Réplique (1990-92 - "Marie-Claudine") d'une chaloupe traversière à deux mâts.
Maquette : chaloupe à un mât de Gérard Maréchal en l'église de Lanvéoc.
Les chaloupes de la rade de Brest dont la longueur moyenne
était de 10 à 12 mètres, opéraient des rotations à la journée entre un
port d'attache et des ports de livraisons de la rade. Embarcation à tout
faire en bois à faible tirant d'eau, éventuellement coquillier, mais surtout
transporteuse de matériaux, denrées, animaux et personnes.
Les patrons prenaient des charges selon l'offre du jour. Le temps de traversée
de la rade de Brest de part en part était de trois heures et jusqu'à cinq
heures pour les plus longues distances. Par les voies terrestres, il eut
fallu compter en jours. Les chaloupes précédèrent le travail des bateaux
à vapeur qui succéderont au cours du 19ème siècle avec davantage de capacités
en tous genres.
En attendant le temps de l'extinction, les transports les plus incongrus
ne manquaient pas. Religieux et religieuses, instituteurs et institutrices,
journalistes, juges, policiers, fonctionnaires, administratifs, transports
coquins... Des messieurs de la presqu'île partaient en virées brestoises.
Des dames de petites vertus de Recouvrance venaient au chevet des militaires
en garnison rongés par l'ennui en presqu'île. Mais aussi transports de
pèlerins pour les processions. Transports de chevaux pour l'armée ou la
noblesse. Transports de bestiaux et de son fermier pour les foires. Sans
oublier le grain, la chaux, les briques réfractaires souvent pour le fort
de Brest et son armée mais pas seulement. Transports de granit pour les
forts, de kersanton pour les églises et les manoirs. Fagots, bois de charpente,
tissus, lin, fruits, légumes, alcools, pêches, maërl, goémon... En ce
qui concerne le transport du charbon et des dérivés, la chaloupe se nommait
grésillon.
Le tout surveillé par les postes de douane de chaque port ayant pour mission
de déterminer si le prélèvement de l'octroi (imposition sur marchandises)
s'avérait utile.
Il faut se représenter la rade de Brest avec sa flotte de guerre au mouillage,
ses vaisseaux de ligne et ses petites barques à voiles qui grouillaient
tout autour. Une densité commerciale avec des départs et des arrivées
sur la plage ou la grève. Il fallait échouer en l'absence de quai ou de
cale. Tout un art. Les temps de chargement et de déchargement seront plus
courts quand chaque port aura sa cale en eau profonde.
Chaque région développa des plans de construction marine en tenant compte
des conditions de navigation habituelle afin de rendre un semblant de
sécurité. Bien des accidents survinrent cependant avec des marins et des
passagers qui ne savaient pas nager. Des pertes de cargaison... De l'alcoolisme
parfois. Qu'importe, la rade fut le moyen le plus commode pour participer
aux maigres élans commerciaux locaux. La vie économique de la presqu'île
de Crozon végéta grâce aux importations et aux exportations en rade de
Brest. Sans ces liens maritimes, la vie fut bien plus reculée qu'elle
ne le fut déjà. Les derniers traversiers naviguèrent jusqu'aux années
1960 pour des transports devenus annecdotiques, du sable, quelques bois...
Pour les personnes, la voiture et le train avaient changé la nature des
déplacements...