Bien qu'issue de l'Antiquité, au 19ème siècle et au début
du 20ème, la pêche à la sardine est une activité majeure. Pêche essentielle
de survie car la principale nourriture de la famille du pêcheur est la
sardine, tous les jours de la semaine.
En presqu'île de Crozon, soit dans le port de Morgat et de Camaret-sur-Mer
pour l'essentiel de la flottille, la pêche de la sardine se pratique du
lundi au vendredi, en général tôt le matin sur un bateau de pêche sardinier,
une barque longue de bois sur laquelle 5 à 6 hommes sont embarqués. Chacun
est venu avec son filet de pêche dont il est propriétaire et dont il doit
assurer l'entretien.
Le "bulletin météo" est le fruit d'une concertation avec les
anciens. La direction du vent et l'état de la mer sont les deux indicateurs
principaux. A Camaret-sur-Mer, la pierre du conseil fait office de station
météorologique.
Chaque patron de pêche a ses zones favorites dans la mer d'Iroise, néanmoins
la présence d'oiseaux marins en plongeons répétés sur une mer qui semble
grouiller d'une activité étrange en surface est le meilleur des indices.
Les bancs de sardines sont si intenses que l'océan tout entier semble
frétiller.
Pour un affolement général, un peu de boette (appât – poissons hâchés)
mais surtout de la rogue (œufs de morue), est jeté à la mer. Chaque
pêcheur jette son filet puis se fait aider pour le ramener à bord. Le
filet de coton bleu à petites mailles coincent les sardines au niveau
de la tête. Le contenu du filet est versé sur le pont ou dans le fond
de la barque puis agencé dans des caisses de bois empilées ou des paniers
en osier. Les dernières sardines sont enlevées une à une du filet. Progressivement
le bateau se remplit.
Un repas chaud est possible à bord sur un petit réchaud à feu de bois.
De la soupe de poissons, la cotriade, un peu de pain, du vin et l'on reprend
la pêche.
Le sardinier revient à son port d'attache dans l'après-midi à partir de
15 heures si la pêche a été bonne, plutôt vers 18 heures quand la journée
est mauvaise.
Le pêcheur reprend son filet et un panier de sardines en guise de première
rémunération. Le reste s'estimera en fonction de la vente du produit de
la pêche et selon l'humeur du patron pêcheur, qui lui-même aura subi l'humeur
du conserveur. Les cours sont bas.
Les épouses et fiancées attendent sur le quai en tricotant. Elles ont
vécu les corvées domestiques et le travail au champ depuis le matin, elles
vont travailler à l'usine de conserve jusqu'à 23 heures voire plus si
le travail ne manque pas. Les fritouzens étêtent les sardines une à une...
Le couple se croise la nuit.
Le samedi est le jour de l'entretien du bateau de pêche ainsi que des
filets qui se déchirent facilement et dont il faut refaire les mailles.
Enfin les filets sont accrochés au mât pour un séchage complet déterminant
pour la durée de vie de celui-ci.
La moitié des maigres revenus passent dans la consommation de vin dans
les débits de boisson. Heureusement que le salaire des ouvrières des conserveries
font la jointure.
Un pêcheur malade prête son filet et seulement la moitié de la valeur
de la pêche lui revient, c'est toujours cela, la solidarité est une tradition.
La chaloupe dure 10 ans au mieux, elle est régulièrement enduite de coaltar
afin d'éviter le pourrissement.
Situation économique de la pêche à la sardine en 1897.
Une barque sardinière a 5 hommes à bord plus le patron de pêche.
L'usine de conserverie achète 4 à 5 frs le mille de sardine (lot de 1000
sardines).
Les prises sont limitées à 8000 sardines par bateau par jour. Au delà,
les prises sont versées au syndicat de la pêche.
Le prix du baril de 100 kg de rogue de Norvège dont le grossiste est à
Douarnenez, est de 57 frs. Une journée de pêche consomme pour 20 frs de
rogue.
Le patron reverse à chaque pêcheur 1/12ème de la pêche soit 3.25 frs.
16.25 frs pour l'équipage + 20 frs de rogue = 3.75 frs de bénéfice pour
le patron hors entretien du bateau et du matériel sur une vente de 8000
sardines à 40 frs.
Les 47 bateaux de pêche restent au port de Camaret en juillet 1897 pour
cause de grève, une grève très dure face aux conserveurs qui ne veulent
pas augmenter les prix d'achat à 7 frs le mille... La grève s'étend à
Morgat puis à Douarnenez et plus encore grâce à l'influence d'Yves Morvan
le président du syndicat de pêche de Camaret qui parvient à fédérer les
autres ports. Les industriels cèdent car leurs usines sont à l'arrêt.
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