Les colonnes de justice de Plourin.
Un aristocrate devait au moins être baron, vicomte ou comte
pour tenir de droit basse, moyenne et haute justice au nom du roi. Basse
justice : litige. Moyenne justice : délit mineur. Haute justice : délit
pouvant entrainer une condamnation à mort. En théorie seulement... Dans
les faits, le condamné pouvait être exécuté pour un délit mineur, tout
dépendait de la docilité du peuple envers son seigneur.
Afin de rappeler le degré de justice du comte de Crozon, bien que le titre
échut à différentes familles aristocratiques, on érigea des fourches patibulaires
sur le Menez Luz en Telgruc quand la famille de Rosmadec portait le titre
du comté de Crozon
et en Poulmic quand la famille éponyme détenait le titre. Précédemment,
le gibet de Crozon se situait dans la lande qu'occupe le fort
de Crozon. Chacune de ces familles avait eu le droit à quatre piliers
en pierres. Les quatre piliers de justice disposés en carré sur un mont
(menez en breton) rappelaient à la population que leur seigneur avait
un droit de vie ou de mort. Avoir deux piliers en son fief montrait un
rang inférieur de pouvoir de justice, un simple seigneur avait un droit
de haute justice exclusivement, moyenne et basse justices lui étaient
interdites. Officiellement l’attribution des piliers était ordonnée :
au roi un nombre de piliers autant que voulu, au duc 8 piliers, au comte
à baron 4 à 6 selon les services rendus à la royauté, 3 au châtelain méritant
et deux au seigneur banal pour le plus remarquable d'entre-eux. L'attribution
était rédigée sur une charte et détaillait la qualité de haut justicier
du seigneur et autorisation était donnée "d'élargir sa justice patibulaire
à 4 piliers (par exemple) en reconnaissance des bons et loyaux services".
Les seigneurs banaux avaient un droit de basse justice exclusivement (sauf
exception), ainsi, en des temps troublés, ils osaient se fourvoyer dans
des procès de haute justice pour couvrir leurs méfaits.
Chaque monticule choisi était nommé "montagne des patibulaires". Après
un procès souvent bâclé, souvent à charge et toujours dans l'utilité politique
d'assurer l'autorité du comte de Crozon, on torturait au passage, on estropiait
si nécessaire, pour que la faute fut expiée devant un homme d'église,
en réalité pour mettre le désigné coupable en une telle souffrance qu'il
ne put contester son jugement et demandait qu'on l'acheva au plus vite.
Au delà, on pouvait pendre un cadavre mutilé sur une des barres horizontales
des patibulaires. Parfois le condamné était pendu en public tenu à distance.
Quoiqu'il en soit, les corps pendus restaient jusqu’à la putréfaction
picorés par les corbeaux. Les villageois avaient une vue imprenable sur
leur destin en cas de faux pas. Pour faire justice, le noble devait disposer
d'une prison accréditée et était entouré d'un sénéchal, greffier, procureur,
lieutenant, sergent avec droits de sceaux de police de percevoir des émoluments.
Le peuple devait payer ses "juges" ! Sans oublier un bourreau à discrétion.
Il pouvait se produire une discordance entre le pouvoir royal et le pouvoir
seigneurial, le présidial de Quimper (tribunal) rejugeait en appel.
Les fourches patibulaires de Telgruc et du Poulmic étaient en ruines à
la fin du 17ème siècle. Il subsiste une trace administrative de l'exécution
d'un voleur : le 21 juillet 1633, François Rouxel condamné en appel par
le présidial de Quimper, fut "pendu et étranglé" aux patibulaires du Poulmic
suite à un "vol domestique". Les écrits décrivent la version des quatre
piliers en pierres (colonnade à la romaine) avec dans cet espace délimité
infranchissable pour le commun des mortels (la justice royale est divine)
quatre poteaux en bois en carré avec des barres de pendaison horizontales
en bois elles-aussi. La stylisation des fourches patibulaires affichaient
bien évidemment la fortune du comte de Crozon quel qu'il fut.
L'origine des fourches patibulaires est romaine. Les
Romains suspendaient par le cou un condamné à un poteau fourchu et le
fouettaient à mort.
L'expression mine patibulaire fait référence au visage d'un pendu déformé
par la souffrance lors de son exécution.
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