Dans les années 1910-30, la presse locale répercute le
problème récurent des pêcheurs de sardines. Les pêcheurs sardiniers se
sentent dépossédés de leurs capacités de pêche à cause des bélugas, marsouins
et autres animaux marins chasseurs de bancs de sardines.
L'appellation béluga n'est pas certaine, les pêcheurs semblent confondre
avec le grampus gris répètent les journalistes... Qu'importe les vocables
scientifiques ou pas, les "bélugas" deviennent de plus en plus
nombreux à la période estivale et déferlent en baie de Douarnenez, par
exemple, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant car ils restaient au large.
Seuls quelques marsouins osaient l'approche...
Avec les années la calamité s'intensifie, les bélugas ou dauphins selon
certains, ne pêchent plus, ils s'en prennent directement aux filets des
pêcheurs en les déchirant pour consommer les sardines prises. Les pêcheurs
sont excédés, leurs revenus déjà bien faibles s'amoindrissent encore.
Ils en appellent à l'armée. La Marine envoie des garde-pêche
dans un premier temps, puis torpilleurs pour attaquer les "bélugas"
aux canons et aux mitrailleuses. Le résultat est piètre en terme d'efficacité
mais pour calmer les esprits, les "bélugas" deviennent l'ennemi
de la Marine Nationale. La flotille des torpilleurs de Brest se dévoue
épisodiquement, la mission est considérée comme un exercice sur cibles
mouvantes.
Insatisfaits par les campagnes d'extermination, des expéditions punitives
sont organisées par les pêcheurs jusqu'aux îles Scilly dans les eaux anglaises.
A coups de hache, au harpon, à la pique... Le carnage déplaît aux autorités
anglaises qui demandent aux pêcheurs Français de ramener les cadavres
au large pour éviter qu'une peste ne se déclare à cause des cétacés échoués.
La notion de surpêche n'existe pas à cette époque, la survie est un doute
à chaque jour de pêche, les familles sont à nourrir.
La cupidité des conserveurs va permettre aux "bélugas" et aux
sardines des côtes bretonnes de retrouver une certaine quiétude. La consommation
des sardines à l'huile se banalise, les prix baissent, les conserveries
se délocalisent au Maroc, les pêches aussi. Les pêcheurs Bretons ont perdu
sur toute la ligne...
"Les Mouscouls
Hardi, les as, et sus aux bélugas !
Marsouin de proie dont le groin broie la sardine d'argent si chère aux
pauvres gens, le béluga n'est plus le poisson de naguère connu de nos
gâs, mais une impitoyable machine de guerre. En chair auparavant, carnassier
camouflé depuis en cuirassier, le béluga devenu monstre, en fer dorénavant,
vogue sous l'onde par le monde, avec un pêle-mêle d'organes de cuivre
et d'acier : l'on en distingue l'oeil de verre qui bourlingue au ras de
l'eau, tel un crachat de matelot.
Hardi, les as, et sus aux bélugas !"
...
Le poète Saint-Pol-Roux (symboliste), poursuit ainsi longuement un poème
"sans fin" dans un style emporté en 1917... Le poète réside
à Camaret-sur-Mer et connaît le monde des pêcheurs.