Le patrimoine architectural de la prequ'île de Crozon
laisse apparaître quelques signatures d'architectes régionaux connus,
d'autres architectes n'ont pas su construire leur notoriété, leur renommée
et redevenue poussière.
Le métier d'architecte jusqu'à la seconde guerre mondiale (loi du 31 décembre
1941) recommande la possession d'un diplôme dont l'obtention est floue,
diplôme non obligatoire. Chacun peut donc se prétendre architecte par
expérience bien que pour se faire remarquer il vaille mieux savoir dessiner
avec talent et avoir fait des études d'art pour cela. Les architectes
les plus méritants ont un poids considérable en terme de notoriété et
c'est à ce titre que certains tenteront une carrière politique. Quoiqu'il
en soit, les meilleurs font partie d'une élite sociale et sont amenés
à fréquenter la bourgeoisie ou les autorités religieuses pour leurs commandes
desquelles découlent leurs respectabilités. Le métier d'architecte est
peut-être l'un des tout premier à ne pas réclamer un titre de famille
pour espérer réussir.
Voici les principaux architectes du Finistère au 19ème
et 20ème ayant œuvré pour l'art religieux :
Joseph Bigot 48 édifices religieux : 8 néo-classiques, 35 néo-gothiques,
5 néo-romans
Ernest Le Guerrannic 26 édifices religieux : 2 néo-classiques, 18 néo-gothiques,
6 néo-romans
Jean-Marie Abgrall 12 édifices religieux : 9 néo-gothiques, 3 néo-romans
Jules Boyer 12 édifices religieux : néo-gothiques (dont trois façades
classiques)
Gustave Bigot (fils de Joseph) 10 édifices religieux : 8 néo-gothiques,
2 néo-romans
Armand Gassis 9 édifices religieux : 5 néo-gothiques, 4 néo-romans. Sur
7 des chantiers, il est lui-même l'entrepreneur.
Joseph Etienne Bigot (1807-1894)
Joseph Bigot a cumulé les fonctions d'architecte départemental du Finistère
(1835 jusqu'en 1873 nomination préfectorale) - architecte diocésain (1837
- "à vie") - architecte pénitentiaire (1872-1886), après avoir
fait de brillantes études à Quimper et s'étant particulièrement intéressé
au dessin. Il était entré aux Ponts et Chaussées et s'était introduit
auprès des architectes diocésains à Nantes. Un ultime stage de formation
à Paris à l'été 1834 puis retour à Quimper. Un grand père entrepreneur
et l'un de ses fils prendra sa succession. L'architecte travaille beaucoup
et tout à la fois entre écoles, églises, cimetières, prisons, gendarmeries,
maisons bourgeoises privées, halles, fontaines, les plans Bigot prennent
forme partout en Finistère et donc aussi en presqu'île de Crozon. Sollicité
partout, ayant son mot à dire dans les plans d'aménagement dans différentes
commissions, il se laisse tenter par la politique locale à Quimper en
tant que conseiller municipal et adjoint au maire (1870-1878). Il se fait
aussi une spécialité de moderniser les bâtis existants autant privés qu'administratifs
et religieux. Cependant les travaux privés l'inspirent moins et ne s'y
investit que mesurément. On le juge aussi trop austère parfois. Parmi
environ 50 presbytères, 60 écoles, le presbytère
de Crozon et l'école
de Saint Hernot (plans de son fils Gustave) font partie de l’œuvre
Bigot. La mairie-école de Crozon de 1856 (disparue) fut en plan par ses
soins.
Jules Boyer
Architecte de l'arrondissement de Châteaulin, il "reconstruit" l'église
de Crozon en 1866 et dessine l'école des filles de Camaret en 1875.
Armand Gassis (1839-1915)
Fils d'entrepreneur, il reprend l'affaire paternelle et de porte vers
l'architecture progressivement selon les attentes des clients et là où
se portent les chantiers. Armand Gassis a pour seule formation une année
à l’École des Arts-et-Métiers d’Angers en 1856. Il se construit une carrière
politique en étant adjoint au maire de Châteaulin avant d'être maire de
Châteaulin 1896-1903 (révoqué pour avoir refusé de laïciser une école
maternelle religieuse suite aux lois de la laïcité de 1901), conseiller
général 1899-1907, sénateur 1903-1912 dans une mouvance politique nommée
Alliance républicaine progressiste puis Gauche démocratique. Il est l'auteur
des réfections de l'église de Crozon de 1899. Les plans des écoles
de Landévennec, de l'école publique, rue de l'Ecole en Roscanvel (1910),
l'école d'Argol
(1897), le groupe scolaire et gendarmerie de Crozon (à l'emplacement de
l'école
Jean Jaurés), école de Camaret (1906), école de Telgruc (1901 - disparue)...
Abel et Gaston Chabal.
L’architecte protestant Abel Chabal d'origine ardéchoise (1844-1912),
fils de Théophile Chabal (pasteur) président du consistoire de Bretagne
avait fait l’École des Beaux Arts de Lyon et l’École des Arts Décoratifs
de Paris. Arrivé à Brest en 1874, Abel Chabal fréquente des architectes
tel que Louis Mer (1852-1928 - plan d'une des écoles de Roscanvel 1885).
Membre de la Société académique brestoise et de la bonne société il devient
très en vue et parvient à faire de premières villas
à Morgat avant que son fils Gaston ne devienne le principal architecte
de la cité balnéaire et au delà en presqu'île.
Gaston Chabal (1882-1965) est un étudiant remarquable qui aide son père
avant même d'avoir achevé ses études. L'élève dépasse le maître en notoriété.
Le style régionaliste et anglais fait fureur en presqu'île de Crozon.
Etudes à l'Ecole nationale des arts décoratifs de Paris. Outre ses succès,
il est membre d'une suite infinie d'organismes qui assoient son statut.
Membre des salons de la Société nationale de Paris en 1922 (suite à une
exposition de photos de 2 villas construites à Morgat avec des plans),
membre du Comité de direction de la Construction moderne en 1935. Vice-Président
du syndicat professionnel des architectes du Finistère, membre fondateur
du Rotary club de Brest en 1931, Président de la société des Amis des
arts de Brest 1934 (75artistes, 300 œuvres, fondateur Mr Léonard
1909), Président du syndicat des architectes du Nord-Ouest de la France
1945, membre de la Commission administrative des Hospices de Brest, Vice-président
de l’Institut finistérien d’études préhistoriques, diplômé de la société
française des Amis des arbres en 1927, membre de la délégation spéciale
de Brest à la Libération, fondateur de la Bibliothèque de documentation
artistique... Le cabinet Chabal est repris après la mort de Gaston Chabal
par le premier collaborateur Jean De Jaegher (1904-1988).
.
Aimé Freyssinet (1881-1947). La villa
Kerlisanton en Morgat.
Roger le Flanchec (1915-1986)
Architecte reconnu par les initiés, méconnu du grand public, il étudie
aux Beaux-Arts de Rennes, travaille pour un cabinet à St Brieuc, réalise
sa première villa tonitruante à 21 ans en reléguant les architectes régionalistes
tel que Gaston Chabal au rayon des antiquités. L'architecture moderne,
un style à la Corbusier, naît en Bretagne non sans mal. Cet homme n'est
pas enclin à s'inscrire à l'ordre des architectes. Le diplôme D.P.L.G.
avait pour signification inattendue « dépucelé par le gouvernement ».
Il y consentira en 1947 afin de poursuivre son travail dans la légalité.
Outre son talent à inventer de nouvelles tendances, il a le talent des
conflits en tous genres qui se terminent parfois en procès. Les municipalités
voient cet énergumène du plus mauvais œil et lui interdisent moult permis
de construire. Les toits terrasses au pays des ardoises heurtaient les
sensibilités chauvines. Pourtant quelques réalisations parviennent à sortir
de terre dont l'hôtel
Moreau – Roi d'Ys à Telgruc-sur-Mer avec son toit spécifique et ses
murs colorés qui ne le sont pas moins.
De nombreux architectes ont bâti en presqu'île de Crozon, la liste est longue. Parfois il ne s'agit que d'une maison...