« Homme recherche femme disposée pour conversation. »
« Homme respectable recherche dame de compagnie pour promenade. »
« Homme recherche femme d'intérieur*. »
Publications sur papier journal entre les réclames pour les pommades miracles
et les machines outils révolutionnaires.
Les petites annonces de rencontre publiées dans les journaux locaux de
la fin du 19ème siècle, début du 20ème étaient récurrentes pour que les
presqu'îliens pussent vivre d'amour et d'eau fraîche. Les femmes n'était
pas en reste mais cette audace, à l'époque des qu'en-dira-t-on, risquait
de forger une réputation de femme de petite vertu à la moindre rumeur.
Publier une annonce pouvait s'avérer être une crucifixion en place publique.
Une annonce féminine suscitait une très relative tolérance mais plusieurs
publications étaient une inconvenance notoire pouvant réclamer une intervention
du curé jusqu'au sermon du dimanche prônant la remise du destin amoureux
des femmes esseulées à l'agence matrimoniale suprême, celle de Dieu, seul
gestionnaire des inclinations recommandées.
« Femme de bonne mœurs recherche un homme sérieux pour mariage. Correspondance
préalable exigée. »
L'homme n'avait pas à préciser ses mœurs dans son annonce et proposait
une rencontre verbale et ludique en préalable. La femme devait signaler
sa moralité afin de prouver sa capacité à être une femme d'intérieur irréprochable.
Le fameux sérieux masculin était attendu... Toujours attendu, les siècles
passant... La méthodologie de la rencontre par annonce a changé de procédé
technique, pour le reste...
Répondre à une annonce de rencontre publiée dans la presse nécessitait
d'écrire une lettre au journal qui transmettait, c'était long... Parfois
plusieurs semaines pour obtenir une réponse prudente...
Ensuite, les échanges se faisaient par courriers manuscrits envoyés par
la poste de sorte que le postier savait qu'il y avait anguille sous roche.
Par effet de résonance des commérages, on apprenait en quelques semaines
qu'une femme de la commune, souvent veuve, cherchait des épaules. La durée
du deuil était alors expertisée. 2 ans était la règle de base. 5 années
étaient appréciées. Honneur au mari défunt même s'il s'agissait d'une
crapule. La femme n'étant pas indépendante financièrement, on tolérait
quelques écarts dans les échéances. Néanmoins, il fallait vraiment que
la rue soit proche de la dame et les enfants en bas âge pour qu'une femme
enfreignit la temporalité du veuvage.
Ces annonces de langue française ne concernaient qu'une classe administrative
ou bourgeoise francophone. La population agricole ou issue de la pêche
de la presqu'île de Crozon étant bretonnante, celle-ci n'avait pas accès
à cette ouverture sur le hasard des rencontres. Le mariage
était souvent arrangé dans le voisinage.
Les guerres avaient le don de réduire le nombre d'homme en bon état de
marche. Les recherches féminines d'après guerre étaient les seules classifiées
comme convenables car chacun reconnaissait qu'une femme seule n'avait
aucun avenir. Trop peu de métiers s'ouvraient à elle. En dehors d'employée
des postes et d'institutrice, l'offre était rare pour la classe moyenne.
La seconde guerre mondiale fit apparaître des annonces nettement plus
embarrassantes de la part d'administratifs allemands de l'occupation.
Tous ne se satisfaisaient pas des quelques heures de distraction des maisons
à soldats qu'il y avait en presqu'île en chaque commune. Certains romantiques
espéraient des vibrations sentimentales...
« Homme parlant allemand cherche relation suivie avec femme éduquée. »
L'éducation de la femme en temps de guerre, un appréciable distinguo envers
celles que l'on prenait pour des paillasses avec consentement ou sans,
avec rémunération ou sans...
Le journal le plus achalandé en matière de rencontres écrites fut « Le
Chasseur Français » (dès 1885). Les femmes célibataires ne s'y entendaient
guère en matière de chasse et de pêche qui leur procuraient un certain
dégoût mais les pages des annonces de toutes régions valaient le détour
vers le rêve de la rencontre de l'homme idéal... pour assumer le quotidien.
Enfin, le rituel d'une rencontre qui ne fut pas organisé par la famille
obéissait à quelques précautions. Avoir une benoîte des marais dans son
jardin et l'entendre crisser au passage de l'inconnu qui entrait pour
la première fois dans la maison de la dame, était de très mauvais augure...
Entendre crisser une plante, fallait-il avoir bonne ouïe.
L'affaire installée, il ne fallait pas trop tarder pour le mariage...
Au diable la luxure... Se marier sans consommation excessive ramenait
l'histoire douteuse dans le cadre d'une volonté divine de l'union des
êtres par les voies impénétrables du hasard terrestre.
Ainsi se rencontrer par annonce n'est pas une nouveauté du 21ème siècle.
Aucune modernité là dedans... Faire rencontrer le sérieux d'un homme avec
la disponibilité d'une femme, les clichés ont de beaux restes à ce jour...
Sera-ce différent quand une femme d'extérieur rencontrera un homme d'intérieur
?
* La femme d'intérieur est l'expression d'un concept de vie conjugale du 19 et 20ème siècle qui équivalait à l'expression « femme au foyer » avec tout ce que cela comporte d'abnégation, voire de soumission. L'expression était alors jugée élégante et respectueuse du devoir de la femme, celui de vivre entre quatre murs choisis par l'homme qui était/est souvent un homme d'extérieur...