La plage de Pen-Hat /Pen-Had, célèbre pour ses grottes, ses cadavres d'antan et ses dangers d'aujourd'hui. En fond, la Pointe du Toulinguet.
Dans l'anse de Dinan, le 11 décembre 1886, la découverte
macabre d'un corps humain, probablement celui d'un marin, non identifiable
puisque sans tête, ni bras. Il lui restait la jambe gauche jusqu'au genou
et encore, toute désarticulée qu'elle était, il lui restait peu de temps
à rester attachée avant d'échouer sur le rivage. Indice : la ceinture
de cuir large et noir d'un marin. Les lambeaux de tissus vestimentaires
étaient en drap épais. L'homme portait un pantalon à pont, fréquent au
19ème siècle et que la mode contemporaine a récupéré pour un usage plus
féminin. Au lieu d'une braguette, le rabat est un carré de tissu attaché
par des boutons parallèles. Les autorités municipales de Crozon furent
chargées de l’inhumation au cimetière du bourg comme la loi l'imposait.
L'affaire en elle-même n'est qu'un triste fait divers vite oublié. Cependant,
la côte de la presqu'île de Crozon fut « semée » de dépouilles majoritairement
méconnaissables que la mer recrachait selon les marées et les courants.
Quand un naufrage de pêche se produisait dans les parages, la population
s'attendait à revoir certains marins connus d'eux dans les jours et les
semaines proches. Les riverains regardaient un peu plus cette côte déchiquetée
dans l'espoir de restituer les corps aux familles endeuillées.
Des cadavres étaient repêchés en mer comme celui du marin pêcheur Bernard
Brozennec de l' « Amour-du-travail » disparu en décembre 1910 et retrouvé
début janvier 1911 par le patron pêcheur du « St Clément », Pierre Guigihou.
Mais bien plus souvent, il s'agissait de marins civils/voyageurs ou militaires
dont on ignorait tout. On tentait une identification grâce aux vêtements,
certains portaient une marque ou un style reconnaissable quand l'habit
était de bonne facture. On cherchait le bijou gravé, le portefeuille encore
en état... En temps de paix, il y avait des échanges d'informations entre
les autorités maritimes de différents pays quand les victimes semblaient
provenir de la haute société et que leurs vêtements permettaient une localisation
probable de l'origine des cadavres. Une dentelle espagnole avait peu de
risque de se confondre avec une dentelle irlandaise... Certains naufragés
provenaient de loin. Bagarres à bord, hommes ou femmes à la mer lors d'un
coup de vent... Les défunts du bord avaient le corps lesté avant d'être
jetés par dessus bord, ils coulaient à pic pour l'éternité et ne resurgissaient
pas sur le rivage.
Si aucun signe religieux non catholique n'était détecté sur le corps échoué,
la sépulture avait une croix chrétienne en bois numérotée dans le cimetière
de la commune. Tout ce qui n'était pas catholique était jeté dans une
fosse commune sans trace, ni repaire... L'exemple le plus significatif
des fosses est celui des grenadiers Anglais de la bataille
de Trez Rouz.
Bien sûr en temps de guerre, les morts flottaient fréquemment car les
conflits mondiaux se passaient autant sous la mer que sur la mer. Navires
torpillés, minés, bombardés... Sans oublier les aviateurs noyés ou tués...
Cadavre inconnu le 17 décembre 1918 à Pen-Hat, un autre le 31 décembre
1918 à Porzh Créguen en Crozon.
L'histoire se répète. Le 7 juillet 1940, le cadavre du quartier maître
François Thépault du « Vauquois » (aviso de classe Arras de la Marine
nationale français) miné au large du Conquet qui fit 132 victimes, fut
retrouvé sur la plage de Pen Hat en Camaret, un second cadavre échouait
à Porzh Créguen en Crozon.
Les suicidés de la côte étaient soumis à la plus absolue discrétion, puisque
vouloir mourir était condamné par l'église. On parlait parfois de chute
accidentelle ou l'on se taisait du mieux que l'on pouvait afin que la
dépouille pût être accueillie par le curé de la paroisse en la sainte
église. Les familles vivaient le déshonneur dans une honte persistante
que les voisins rappelaient en cas de friction...
Le 11 novembre 1923, le cadavre de Jacques B., 46 ans, cultivateur, est
retrouvé à Postolonnec. Crâne fracassé par les rochers. On évoqua un suicide
mais l'homme était réputé pour être sous l'emprise de fièvres ravageuses,
ce qui lui conféra un statut "acceptable" aux yeux de la paroisse.
Des enfants imprudents glissaient sur les rochers par leurs jeux dangereux
et que l'on repêchaient avec précaution parce qu'ils étaient considérés
comme des anges... Nombreux étaient ceux qui ne savaient pas nager...
Aujourd'hui, la mer recrache moins de cadavres, bien que subsistent des
morts par imprudence chaque année. Désormais la mer renvoie des plastiques
en abondance...
Pendant des siècles, les hommes de la presqu'île mouraient d'abord de
la mer, puis des conditions de vie insalubres et d'alcoolisme avec quelques
expositions aux épidémies
périodiquement. A l'apparition de l'automobile, la mort s’intéressa aux
terriens. L'accident marin perdit de son importance pour faire place à
la mort par accident automobile... C'est toujours le cas.
Les morts de notre temps :
Un octogénaire retrouvé dans sa voiture immergée face à Lanvéoc le 20
novembre 2020. Un homme recherché depuis plusieurs semaines qui a séjourné
au fond de la rade tout autant.
Un jeune-homme chute des rochers de l'îlot
des Capucins le 30 septembre 2021. Son corps est retrouvé le 8 octobre
à la pointe de Kerviniou. Imprudence...
Trois noyés en trois jours à l'été 2023 (7-8-9 juillet). Un septuagénaire
tente de nager de la Palue à Lostmarc'h (plages interdites à la baignade),
il se noie. Zones à forts courants fréquentées par les surfeurs. Une famille
de 4 personnes se lance à la nage dans une mer qui commence à s'agiter
au Veryac'h. Les habitués sortent de l'eau. Les touristes sont emportés
au large à 100 m. Les deux adolescents rejoignent la côte épuisés et en
hypothermie. La mère est secourue par les sauveteurs de la SNSM de Camaret.
Le père meurt d'un arrêt cardiaque après les efforts consentis pour tenter
de revenir vars la plage. A Dinan, un vacancier connaissant la région
depuis des années perd la vie en mer.
16 juillet 2023. Un quarantenaire se baigne dans les eaux de Roscanvel,
tardivement, dans la soirée du 16 juillet 2023. Alerte à 22h40 par témoin.
Les secours le retrouvent et le repêchent, la nuit. Il meurt à l'hôpital
de Brest.
Comment se noie-t-on en presqu'île de Crozon ?
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