La publication des mariages à Crozon du 16 novembre au
15 décembre 1923 enseigne plusieurs faits sociaux de l'époque. On se marie
avec un-e fiancé-e résidant à proximité de son domicile, voire avec le-la
voisin-e. Les professions exercées sont très peu diversifiées et très
représentatives des carrières accessibles à une population qui ne peut
faire des études car vivant dans un milieu rural pauvre éloigné des facilités
de l'éducation. Un homme n'est pas pêcheur toute l'année, hors saison,
il est cultivateur. Le métier de couturière est un talent apprécié qui
permet à une femme de s'extraire du monde agricole excessivement rude
mais là encore, pas de méprise, les travaux de couture ne remplissent
pas une journée de labeur, les journées au champ, dans la lande, ajoutées
aux journées de corvées domestiques, rythment une vie de femme laborieuse
jusqu'à l'usure.
Joseph Quézédé, marin-pêcheur et Jeanne-Marie Yvonnic/Yannic, cultivatrice
à Quézédé. Distance = 0.
Pierre Binet, marin-pêcheur à Kéréon et Augustine Thomas, couturière à
Goulien. Distance = 500m.
Auguste Le Roy, cultivateur à Tréyout et Jeanne Binet, cultivatrice au
Moulin à eau de Dinan*. Distance = 5km.
Alain Binet, cultivateur, au Moulin à Eau de Dinan* et Maria Daniélou,
cultivatrice à Dinan. Distance = 500m.
Louis-Marie Lastennet, marin-pêcheur à Kersuet et Geneviève Boucharé,
couturière à Perros-Poullouguen. Distance = 3km.
Auguste-François Salaün, marin-pêcheur au Fret et Caroline-Marie Gara,
cultivatrice à Kervian ( Camaret
ex-Crozon ). Distance = 5km.
Louis Lescop, marin-pêcheur à Tréflez et Yvonne Capitaine sans profession
à Morgat. Distance = 500m.
Jean Riou, marin-pêcheur à Morgat et Marie Françoise Lescop, cultivatrice
à Tréflez. Distance = 500m.
Auguste Sénéchal, marin-pêcheur à Rostudel et Marie-Jeanne Marchand, cultivatrice
à Kéravel. Distance = 2km.
Jean-Louis Tanniou, cultivateur à Lescoat (Manoir) et Marie Briec, cultivatrice
à Plomeur-Quintin. Distance = ?
Jean-Pierre Thépahny, marin-pêcheur à Kéréon et Perrine Cornec, cultivatrice
à Gaoulac'h. Distance = 1km.
Eugène-Marie Sénéchal, marin-pêcheur à Montourgard et Elisa Kerdreux,
couturière à Montourgard. Distance = 0.
Jean Kerdreux, marin-pêcheur à Montourgard et Claudine Nicolas sans profession
à Morgat. Distance = 2km.
Albert Téréné, hôtelier à Morgat et Hélène-Georgette-Marie Douce sans
profession. [Seule personnalité argentée qui côtoie la bourgeoisie morgatoise,
propriétaire de l'hôtel
de la Plage.]
Quelques remarques :
Les marins-pêcheurs n'ont pas de port à portée de sabots, ils doivent
marcher dans la lande ou des chemins creux, descendre une falaise et rejoindre
la barque sardinière au mouillage dans une crique. Si la saison est tumultueuse,
la barque est remontée sur le haut de la falaise à dos d'hommes.
Comment se rencontre-t-on si l'on est pas voisins ? Au bal ! Seule réjouissance
populaire condamnée par l'église si le jour tombe, à peine tolérée sous
un soleil de midi. Les curés
veillent. La fête est excessivement codifiée et malheur aux filles "légères".
L'homme "étalon" provoque éclats de rires et fierté des géniteurs
mais une fille peu farouche, dès la moindre moue, est vilipendée.
Une fiancée vierge est une garantie de moralité pour la famille sachant
qu'une fille est un fardeau financier pour les parents. Un fils, ce sont
deux bras utiles.
Les jeunes-femmes des bourgs ou villages peinent à trouver un emploi car
en dehors de la terre, point de salut. Ce sera un peu moins vrai, le temps
des conserveries de poissons où ces femmes seront des employées salariées.
Il y aura quelques emplois dans la station balnéaire de Morgat, mais l'aristocratie
industrielle fait suivre son personnel durant la villégiature.
Les mariages de voisinage s'accompagnent d'accords agricoles : échanges
ou prêts de matériels, associations dans les frais et les profits, préservation
du patrimoine, etc.
Il n'est pas rare de regrouper plusieurs mariages le même jour. Marier
deux frères le même jour, par exemple, réduit les frais.
Un mariage est l'occasion de montrer une position sociale : il faut montrer
le bel habit pour se distinguer, quitte à puiser dans les maigres économies
des parents. Les habits des mariés et des parents sont scrutés. La richesse
du filage constitue la preuve irréfutable de l'aisance familiale.
Parler mariage c'est aussi relater le drame des mariages
consanguins bretons.
Quant au divorce ? Mieux
vaut faire ses comptes et assurément les comptes sont faits tandis que
le curé veille !
* Moulin à eau de Caledan déjà inactif avant la première guerre mondiale. Construit sur le ruisseau local.