Petite charrue de la presqu'île. La taille des charrues varie selon la superficie des terres labourables. Elles sont attelées à des bœufs ou un cheval.
L'image que l'on se fait de la presqu'île de Crozon est
celle d'un pays échancré, marin, constituant une entité régionale bretonne
reconnaissable parmi d'autres pays bretons. Une unité géographique, démographique,
économique qui n'a jamais concrètement existé. Bien au contraire, la presqu'île
est une contrée divisée en deux pour bien des domaines :
A l'Ouest les landes, l'Arabie
pétrée, le dénuement végétal, les terres peu profondes rocailleuses.
A l'Est, les terres cultivables, les prés, certes pas toujours exceptionnels,
les bois...
A l'Ouest, une population avec pour symbole féminin les coiffes penn
sardin /penn maout , vivant de la pêche et moindrement de l'agriculture...
A l'Est, une population avec pour symbole féminin la coiffe du pays
Rouzig – ailes d'hirondelle (Argol), vivant de l'agriculture
et moindrement de la pêche...
On se fréquente peu, on se
marie ensemble rarement... Ce sont deux entités culturelles proches
sans pour autant se confondre. Certains linguistes auraient noté des nuances
dans le langage des uns et des autres. Le jargon du pêcheur s'imbrique
sans doute mal avec celui de l'agriculteur. Les vies sont différentes
par les rythmes des pêches ou ceux des cultures. Il existe des pêcheurs
agriculteurs mais la mixité des tâches et les coûts inhérents à chacune
d'elle ne laisse guère d'espoir quant aux revenus. Entretenir une barque
+ entretenir une charrue et les animaux de trait... L'autosuffisance est
miraculeuse dans cette configuration.
La preuve par le bœuf :
Après la Révolution (1789), le tout nouveau régime compte les bœufs entre
autres choses. Les archives du département du Finistère conserve les états
de l'administration et des tribunaux de cette période révolutionnaire.
Les archives 23L30 – Etats des bestiaux et chevaux ans II (1793-1794)
et III (1794-1795) restituent l'inventaire du 1er fructidor (du mois de
la prune, soit le 18 août) de l'an II.
Bouvillons (jeunes bœufs châtrés) : Roscanvel : 2, Camaret : 0, Crozon
300, Landévennec 34, Argol 95, Telgruc 80.
Les bœufs de 2-3 ans : Roscanvel : 0, Camaret : 0, Crozon 200, Landévennec
24, Argol 123, Telgruc 116.
Les bœufs de 4 ans : Roscanvel : 0, Camaret : 0, Crozon 100, Landévennec
12, Argol 71, Telgruc 49.
Grands bœufs : Roscanvel : 0, Camaret : 0, Crozon 50, Landévennec 58,
Argol 99, Telgruc 120.
Ouest maritime : Roscanvel est une zone militaire close par les lignes
de Quélern. L'agriculture y est minimale ; entre les terrains militaires,
nul besoin de bœufs. Le bétail pâture les prés de l'armée grâce à des
baux obtenus par adjudication. Un coût qui n'est pas à la portée de tous
les paysans.
Camaret est d'abord un port de pêche à forte activité sardinière, puis
viendra le temps de la langouste.
Crozon (Lanvéoc compris) est une commune très étendue dont l'Ouest est
maritime et l'Est agricole. Une bipolarité qui réduit les essors économiques
par l'incapacité à défendre une identité sans ambiguïté. La compensation
par l'élevage ovins est insuffisante.
Est agricole : Landévennec est une commune dont une grande partie de son
territoire est un massif forestier – Forêt domaniale – qui dispose
aussi de belles parcelles cultivables avec une sorte de microclimat appréciable.
Argol (hors Trégarvan) et Telgruc sont les communes agricoles qui malgré
les difficultés de rendement cherchent l'exploitation des terres par les
semences céréalières mais aussi la culture du lin pour les tissus et surtout
du chanvre pour les cordages...
Les bœufs se négocient dans les foires (la principale à Lanvéoc, alors
quartier de Crozon) et sont la preuve de la réussite sociale d'un agriculteur.
Un bœuf vous sort de l'ornière, deux vous font vivre raisonnablement,
quatre vous classent parmi les nantis. Rares sont les agriculteurs ayant
deux paires de bœufs pour l'attelage de charrues à la fin du 18ème siècle.
La qualité des attelages est un marqueur social comme peut l'être la voiture
aujourd'hui.
Certains agriculteurs utilisent le cheval pour tirer la charrue. Animal
du pauvre dont les militaires qui cherchent des chevaux en presqu'île,
ne veulent pas tant l'état sanitaire des bêtes est douteux. Le cheval
est néanmoins plus polyvalent. Il sert aussi à tirer les tombereaux de
goémon.