Jouer les oies blanches. Faire l'oie blanche. Une expression
délétère qui attribue à certaines femmes tout le talent de la comédie
de l'ingénuité abusive. Paraître d'une innocence immaculée avec l'intention
préméditée d'attirer les ardeurs masculines afin d'en retirer des profits
de tous ordres, tel est le subterfuge évoqué avec raillerie.
L'expression n'a pas d'origine déterminée mais appartient au langage courant
du 19ème siècle. Oie blanche, selon M. Prévost, 1894 : « jeune fille niaise,
innocente ».
En général quand une femme parle d'elle, elle déclare « j'étais une oie
blanche à cette période de ma vie ». Par contre, quand le « compliment
» est destiné à une femme et ceci émanant autant d'un homme que d'une
femme, le sens péjoratif est privilégié : « elle joue les oies blanches
pour parvenir à ses fins ».
Il faut se souvenir qu'une autre expression précieuse du 17ème siècle
offre aux femmes le talent de la « petite oie ». Dans ce cas, une femme
accorde quelques faveurs physiques à son prétendant, à son amant, qui
lui indiquent que persévérer est escompté. Le vocabulaire de la préciosité,
extrêmement codifié, évoque déjà cette séduction tentatrice que les femmes
savantes dans l'art des suggestions consentent à l'objet de leur intérêt
plus ou moins avouable. L'ajout de la blancheur pour indiquer un état
de grâce, une apparence virginale fait-il suite à l'expression de la «
petite oie » tombée en désuétude et relancée par celle de « l'oie blanche
» ?
L'association de la niaiserie et de la pudibonderie sous le symbole de
l'oie qui serait affectée d'une supposée sottise est connue au 17ème siècle.
Curieusement au moyen-âge, l'oie est appréciée pour sa « franchise spontanée,
sa constance, son caractère affirmé et sa sagesse... ». Pas moins. Les
Romains quant à eux s'en servent comme animaux de défense. Les oies blanches,
surtout, sont en situation de garde des bâtiments précieux. Ce n'est pas
sans raison que les oies du Capitole (vers -390 av Jc) sauvèrent les Romains
d'une attaque gauloise par des cris d'alerte significatifs. Les oies savent
cacarder, cagnarder, criailler, glousser, siffler... et on le sommeil
léger, très léger...
Avoir des oies blanches en presqu'île de Crozon, les paysans en appréçiaient
le double rôle de gardiennes et de volailles gustatives... Un chien était
à nourrir... Une dépense récurrente jugée défavorablement d'autant que
chasser était réservé à la noblesse. Le chien peut s'amadouer, une oie
blanche furibarde que nenni !