Différents affichages, sous des formats différents, apparaissent en presqu'île de Crozon comme dans les communes rurales voisines.
Employer l'expression « désert médical » est mal vu car
certains optimistes argumentent sur le fait que le service minimum est
assuré même si parfois quelques frayeurs de recrutements se font jour
régulièrement. Les pessimistes emploient l'expression (surtout à propos
de l'absence de spécialistes) en se souvenant du bon vieux temps où les
médecins ne manquaient pas, et l'idée même d'un manque était inenvisageable...
Pourtant...
La commune de Camaret-sur-Mer n'a plus de médecin de famille, fini les
tournées du médecin généraliste dévoué toute l'année du matin au soir
jusque tard dans la nuit quand l'urgence médicale venait frappé à sa porte.
Etre médecin à Camaret, c'était aimer les chemins creux, la boue, la pluie
et les rémunérations en nature parfois ou à tempérament... Il fallait
un véritable tempérament effectivement pour pratiquer la médecine dans
un port de pêche où les blessures et l'usure des hommes étaient monnaies
courantes. Les femmes tenaient à peine plus debout tant les tâches étaient
harassantes et les enfants mourraient vite, trop tôt, par mal nutrition
et autres maladies des pauvres quand ce n'était pas une épidémie générale.
En 1897, Camaret-sur-Mer gronde de toute sa colère car le commissaire
de l'inscription maritime Lespôron ne trouve pas de remplaçant au poste
de médecin laissé vacant. Voilà des mois que l'attente ne mène à rien.
Les habitants sont en colère. Le commissaire n'a pas molli dans ses correspondances,
dans ses discours pour faire savoir qu'être médecin à Camaret-sur-Mer
est un bel avenir assuré, des primes sont proposées... Huit mois plus
tard, toujours rien, personne. La presse se fait l'écho de la quête désespérée.
Des réunions publiques sont organisées pour trouver des solutions et faire
avancer le dossier fiévreux. Très inquiète de l'absence de médecin, la
population s'est résignée à verser une cotisation pour assurer un revenu
décent au praticien. La pauvreté étant ce qu'elle est, la mauvaise santé
étant pire que la pauvreté, lors d'une réunion publique de 229 chefs de
famille, le 8 avril 1897, un comité de gestion de crise est formé avec
à sa tête le maire Mr Martin Amédée, le commissaire Lespôron, Messieurs
Raoul, Garrec, Joly, Morvan, Le Dô, Belbéoch et Lucas. Population de l'époque
: environ 2000 habitants.
La commune de Camaret-sur-Mer fait savoir ses déboires pour recruter des
médecins dans la presse, on en parle aussi dans les médias régionaux.
Il subsiste un seul médecin en 2021 qui a lui seul ne peut faire face
aux besoins de soins des Camarétois. Appels dans les réseaux sociaux,
communications en tous genres, annonces dans les journaux spécialisés...
Quelques approches de médecins sont rapidement découragées par les conditions
de travail. La population est mécontente, la municipalité est sous pression
et argumente que le problème du logement du praticien est crucial, l'aide
à l'installation comme mettre à disposition une secrétaire médicale rémunérée
par la commune est illégal. Un emploi pour le-la conjoint-e du soignant-e
ne serait pas un luxe. L'école pour les enfants n'est pas dans sa meilleure
configuration. Une pétition obtient 600 signatures. Il s'ensuit une réunion
publique le 2 octobre 2021 composée de 300 Camarétois impatients, inquiets
du désert médical qui s'installe insidieusement dans leur commune ; ils
envisagent une manifestation lors de la venue du représentant de l'ARS
– Agence Régionale de Santé. Mettre en place un cabinet de santé coûterait
1,2 million d'euros à la commune paraît-il... Certains renâclent devant
la frilosité municipale en argumentant qu'il y a bien des dépenses dans
des domaines où les euros pleuvent comme une bonne pluie de printemps.
Population de moment : environ 2400 habitants mais avec une population
en villégiature élevée... En 2022, un projet de maison médicale pluri-professionnelle
de quatre pièces d'une valeur de 640 000€ est arrêté... Deux médecins
pourraient suivre...
125 ans séparent les deux événements identiques. Mêmes attentes, mêmes
impuissances... Mêmes solutions évasives en attendant les bons augures...
Une sorte de réplique parfaite...