Les mauritaniens s'amarraient sur les bollards du Sillon.
Ci-dessous le calendrier des mises en service des
langoustiers Mauritaniens, ces chalutiers qui devaient redonner du lustre
à la pêche camarétoise. La pêche de la sardine est en pleine déliquescence
: la même technique de pêche au filet est possible avec la langouste verte,
du moins dans un premier temps...
1955
• Ma Petite Folie (Chantiers Sables-d'Olonne) en pêche jusqu'en
1965 – Transformé en restaurant sur la plage du Moulin Blanc de Brest
jusqu'en 2016, détruit ensuite.
1956
• Belle Bretonne (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1968 puis
versé à Bordeaux.
1957
• Monseigneur Landreau (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en
1967 puis versé à Bordeaux et finit en Afrique du Sud.
1958
• Saint Rioc (Chantiers Péron) a participé à une campagne aux
Antilles et finit au Cap Vert à partir de 1991.
• Françoise-Christine (Chantiers Tertu) en pêche jusqu'en 1966
puis versé au Brésil.
1959
• Notre Dame De Rocamadour (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en
1973 et appartient un temps au musée du bateau à Douarnenez.
• Kador (Chantiers à Nantes). En route vers la Mauritanie,
il sombre corps (12 hommes) et biens dans le golf de Gascogne en 1962.
• Charleston (Chantiers Tertu) en pêche jusqu'en 1965 et versé
au Brésil en 1966.
• Lys De Bretagne (Chantiers Kéraudren) en pêche jusqu'en 1966
puis versé en Afrique du Sud.
• Siroco (Chantiers Sables-d'Olonne) en pêche jusqu'en 1966
puis versé en Afrique du Sud.
• Folgor (Chantiers aux Pays Bas coque acier) en pêche jusqu'en
1969 puis est versé à la Réunion pour échouer dans le canal du Mozambique
en 1976.
1960
• Henri Annick (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1964 puis
versé au Brésil à partir de 1966.
• Castel
Dinn (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1990 puis crabier de côte
jusqu'en 1998. Devient une épave sur le sillon de Camaret.
1961
• Veryach (Chantiers Tertu) en pêche jusqu'en 1969 puis brièvement
versé à Bordeaux pour poursuivre en Afrique du Sud.
• Rubis (Chantiers Keraudren) en pêche jusqu'en 1966 puis versé
en Afrique du Sud puis la Réunion.
• Toulinguet (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1965 puis
versé au Brésil en 1966.
1962
• Banc D'Arquin (Chantiers Tertu) sera immédiatement immatriculé
à Douarnenez. Puis part au Brésil en 1966. Il fut le plus grand Mauritanien
= 37,4 m.
• La Comète (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1976 puis fait
naufrage, équipage sauf...
• Constellation (Chantiers Péron) fait naufrage en 1964 dans
les eaux de la Mauritanie.
• Equateur (Chantiers Kéraudren) en pêche jusqu'en 1990 puis
versé au Conquet en crabier avant de faire naufrage en 1994.
1963
• Armorique (Chantiers Kéraudren) en pêche jusqu'en 1990 puis
devient un bateau de plaisance et de cabotage à Madagascar avant de couler
en 1997.
• La Barbade (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1968 puis
versé au Mozambique et enfin à la Réunion en 1973.
• Trezic (Chantiers Tertu) fait naufrage au Cap Vert la même
année.
• Maria Martina (Chantiers aux Pays Bas coque acier) accumule
les changements de propriétaire et fait la Mauritanie, le Mozambique,
Madagascar, Bordeaux... en activité en 1971 à l'île Saint Paul dans l'Océan
Indien...
1964
• Le Condor (Chantiers Kéraudren) en pêche jusqu'en 1979 puis
versé à Audierne et fait naufrage en 1978 en Afrique du Sud.
• Frai Lann (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1968 puis finit
à la Réunion après 1973.
• Maïtena
(Chantiers Tertu) en pêche 1 an puis versé à Douarnenez et Morlaix, finit
comme crabier (1976) avant d'être à l'abandon sur le sillon de Camaret-sur-Mer
à partir de 2001.
• Portzic (Chantiers Péron) en pêche jusqu'en 1990 puis sa
situation devient aléatoire comme la pêche à la Langouste... Beaucoup
de milles marins à travers les mers et peu de pêches rentables. Il est
réemployé comme thonier et garde-côte à Saint Hélène avant son sabordage
en 2005.
A la lecture des différents parcours des chalutiers surnommés
Mauritaniens par les Camarétois (du fait que la zone de pêche de prédilection
est le large de la Mauritanie), on ne peut que constater la brièveté de
leurs appartenances à leurs patrons pêcheurs commanditaires locaux. Après
la perte d'espoirs lucratifs assurés, ils revendent leur coque au plus
offrant souvent à des compagnies de pays lointains (Afrique - Brésil)
pratiquant la pêche à la langouste pour quelques années encore avant que
la pêche industrielle ne fasse naître des géants des mers. Les "seigneurs
de la mer", autre nom des Mauritaniens, ne sont plus spécifiquement
des bateaux familiaux comme par le passé, le financement est un capital
de 100 millions de francs en 1959 qu'il faut trouver par le biais de sociétés
d'investissement. La rentabilité est une nécessité sans retard possible.
A noter que la taille moyenne des chalutiers augmente progressivement
puis décroît ensuite comme si la longueur avait suivi la cote de popularité
de la langouste. 25 mètres, 30 mètres puis 32, 1 à 37 puis progressivement
retour vers 25 mètres. Les langoustiers classiques pour les côtes anglaises,
le Portugal ou le Maroc au plus loin, voisinent les 18 mètres en moyenne
et pêchent le thon en été parfois. La pêche aux homards ou aux crabes
sont deux autres possibilités de diversification. Ces petites unités ne
sont pratiquement plus construites durant l'élan Mauritanien. Après la
construction des Mauritaniens, soit jusqu'en 1964, il y aura quelques
mises en chantier sporadiques de petits langoustiers polyvalents, crabiers,
coquilliers sans réels succès. La pêche n'aura de cesse de décliner. La
construction navale périclite aussi en construisant quelques canots de
3 ou 4 mètres, quelques chalutiers côtiers de 15 mètres... Le dernier
petit langoustier construit à Camaret est une réplique nommée « Lulu »
(Chantiers Lastenet) de 1990 de 9 mètres 80 à l'usage de la plaisance.
La pêche à la langouste lointaine, soit sur les côtes africaines est anciennes.
Des voiliers Dundees et voiliers mixtes (voile et moteur d'appoint) au
début du 20ème siècle font le voyage pour pêcher la langouste verte de
surface qui se pêche au filet comme les sardines. Malheureusement, les
deux tiers de la pêche reviennent avariés au port après un voyage de 15
à 35 jours selon les vents. Du vivier du bateau, la langouste est transvasée
dans un vivier flottant du port avant celui de la criée et celui des différents
revendeurs et transporteurs...
Dès que la réfrigération embarquée est au point soit vers 1960, la flotte
s'étoffe progressivement alors que la langouste verte se raréfie et "disparaît"
en 1969 avec les bateaux qui lui sont dédiés.
Le calcul est vite fait, la rentabilité est possible pour qui investit
dans un grand tonnage. La motorisation assure un temps de voyage prévisible.
La langouste rose de fond se pêche au casier avec appâts entre 150 et
300m de fond. Elle va représenter l'eldorado provisoire pour 1000 familles
de Camaret et de Douarnenez. Certains chalutiers peuvent transporter 20
tonnes de queues de langoustes dans leurs congélateurs, soit 60 tonnes
de langoustes pêchées. La congélation des queues correspondait aux pêches
d'été. La pêche d'hiver alimentait les viviers du bord et conservait une
eau suffisamment froide pour ne pas faire mourir les langoustes. Une dizaine
de marins à bord pour deux campagnes de pêche de trois mois en moyenne
par an avec pour seul lien terrestre, radio Conquet qui captait les messages
rassurants destinés aux familles à terre. Une mane financière non négligeable
si d'autres flotilles françaises et étrangères n'avaient pas les mêmes
zones de pêche.
La flotte développe deux tendances, l'une entre congélateur et vivier
et l'autre purement de congélation, dans les deux cas, le chalutier est
équipé d'un sondeur de fond tant les récifs sont nombreux. Les investissements
sont plus lourds, les patrons pêcheurs Camarétois ne peuvent plus suivre,
ils décrochent à partir de 1966 pour beaucoup, quelques uns vont poursuivre
avec des lendemains toujours plus aléatoires. Seules les compagnies de
haut rang peuvent assumer des financements toujours plus élevés.
En 1990, les réglementations et décisions politiques donnent le coup de
grâce. Et pour cause ! Les accords avec les autorités mauritaniennes ne
sont pas respectés. Les pêcheurs Bretons ne devaient pas pêcher les langoustes
femelles portant des oeufs afin de régénérer l'espèce. Ils ne s'en sont
pas privés en brossant les langoustes femelles tout en leur détachant
la queue à vif pour la congeler. La ressource s'est affaiblie sous les
yeux des Africains qui ont "offert" les concessions aux Japonais
qui ont sans doute pratiqué les mêmes excès...
La pêche n'assurait pas nécessairement des revenus
réguliers alors quitte à naviguer loin autant faire une halte dans un
port espagnol pour acheter des cartons de boissons anisées bien moins
taxées en Espagne qu'en France. Chaque langoustier avait sa cargaison
alcoolisée qui se déchargeait loin des regards des deux douaniers qui
avaient pris l'habitude de regarder ailleurs le temps qu'il fallait. Les
cafetiers faisaient l'acquisition des stocks qui leur étaient nécessaire
et curieusement les prix au comptoir étaient identiques dans tous les
troquets. Par contre la dose d'alcool subissait une surenchère pour attirer
les Camarétois. On titubait vite sur les quais. Cette contrebande officiellement
réprimée, faisait la une des commérages. Certains s'en désolaient, d'autres
s'en imbibaient copieusement. La fin des langoustiers mit un terme à ce
lucratif commerce.
L'aventure au large de l'Afrique date d'avant la seconde guerre mondiale,
période durant laquelle, les exploits de pêche résonnaient dans la presse
:
Le Mont-Blanc du patron pêcheur Le Nouy rentre de Mauritanie le 2 février
1942 avec 11 000 kg de langoustes vertes à 45 frs du kilo. La cargaison
du dundee s'est vendue à 500000frs à Camaret-sur-Mer. Le langoustier avait
quitté son port d'attache le 5 août 1941 mais après une suite d'avaries,
il fallut lui changer sa quille à Dakar. Le retour bien plus tardif que
prévu fut néanmoins triomphal.