La religion chrétienne pénètre la presqu'île de Crozon
par quelques propagateurs romains très minoritaires dans une armée conquérante
venue de Rome et qui durant des siècles d'occupation va tenir des campements
et des liens forcés avec la population qui doit s'adapter à une administration
qu'elle n'a jamais connue. Cette influence devait être éparse. La seconde
diffusion religieuse provient de l'immigration bretonne. Les Armoricains
(Îles Britanniques) traversent la Manche pour s'installer en Petite-Bretagne.
Ils fuient les guerres claniques qui déchirent leur pays divisé en une
multitude de seigneurie. Parmi les migrants, il y a des fils cadets et
suivants de familles nobles qui à défaut de pouvoir briguer un titre aristocratique
réservé à leur aîné, s'investissent dans la religion avec plus ou moins
d'ambition selon les personnalités. La première communauté religieuse
implantée et reconnue en presqu'île de Crozon est celle de Landévennec
à la fin du 5ème siècle sous l'égide de St Guénolé. Mais avant cette installation
et ce rayonnant qui ira croissant, il ne faut pas oublier des générations
de missionnaires démunis qui ouvrirent des ermitages au péril de leur
vie et vivant souvent dans l'isolement volontaire. Ils espéraient approcher
une population païenne, polythéiste qui avait mélangé jusqu'alors les
rites gaulois aux croyances romaines dans un mixe de convictions très
sophistiqué : un dieu pour chaque chose, un malheur pour toute étrangeté...
Une nouvelle religion prônant un dieu unique qui règle tout dans un au-delà
accessible après la mort correspond à une évolution brusque que certains
moines paient de leur vie pour avoir voulu imposer ce qui se susurre.
Des invasions normandes du 10ème siècle de l'Armorique versent une nouvelle
génération de moines qui débarquent partout en Petite Bretagne avec pour
bagage des reliques de leurs saints. « Chacun » tente de bâtir un monastère,
un lieu de prière. La presqu-île de Crozon connaît ces lieux de culte
que la toponymie de certaines parcelles mettent en avant sous la forme
de « ar Mouster » – le monastère ou « ar Chapel » – la Chapelle.
Sur les anciens cadastres, dans les actes de vente, ces mentions apparaissent.
Bien moins dotés, ces monastères n'ont pas su traverser le temps mais
ont contribué à l'établissement d'une religion officielle qui va produire
ses premiers hommes d'église non issus des monastères locaux mais directement
des vues de l'évêché. Evêché du Léon (Saint Pol de Léon) puis évêché de
Cornouaille (Quimper) suite au rattachement de la presqu'île à la famille
de Rohan en 1363.
Quoiqu'il en soit l'abbaye
de Landévennec régit tout, prélève des revenus sur tout et les pauvres
se sont enrichis spirituellement dans la crainte du diable et de ses enfers.
L'abbaye ne peut à elle seule entretenir le mouvement religieux. Deux
paroisses initiales sont créées pour mettre de la temporalité dans une
religion qui doit intégrer les rites païens sans se dévoyer pour prospérer.
Crozon connaît le patronage de Saint Pierre et de Saint Paul. Argol connaît
le patronage de Saint Pierre. Est-ce une coïncidence que les costumes
traditionnels soient distincts en Crozon et toute la partie Ouest de la
presqu'île avec ceux d'Argol et toute la partie Est de cette même presqu'île
? Il y a eu une fracture culturelle entre ces deux presqu'îles cela est
certain. Ensuite d'autres paroisses sont adossées à chaque commune d'importance.
Chaque paroisse est dirigée par un recteur – persoun ou an aotrou
person – seigneur personnage qui assure la gestion du territoire
dont il a la charge. A la grande différence des autres régions, les recteurs
bretons se sont comportés comme des seigneurs dans le plus mauvais sens
du terme, agissant avec une autorité crainte. Des curés et des sous-curés
sont à ses ordres et officient dans les campagnes. Puis il y a des prêtres
nouvellement ordonnés, des enfants du peuple, qui parlent un breton populaire
et attendent une affectation. Ils participent à la vie de la paroisse.
Ces Dom Yan vivent de la charité et se tournent immanquablement vers l'aristocratie
pour subvenir à leurs besoins.
Le clergé et la noblesse otrouvent des communautés d'intérêts qui ne sont
pas toujours liées à la spiritualité mais bien aux affaires terrestres
quant au partage des terres et des pouvoirs. Chaque génération de noble
fournit des fils et des filles religieux ce qui tisse des liens étroits
entre l'église et la noblesse... Durant cet élan, la presqu'île de Crozon
vit se construire une trentaine de chapelles (18 à Crozon en 1745, les
prêtres vivent de la quête). Chaque chapelle a son prêtre, son fabricien,
son sacristain. Ces chapelles tombent en ruines les unes après les autres
quand l'aristocratie trouve moins d'avantages à entretenir une église
qui se veut gourmande et qui au cours de son affaiblissement devient parasitaire...
Puis vient la révolution française de 1789, qui doit remettre à plat les
pouvoirs de la noblesse et du clergé au bénéfice du tiers-état... L'église
se reconstruira avec peine et différemment et ne retrouva jamais son hégémonie
d'antan.
°°°
Une information, une demande, patrimoine, nature, hors tourisme :
© 2012-2023