Le témoignage de l'enseigne de vaisseau Paul Marius
Chateauminois depuis le pont du Duguay-Trouin :
• Samedi 17 décembre : «Le Duguesclin, commandé par M Choux,
capitaine de frégate, s'est échoué sur un banc de roches, près de la Pointe
Espagnole, en faisant ses premiers essais à la vapeur. Il avait au moment
de l'accident une vitesse de 8 nœuds, la mer descendait encore, et ces
deux raisons eussent dû nécessiter de prompts secours. On a tergiversé,
dans l'espérance de voir le vaisseau se relever avec le flot ; mais hélas
! Ces hésitations l'ont perdu. On désarme en ce moment le Duguesclin sur
son banc de roches, d'où on ne pourra l'extirper que par morceaux. »
• Mardi 20 décembre : « Le Duguesclin est complètement défoncé,
on continue son désarmement, Aujourd'hui la neige a cessé, mais la brise
est très fraîche du S-S-E, et le pilote n'a pas jugé prudent d'appareiller
dans la prévision de vents de S-O dehors. »
Le Duguesclin est un vaisseau 3 ponts de 90 canons (essentiellement
de 30, 16 de 18, 4 de 18) de la flotte de Napoléon III construit à Rochefort.
Sur cale en 1823, son premier lancement se fait en 1848 et se trouve en
service en 1850. Ce vaisseau de classe
Suffren n'a pas de fait de guerre à son actif, la seule mission
notable est le transport de 500 forçats de Brest, son port d'attache,
vers la Guyane en 1852.
Le navire sort du service de 1856 à 1859 à Brest pour recevoir une motorisation
et devenir un vaisseau mixte (propulsion à voile et à moteur). Une machine
Mazeline à 2 cylindres à bielles renversées est couplée à 4 chaudières
tubulaires à charbon. Il dispose d'hélices à deux ailes doubles de 5m10.
Il est remis en service le 1er août 1859 et effectue un essai de navigation
dans la rade de Brest en y effectuant un grand cercle par manque de maniabilité.
Rotation trop large et trop proche des récifs de l'Ile Longue sur lesquels
il se drosse par l'imprudence du pilote de port M Picard.
Dans une zone portuaire, le commandement du navire est confié à un pilote
spécialiste des zones de navigation confinée. L'essai de navigation s'effectue
avec seulement 184 hommes à bord au lieu des 811 en situation de guerre
ou 510 en situation de transport. Un équipage embarqué de la veille assiste
la manœuvre désastreuse. Le choc est brutal mais ne semble pas encore
catastrophique.
Un coup de canon de détresse ainsi qu'un drapeau d'échouage sont lancés.
Brest est prévenu, la flotte présente aussi. Le navire prend l'eau progressivement
et s'incline. L'espoir que la future marée haute remette à l'eau le Duguesclin
est vain. Les ordres d'allègement sont tardifs. Les navires de secours
Souffleur, Elorn, Porteur, Marabout... participent au sauvetage mais ne
disposent pas de pompes.
Le lendemain, le contre-amiral Pâris fait mouiller son vaisseau l'Algésiras
à proximité du Duguesclin et constate que ce dernier est perdu. Le 3 janvier
1860, l'ordre de démolition est donné. La machinerie récupérée équipe
le Jean Bart. Durant 6 mois, des marins allègent l'épave. Ce dernier est
enfin remorqué le 17 juillet vers Laninon (Brest) pour être déconstruit.
°°°
Une information, une demande, patrimoine, nature, hors tourisme :
© 2012-2023