Loi du 3 juillet 1877 - réquisitions de l'armée
Caserne Sourdis & cale Roscanvel
Les forts : Fraternité Roscanvel - Landaoudec Crozon - Lanvéoc Lanvéoc - Toulinguet Camaret - Crozon Crozon
Lignes de Quélern Ouest Roscanvel
Pointe des Espagnols - Ligue Roscanvel
Poste d'inflammation des torpilles Roscanvel
Poudrière de Quelern Roscanvel
Repère d'Entrée de Port R.E.P. Roscanvel
Canon de 95mm Lahitolle Mle 1888
Histoire et évolution des calibres des canons
Abri du champ de tir de l'Anse de Dinan
L'arrivée de la téléphonie dans les postes d'observation
Les Ancres de Roscanvel Roscanvel
Château-fort de Castel bihan Poulmic Lanvéoc
La ligne d'artillerie terrestre de 1914
Les piliers des terrains militaires
Sous-marin Nautilus de Robert Fulton Camaret
1404 la chute de l'Anglais à Lam Saoz Camaret
La BAN de Lanvéoc-Poulmic Lanvéoc
La défense antiaérienne avant 1939
Position de DCA en presqu'île avant 1939
Batterie de DCA de Kerguiridic Crozon
Batterie de 100mm Pointe des Espagnols Roscanvel
Projecteur et écoute de Pen ar Vir Lanvéoc
Projecteur et écoute du Grand Gouin Camaret
Abri de projecteur de la Pointe des Espagnols Roscanvel
Station d'écoute aérienne de Messibioc Lanvéoc
Autres positions françaises de projecteurs
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