Le paquebot mixte - cargo frigorifique "Le Pérou" est construit
à Saint Nazaire en 1907 dans les chantiers de Penhoët sous un premier
nom "Fort de France" pour le compte de la CGT - Compagnie Générale Transatlantique
qui multiplie sa flotte de navire constamment. "Le Pérou" de 136m93 est
donc un paquebot transatlantique prévu pour assurer la liaison Le Havre,
Brest, Les Antilles, puis assure la liaison Le Havre, Bordeaux, Còlon
(Panama), ce qu'il fait dès 1908.
A titre exceptionnel, entre le 22 et 25 juin 1911, le paquebot participe
à la revue navale du couronnement de Georges V à Spithead.
En 1913-1914, la CGT affrète le navire à la Compagnie Sud-Atlantique.
L'armée réquisitionne occasionnellement le paquebot mixte pour du transport
souvent de troupe lors de la première guerre mondiale. Le Pérou ramène
les soldats Antillais, Guyanais, malades du front. Plusieurs meurent sur
le Pérou de grippe, de pneumonie, de la rougeole... Le transatlantique
transporte des soldats Américains durant l'année 1917 débarqué à Bordeaux
et St Nazaire, ceci sur un océan truffé de mines et surveillé par des
sous-marins ennemis.
Le 14 mai 1918, le Pérou éperonne au large de Start Point dans le Devon,
le Cargo Neches et fait trois victimes.
Après guerre le navire reprend ses croisières jusqu'en 1931.
Le 16 août 1929, Henri Salvador, âgé de 12 ans, débarque du paquebot au
Havre avec sa famille.
La crise boursière américaine de 1929 immobilise des centaines de bateaux
de la marine marchande. La baie de Roscanvel est le lieu de mouillage
idéal à l'abri des vents d'Ouest. Cette baie accueille dès 1930 des navires
en quasi abandon. Le Pérou y est désarmé le 7 décembre 1931 et se retrouve
parmi 6 autres navires de la CGT au mouillage en attente de jours meilleurs
dont le Jacques Cartier. Sur chaque navire subsiste un équipage minimal
de gardiennage. Les mois passent et créent de l'animation à Roscanvel
quand les marins d'attente viennent se divertir à terre. Au final, selon
certaines sources, seul un gardien et sa famille vivent sur les navires.
Un bateau vient chercher les enfants à bord pour qu'ils aillent à l'école
chaque jour. Leurs repas sont servis chez madame Le Gall, l'un des 18
débits de boissons de Roscanvel. En arrière salle, Madame le Gall fait
cinéma hebdomadaire.
En décembre 1932, une tempête du Nord-Est persiste de plus en plus violemment,
6 navires chassent des ancres,
c'est à dire que les ancres ripent sur le fond marin de sorte que le navire
se déplace lentement dans le sens du vent sans que personne n'y puisse
rien. Le Pérou fait partie des navires à la dérive et puisque il est proche
de la côte, il est en danger. Les veilleurs du cargo hissent le pavillon
de détresse le samedi 11 décembre 1932. Un premier remorqueur, l'Iroise,
puis un second, le Roscanvel, tentent une approche sans réel succès. Le
paquebot talonne la côte de tout son long au port de Roscanvel, il s'incline
partiellement sur un fond d'eau de 2 m alors qu'il cale à 6m selon la
Dépêche de Brest qui suit l'échouement.
Le dimanche 12 décembre ne permet aucune intervention, les 5 autres navires
parviennent à éviter le pire. La décision de vider les ballasts du paquebot
est salutaire. Ces "citernes" internes au navire, pleines d'eau, contribuant
à la stabilité du paquebot, empêchent la mer à marée haute de soulever
le Pérou échoué. Le lundi 13 décembre les deux remorqueurs réussissent
à tirer le Pérou allégé et à l'installer dans la Rade de Brest sur un
coffre militaire de soutien en attendant la réparation de ses moyens d'ancrage...
En mai 1934, il est confié à la démolition à Saint Nazaire.
Selon, la petite histoire locale, sur cette zone de côte de la Rade de Brest, il n'y avait pas de moules. Le paquebot ayant raclé sa coque, il a essaimé des moules qui auraient colonisé la cale de Roscanvel. Le maire dut interdire la pêche des coquillages dans les semaines et les mois qui suivirent car les moules étaient polluées par les peintures anticorrosion de la coque. Un panneau d'interdiction était resté plusieurs mois.
°°°
Une information, une demande, patrimoine, nature, hors tourisme :
© 2012-2023