Il n'est pas rare que des toponymes se répètent sur des
territoires de proximité en Bretagne. Parfois le nom d'un lieu est décliné
dans différentes variantes ayant la même origine descriptive ou spirituelle.
Voici un cas en presqu'île de Crozon : une Pointe de Pen ar Vir
se situe à Lanvéoc au Nord mais sa jumelle la Pointe de Pen ar Vir se
situe au Sud à Telgruc-sur-Mer. Quelques kilomètres les séparent.
Pen ar Vir ou Penn ar Vir : Pen (assimilé à Pointe – certaines traductions
donne le mot taille du verbe tailler. Beg est aussi une pointe) Vir (Flèche
qui se dit aussi bir). Pointe de la flèche désigne une avancée rocheuse
très pointue dans la mer. Certaines sources parlent de façon pratique
de pointe à virer. Une signification maritime que les pêcheurs ont peut-être
attribué en fonction de leurs ressentis face à des éperons rocheux qu'il
valait mieux contourner.
La redite du toponyme est-elle une volonté délibérée de renseigner ou
simplement fortuite ? Mystère. Les pêcheurs du Nord et ceux du Sud n'avaient
sans doute pas beaucoup d'occasions de se rencontrer. Pêcher dans la rade
de Brest et pêcher dans la baie de Douarnenez, revenait à pêcher au Pôle
Nord pour les uns et au Pôle Sud pour les autres. La société bretonne
fut longtemps extrêmement cloisonnée. Seuls quelques liens commerciaux
permettaient des échanges réservés aux commerçants, aux bourgeois, aux
nobles...
Tal Ar Groas : toponyme repérable en trois lieux distincts
sur la presqu'île de Crozon. Un grand carrefour en Crozon, un lieu-dit
en Argol et en Telgruc-sur-Mer. La traduction de Tal ar groas est "à côté
de la croix". Comme si cela ne suffisait pas, des parcelles de terre ont
aussi intégré ce nom ou des variantes de celui-ci. Il est possible que
la croix fut un calvaire disparu aujourd'hui dans certains cas mais l'idée
d'un carrefour en forme de croix, de parcelles de terrain en propriété
en forme de croix, semble plus probable. Tal ar Groas en Crozon fut à
son origine le croisement des voies Nord-Sud et Est-Ouest de la presqu'île
de Crozon bien avant que le carrefour ne fut habité et qu'il y eut une
première église, un premier calvaire.
Place est donnée aux noms de cultes païens puis chrétiens (les saints
bretons francisés ensuite) sinon ce sont des termes symboliques du lieu
qui imagent le site soit en breton s'ils sont anciens, soit en français
s'ils datent du 19 ou 20ème siècle surtout quand le breton est devenue
une langue proscrite (Le rocher de la tête du Bolchevique par exemple
attribué après la révolution Russe - Camaret-sur-Mer). Quelles que soient
les langues usitées, l'imagination est une marque bretonne : la grotte
de l'Eléphant parce q'une arche ressemble vaguement à une patte, avec
beaucoup d'imagination pour les moins inventifs. Etc. Pour une population
qui majoritairement ne sait pas lire, un langage imagé est un moyen de
mémorisation appréciable. Une toponymie imaginative est une aide précieuse
pour se situer, un GPS oral.
Certains lieux connaissent des noms qui précèdent l'usage d'aujourd'hui. Le Menez-Hom fut identifié par le toponyme "Ar C'horn Tro" – "Ensemble circulaire de pics" dans les écrits religieux et les premières cartes administratives.
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