L'ancienne voie romaine Camaret Kerloc'h.
Lors de l'évocation des voies romaines, on peut être
tenté d'imaginer des routes pavées rectilignes de la largeur de nos routes
de campagne. Ce fut le cas à proximité des cités majeures de la civilisation
romaine mais rien de tel en presqu'île de Crozon.
La réalisation d'une "via" romaine était basée sur le principe
de la continuité causant autant de ruptures que nécessaire dans les obstacles.
La "via rupta" – voie frayée – était l'apanage du
génie romain à construire des routes de grande qualité et savamment entretenues.
L'armée, des prisonniers, des esclaves, la main d'œuvre était toujours
active. Avec le temps, rupta est devenue route en français.
Cette carte est une hypothèse.
La départementale d'aujourd'hui remplace la voie romaine en empruntant parfois le même trajet ou en étant parallèle à celle-ci.
La tribu Osismii – Osismes - « Ceux du bout du monde »
- perd l’hégémonie de son territoire (Bretagne Ouest) en 56 av JC (56
avant Jésus-Christ) devant l'avant garde romaine commandée par le Consul
Publius Crassus posté dans la région de l'actuelle ville d'Angers. Désigné
par l'empereur de Rome, Jules César, sa mission consiste à soumettre les
populations gauloises de L'Ouest. Il ne s'agit pas d'une guerre totale
avec une défaite à l'instant T mais d'intrusions et de renforcements de
troupes romaines progressifs avec des confrontations sporadiques meurtrières.
A ce titre le consul Crassus comprenant qu'il n'y a pas de victoire décisive,
celui-ci craint une révolte des peuples soumis.
Pour que les troupes romaines circulent rapidement, il faut à la disposition
des légions des voies rapides, en bon état, pour mener les soldats dans
les territoires occupés afin d'éteindre les possibles rébellions. La presqu'île
de Crozon dont la seule position stratégique est l'anse de Dinan que les
romains tiennent absolument à surveiller au vu de leur commerce maritime
qui passe au large, bénéficie rapidement d'un camp
militaire au Kerloc'h. En effet, les Osismes de la côte, navigateurs
expérimentés, pourraient être tentés de capter les richesses et les marchandises
romaines pour perpétuer une guérilla préjudiciable. Pour le reste du territoire
de la presqu'île de Crozon, quelques camps romains suffisent à imposer
la loi romaine petit-à-petit.
Les ingénieurs romains reprennent les voies gauloises en les rénovant,
en les agençant et en les imbriquant davantage. Un axe passant au centre
de la Bretagne et se prolongeant jusqu'à la région du Mans nommé « Hent
Ahès » – Chemin (breton) d'Ahès, maîtresse bretonne des chemins
de l'Armorique est profondément amélioré, simplifié, élargi, stabilisé
– via terrana (sable - gravier - terre) – avec empierrement pour
les parties boueuses à circulation intense – par les romains pour
en faire une voie de niveau élevé : une via militaris / via consularis
de la Lyonnaise (la presqu'île de Crozon fait partie de l'administration
romaine de Lugdunum – Lyon). Le carrefour régional est à Vorgium
(ex capitale des Osismes) – Ker Ahes – Ville d'Ahès – Carhaix.
La via militaris (viae militares au pluriel) de la presqu'île passait
au Sud du Ménez Hom bien qu'un raccourci moins praticable pour les charges
lourdes, est supposé passer au Nord (futur Grand Chemin au 18ème siècle),
puis au Sud d'Argol, et enfin Telgruc, Crozon, Kerloc'h, Camaret.
La colonisation irréversible de la Bretagne par les romains se passe lentement
et sûrement avec l'aide de l'élite gauloise qui voit une opportunité financière
non négligeable de collaborer avec l'occupant sachant que les romains
distribuent des fonctions rémunérées et des titres à qui veut bien participer
au rayonnement de la nouvelle civilisation gallo-romaine.
Après l'engagement militaire de 30 ans, les légionnaires ne reviennent
pas dans leur pays d'origine et s'installent définitivement sur leur lieu
de garnison tout en fondant des familles avec des gauloises. Les meilleurs
gestionnaires développeront des propriétés agricoles significatives ou
des entreprises locales (fours à terre-cuite, à fer...). Leurs lignées
seront les premiers nobles du futur régime féodal.
Il n'y a aucune trace connue, d'une cité romaine en presqu'île – civitas
(civitates au pluriel) – par contre la presqu'île est « persillée » de
villae rusticae (villas-fermes luxueuses) et de pagus (hameaux) liés par
des voies vicinales – viae vicinalis (voies de voisinage) – et voies
privées des domaines agricoles – viae privatae. Différents débris archéologiques
permettent de l'attester.
Lors des craintes géopolitiques d'un effondrement de l'empire romain par
des invasions barbares, les gallos-romains renouent avec les travaux publics
intenses et ajoutent une nouvelle génération de voies avant l'abdication
du dernier empereur romain en 476. Certains historiens privilégient cette
datation pour les voies romaines ayant existé en presqu'île de Crozon.
Il n'y a pas d'éléments factuels précisant la moindre datation du réseau
presqu'îlien.
Au-delà de cette date de l'effondrement romain, le moyen-âge occidental
va être une reculade manifeste en tous domaines et les voies connaîtront
des abandons notoires.
La gestion du territoire crozonnais par l'abbaye
de Landévennec va s'avérer calamiteuse durant des siècles et ce n'est
que sous le roi Louis XIV (14) que les chemins vont être remis au goût
du jour en réemployant des voies romaines parfois.
En dehors de la via militaris de la presqu'île, cette dernière a une voie
romaine, l'ex « Hent Meur » – Grand Route – des gaulois qui
longe la baie de Douarnenez jusqu'au cap Sizun. Une autre voie moins certaine
passe au Nord de la Presqu'île d'Ouest en Est pour atteindre le Faou après
un passage maritime à Térénez.